Equipe de la veille géopolitique hebdomadaire Europe de l’Est: Matisse Grenier, Séverine Ly, Olga Chekhurska, Elisabeth Nagy et Olivier Husson.
10/12/2022 : Remise des prix Nobel de la Paix à trois lauréats sur fond de guerre en Ukraine -Olivier Husson-
Le 10 décembre a eu lieu la remise des prix Nobel de la Paix à Oslo (Norvège). On retrouve parmi les lauréats le militant Ales Beliatski, opposant au régime de Lukashenko, emprisonné en Biélorussie ainsi que l’ONG russe Mémorial et le Centre pour les libertés civiles ukrainiennes (CLL).
Le Centre pour les libertés civiles a été fondé en 2007, à Kiev, dans le but de faire progresser les droits de l’homme et la démocratie en Ukraine. Oleksandra Matviichuk, présidente du CLL a déclaré que « la guerre en Ukraine n’est pas une guerre entre deux Etats, mais entre deux systèmes : l’autoritarisme et la démocratie » dans son discours de remise des prix.
Quant à Ales Bialiatski, âgé de 60 ans, il est un militant politique incarcéré depuis juillet 2021, il a dirigé la Viasna, la principale organisation de défense des droits humains dans le pays. Il est accusé d’être impliqué dans une prétendue affaire de « fraude fiscale » risquant une peine de prison supplémentaire de douze ans.
« La répression brutale de Viasna n’est qu’une partie de la purge de la société civile décidée par le président Alexandre Loukachenko », note alors l’ONG Human Rights Watch. En l’absence d’Ales Beliatski, c’est son épouse, Natalia Pintchouk qui a reçu le prix et elle a accusé le Kremlin de vouloir instaurer en Ukraine « une dictature dépendante [de Moscou] comme c’est actuellement le cas en Biélorussie » dans son discours à la remise des prix.
Egalement présent à Oslo, Oleg Orlov, co-lauréat et responsable de l’association russe Memorial, qui luttait contre la violation des libertés et des droits en Russie. Elle a été démantelée et dissoute par la justice russe fin 2021. Elle faisait la lumière pendant trois décennies sur les purges staliniennes, puis les répressions dans la Russie contemporaine du président Vladimir Poutine, avant d’en être elle-même victime. Yan Rachinsky qui a reçu le prix Nobel au nom du Memorial aurait reçu des appels du Kremlin pour lui demander de « refuser la récompense » selon la BBC.
11/12/2022 : Escalade des tensions à la frontière serbo-kosovare -Séverine Ly-
Le 11 décembre, s’est réuni le Conseil serbe de sécurité nationale présidé par le président de la République et chef des forces armées, Aleksandar Vucic, afin de statuer sur les mesures nécessaires dans le contexte d’un regain des tensions à sa frontière avec le Kosovo, selon le site officiel du gouvernement.
Depuis le 9 décembre, des serbes résidant au Kosovo ont dressé des barricades dans la région frontalière de Metohija en signe de protestations aux décisions prises depuis quelques semaines par le gouvernement de et considérées comme «anti-serbes». L’arrestation récente du serbe Dejan Pantic au Kosovo, dont l’accusation de participation à des actions terroristes portée par Pristina est niée par Belgrade, a exacerbé le conflit.
Après cette session, le président serbe a accordé une interview au média local RTS 1 portant sur la situation au Kosovo-Metohija. En appelant à l’apaisement, il a déclaré qu’il avait «des assurances de la KFOR et d’EULEX qu’ils ne prendront pas d’actions violentes contre les manifestants» tout en rappelant que la KFOR doit «garantir la sécurité des Serbes» et avertissant que si une quelconque action serait prise envers eux, «tout sera clair» pour lui.
Josep Borrell, haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a réagi sur Twitter en condamnant «les attaques envers EULEX ou le recours à des actes violents, criminels dans le nord» par les Serbes kosovars. Il a ainsi demandé le retrait immédiat de leurs barricades. «Le calme doit être restauré» a-t-il affirmé.
13/12/2022 : Liquidation du Tribunal administratif régional de Kyiv par le parlement ukrainien – Séverine Ly-
Dans son adresse quotidienne, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé le 13 décembre avoir signé la loi adoptée par la Verkhovna Rada concernant la liquidation du Tribunal administratif régional de Kyiv. «Cette histoire est finie» a-t-il affirmé.
