Les dossiers que nous suivons : La Chine en Indopacifique ; Défense chinoise et détroit de Taïwan ; Relations sino-russes ; Engagement de la Chine au Moyen-Orient ; Stratégie et tendances économiques chinoises ; Dynamiques et enjeux du tourisme chinois à l’international…
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Chers lecteurs d’EurasiaPeace,
Bienvenue sur notre veille «Engagement de la Chine au Moyen-Orient» ! Cette veille se concentrera sur la position de la Chine sur le conflit israélo-palestinien, sur laquelle nous vous proposons une analyse plus complète dans notre première veille sur la Chine et le Moyen-Orient, mais abordera également les signes plus discrets de l’influence grandissante de la Chine dans la région. Bonne lecture !
– Renforcement de la coopération de défense sino-saoudienne avec l’activisme houthi en toile de fond
Le ministre de la Défense saoudien, Khalid ben Salman, a atterri à Pékin le 25 juin. Il y a rencontré son homologue chinois, Dong Jun, ainsi que l’un des vice-présidents de la Commission militaire centrale, Zhang Youxia.
Si les liens sécuritaires entre les deux Etats se sont significativement renforcés ces dernières années (achats d’armement chinois, conduction de premiers exercices conjoints…), cette visite se teinte de considérations conjoncturelles : Riyadh souhaite encourager la Chine à faire preuve de son influence sur les Houthis pour que ces derniers calment leur activisme en mer Rouge. La Chine ne dispose pas de levier direct sur le groupe armé, mais les Houthis dépendent du soutien de l’Iran. C’est en faisant pression sur l’Iran que Pékin pourrait indirectement susciter une accalmie dans le détroit.
Sous cette lumière, les mots de l’amiral Dong Jun rapportés dans le communiqué officiel sur la rencontre prennent un autre sens : il y affirme que la Chine «se tient fermement aux côtés de l’Arabie saoudite sur les questions concernant les intérêts fondamentaux respectifs», et que les deux parties «communiquent et se coordonnent en temps opportun sur les affaires internationales et régionales» pour défendre leurs «intérêts communs».
– Le Hezbollah menace un port opéré par le Shanghai International Port Group
Le Hezbollah, qui opère notamment au sud du Liban, peut également représenter un danger ou une gêne pour les intérêts chinois. Mi-juin, le groupe armé a diffusé une vidéo filmée par un drone survolant les infrastructures portuaires d’Haifa, ville côtière du nord d’Israël. Israël Katz, le ministre des Affaires étrangères israélien, a cité la Chine sur son compte X suite à la publication de cette vidéo : «Aujourd’hui, Nasrallah est fier des images des ports de Haïfa, exploités par des sociétés internationales de Chine et d’Inde, et menace de les attaquer». En clair : Israël Katz appelle l’Inde et la Chine à réagir, à se positionner publiquement contre le Hamas afin de protéger leurs intérêts commerciaux.
Galia Lavi, chercheuse affiliée à l’Institute for National Security Studies de l’université de Tel Aviv, a publié un article d’analyse de cette initiative sur Aurora Israël. La chercheuse considère que l’appel du pied d’Israël Katz à l’Inde et la Chine ne peut qu’avoir un impact limité : elle ne croit pas à une prise de position ferme de la Chine sur cette question, en raison de la ligne modérément mais indéniablement pro-palestinienne de cette dernière depuis le début du conflit.
Ce que G. Lavi semble oublier, néanmoins, que le Hezbollah est subordonné à l’Iran, et que la Chine a un poids fort sur Téhéran. Tout comme pour les Houthis, la Chine pourrait donc, en coulisses, agir pour calmer les tensions entre le groupe armé et Israël – non pas en prenant position publiquement, mais en faisant jouer les ressorts diplomatiques pour exercer une pression indirecte sur le Hezbollah (1).
– Sanctions à l’encontre d’entreprises chinoises soutenant le mouvement houthi
Le 17 juin, le Bureau américain de contrôle des avoirs étrangers (Office of Foreign Assets Control ou OFAC) a annoncé geler les avoirs de dix entités soutenant directement ou indirectement le mouvement terroriste houthi, dont trois sont des entreprises localisées sur le sol chinois (2). Ces trois entreprises, Guangzhou Tasneem Trading Company, Ningbo Beilun Saige Machine Co. et Dongguan Yuze Machining Tools Co., sont accusées d’avoir aidé le mouvement houthi à se procurer des éléments essentiels à la production de leur armement.
Le 10 juin, l’OFAC avait déjà désigné dix entités (dont la société de transport maritime hongkongaise Lainey Shipping Ltd.) impliquées dans l’import-export de produits dont la vente bénéficie aux Houthis, et ce notamment en Chine et en Syrie.
Bien que ces désignations n’aient pas eu un retentissement significatif dans la presse internationale, elles fragilisent tout de même l’image d’acteur neutre et irrépréhensible que la Chine s’efforce de construire. Le gouvernement chinois n’apparaît, certes, pas directement impliqué ; mais il est difficile de jauger l’énergie que ce dernier met à la prévention de ce genre de transaction. Ces sanctions mettent en outre en lumière la crédibilité de la Chine aux yeux des Houthis eux-mêmes, expliquant les précautions prises à l’égard des bâtiments battant pavillon chinois – qui ne seront pas pris pour cibles, selon les porte-paroles du mouvement. L’agressivité houthie en mer Rouge, néanmoins, reste un sujet d’inquiétude pour Pékin en ce qu’elle continue d’impacter le commerce chinois.
(1) A noter que la recomposition du pouvoir iranien suite au décès du précédent président, Ebrahim Raïssi, peut compromettre la mise en œuvre immédiate de ces efforts. Toutefois, le degré de danger représenté par la destruction partielle ou totale du port, et la probabilité même de sa réalisation, n’apparaissent pas assez élevés pour justifier un changement majeur dans la politique extérieure chinoise. Même face à un blocage temporaire du côté iranien, il reste donc peu probable que la Chine exprime une critique publique de l’action du Hezbollah.
(2) L’OFAC est une branche du département du Trésor américain chargé de maintenir une vigilance à l’égard des acteurs violant les droits humains et/ou agissant contre les intérêts américains. Les sanctions de l’OFAC consistent en le gel des avoirs des entités ou individus qu’il désigne. Ces derniers ne peuvent dès lors plus accéder à leurs fonds et biens situés sur le sol américain, effectuer une transaction avec un national, ni faire transiter aucune somme ou bien par les Etats-Unis. Toute autre personne ou entité offrant un soutien aux sanctionnés (que ce soit sous la forme de fonds, biens ou services) risque de se voir également impactée.
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