Cette institution judiciaire était connue pour être une des institutions clés de la corruption en Ukraine. A sa tête, Pavlo Vovk, accusé d’usurpation de pouvoir, d’obstruction de la justice, de crime organisé et d’abus d’autorité selon le média local The Kyiv Independent. Le tribunal rendait donc des décisions pro-oligarques ou bloquait les réformes.
En avril 2021, Volodymyr Zelensky avait soumis une loi marquée «urgente» pour mettre un terme aux activités du tribunal de M. Vlovk. Mais son approbation était depuis bloquée par les membres de son propre parti. Le 9 décembre, le Département d’État des États-Unis l’a placé sous sanctions dans le cadre du Magnitsky Act, visant les personnes impliquées dans des affaires de corruption, le harcèlement et violation des droits humains. Le 12, la commission chargée de la politique juridique du parlement ukrainien a recommandé le vote de la loi. Le 13, celle-ci est approuvée.
Les activistes anti-corruption ont salué la décision tout en nuançant son pouvoir effectif. Selon une déclaration officielle du tribunal, «juges et employés continuent de remplir leur devoir» et «ne reconnaissent pas les résultats» du vote du parlement. Ainsi, il faudra plus qu’une loi pour faire face à cette institution symbolique de la corruption.
13/12/2022 : Un accord est signé entre l’Albanie et le Royaume-Uni pour lutter contre l’immigration illégale. -Matisse Grenier-
Le 13 décembre, dans un contexte de hausse des tentatives de traversées clandestines de la Manche à destination du Royaume-Uni, le Premier ministre britannique Rishi Sunak a prononcé un discours retranscrit par le Bureau du Premier ministre et publié sur les sites gouvernementaux officiels. Rishi Sunak y annonce un accord avec l’Albanie, dont les ressortissants constitueraient «un tiers des arrivées clandestines par la Manche».
L’accord conclu prévoit d’abord que des agents britanniques des forces frontalières seront positionnés à l’aéroport international de Tirana, afin de «perturber le crime organisé et empêcher les gens de venir [au Royaume-Uni] illégalement». L’accord prévoit ensuite que de nouvelles directives, indiquant que l’Albanie est un «pays sûr», seront transmises aux travailleurs sociaux britanniques, ce qui permettra de rejeter plus aisément les demandes d’asile de ressortissants albanais. Par ailleurs, le seuil à partir duquel un demandeur d’asile est considéré comme victime d’esclavage moderne sera réhaussé. Enfin, l’accord prévoit la création d’une nouvelle unité dédiée au traitement des dossiers albanais et à l’accélération des procédures.
Le Premier ministre britannique précise que les autorités albanaises ont fourni l’assurance formelle qu’elles protègeront les victimes de la traite des êtres humains, reconduites en Albanie par des vols hebdomadaires. Grâce à cet accord, Rishi Sunak affirme que «la vaste majorité des demandes [d’asile] de la part d’Albanais peuvent simplement être déclarées clairement infondées».
14/12/2022 : Un échange de prisonniers a été réalisé entre la Russie et l’Ukraine – Olga Chekhurska.
Le 14 décembre un nouvel échange de prisonniers entre l’Ukraine et la Russie a eu lieu. Selon le Chef de l’administration présidentielle ukrainienne, Andriy Yermak, 64 militaires ukrainiens ont été libérés. On retrouve parmi eux des officiers, des soldats et des sergents qui ont combattu dans les régions de Donetsk et de Louhansk et ont notamment défendu la ville de Bakhmut. L’Ukraine a également réussi à rapatrier les corps de quatre morts et libérer le citoyen américain Murekezi Suedi, un vétéran de l’US Air Force. Le porte-parole du Conseil de sécurité nationale à la Maison-Blanche, John Kirby, a confirmé qu’un citoyen américain avait été libéré dans le cadre d’un échange de prisonniers entre la Russie et l’Ukraine le 14 décembre.
La Direction principale du renseignement du ministère ukrainien de la Défense a confirmé que dans le cadre de l’échange de prisonniers du 14 décembre, l’Ukraine a remis à la partie russe un prêtre de l’Église orthodoxe ukrainienne. C’est ce qu’a déclaré le représentant de la Direction principale du renseignement du ministère de la Défense de l’Ukraine Andriy Yusov. Plus tôt, le fait que l’Ukraine a remis à la Fédération de Russie le prêtre Andrei Pavlenko a été rapporté par les médias russes. Le prêtre a été emprisonné pendant 8 mois et il y a une semaine il a été condamné à 12 ans de prison pour trahison (il a été accusé d’avoir transmis des informations sur les forces armées ukrainiennes aux Russes).
Par ailleurs, selon The Guardian, la présidente du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Mirjana Spoljarich, a déclaré qu’elle n’exclut pas la possibilité d’un échange à grande échelle de prisonniers de guerre au format “tous pour tous” entre la Russie et l’Ukraine en l’avenir. Elle a noté qu’il existe des précédents pour de tels échanges, et qu’ils servent, en règle générale, de « mesures de confiance » entre les parties au conflit. « Très souvent, un grand échange de prisonniers est la première étape vers un accord plus large », a déclaré Mirjana Spoljarich. Mais elle n’a pas précisé si le CICR négociait un tel échange avec la Russie ou l’Ukraine.
15/02/2022: La demande officielle d’adhésion à l’UE du Kosovo fait suite au statut officiel de candidat à l’UE de la Bosnie-Herzégovine. -Elisabeth Nagy-
Ce jeudi 15 décembre à Prague, le président kosovar Albin Kurti a remis sa demande officielle d’adhésion à l’Union européenne à Mikulas Bel, ministre tchèque des Affaires européennes dont le pays assure la présidence tournante de l’UE depuis juillet. « C’est un jour historique pour le peuple du Kosovo et un grand jour pour la démocratie en Europe » a déclaré A.Kurti à la presse. Le Kosovo est le dernier pays des Balkans à avoir postulé pour son adhésion à l’UE.
C’est une bonne nouvelle pour le pays malgré les tensions qui persistent avec la Serbie, dont une des conditions sine qua non d’entrée dans l’UE est d’être en paix avec ses pays frontaliers. Cette demande fait suite au sommet de Tirana pendant lequel l’UE a rappelé son attachement au processus d’élargissement de sa zone aux pays des Balkans occidentaux.
Cette demande fait suite à l’octroie, jeudi dernier, du statut officiel de candidat à l’adhésion à l’UE de la Bosnie-Herzégovine.
Candidate depuis le sommet de Thessalonique de 2003, cette candidature a été reçue en demi-teinte par les médias européens qui jugent le pays et sa politique corrompus et aux mains des cartels locaux.
Rappelons que l’un des critères majeurs d’adhésion à l’UE est le critère politique. En effet, «la situation doit être stable, garantir la démocratie, l’état de droit, le respect des minorités et leur protection».
Nul doute que le processus sera encore long avant la décision finale émanant des 27.
16/12/2022 : Nouvelle attaque massive de missiles sur le territoire ukrainien -Séverine Ly-
Le 16 décembre au matin, une nouvelle attaque de missiles russes a touché des «infrastructures énergétiques et résidentielles» dans les régions de Kyiv, Zhytomyr, Kharkiv, Dnipropetrovsk et Zaporizhia selon le ministère de la défense ukrainien sur Telegram. «70 missiles de croisière et 4 missiles aériens guidés» auraient été tirés, dont «60 abattus par la défense aérienne» de l’Ukraine.
La région de Kyiv aurait été visée par 40 missiles dont 37 détruits selon l’administration locale. Le métro a été arrêté, comme celui de Kharkiv visé par 7 attaques, l’eau et l’électricité partiellement coupées.
En outre, l’approvisionnement en électricité a été suspendue dans les régions de Kharkiv, Zaporizhia, Poltava, Dnipropetrovsk, Kryvyi Rih, Cherkassy, Mykolaiv, Odessa, Lviv, Rivne, Volyn, Sumy et Kherson à la suite d’endommagements de nombreuses sous-stations électriques et à la nécessité de décharger le réseau national.
Dans une déclaration officielle, Josep Borrell, haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a dénoncé une attaque «inhumaine» constitutive d’un crime de guerre. Il a assuré le soutien de l’UE auprès de la population ukrainienne «privée d’électricité, de chauffage et d’eau».