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L’influence de la nouvelle stratégie russe “le pivot vers l’est” sur la coopération énergétique entre la Russie et l’Europe face aux crises ukrainiennes

Le pivot vers l’Est de la Russie est une stratégie de politique étrangère russe visant à renforcer les relations et la coopération économique, politique et militaire avec l’Asie. Cette stratégie a été mise en œuvre pour diversifier les partenariats internationaux de la Russie et réduire sa dépendance à l’égard des pays de l’Occident.

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Le pivot vers l’Est de la Russie : stratégie de diversification géopolitique et économique

Sous la présidence de Vladimir Poutine, le pivot vers l’Est a pris de l’ampleur, en partie en réponse aux tensions accrues avec l’Occident, notamment après l’annexion de la Crimée en 2014 et le déclenchement de la guerre en Ukraine en 2022. Cette stratégie vise à atténuer l’impact des sanctions économiques et à trouver de nouveaux débouchés économiques et politiques pour la Russie.

La coopération étroite avec la Chine est un élément clé de cette stratégie, les deux pays développant des relations économiques et diplomatiques renforcées, ainsi qu’une coordination géopolitique, en s’opposant parfois aux politiques étrangères américaines.

Le pivot vers l’Est comprend deux dimensions, à savoir la dimension intérieure, axée sur le développement de l’Extrême-Orient russe, et la dimension extérieure, impliquant une coopération accrue avec les pays asiatiques dans les domaines économiques, militaires et énergétiques.

Cette stratégie vise à atteindre plusieurs objectifs, notamment l’expansion économique et politique dans la région Asie-Pacifique, la diversification des partenaires commerciaux, l’atténuation des effets des sanctions, et la recherche d’alternatives aux partenaires occidentaux délaissés en raison de désaccords géopolitiques.

En ce qui concerne la politique énergétique russe, la Russie a consolidé sa position en tant que puissance énergétique mondiale grâce au contrôle étatique de ses ressources énergétiques, en particulier le gaz naturel et le pétrole. La crise gazière entre la Russie et l’Ukraine en 2006 et 2009 a mis en évidence la dépendance de l’Europe vis-à-vis de la Russie en matière d’énergie.

La Russie a cherché à diversifier ses exportations de gaz, notamment en concluant des accords avec la Chine. Cependant, les fluctuations des prix du pétrole ont révélé la vulnérabilité de l’économie russe. La nécessité de moderniser les infrastructures et de développer des sources d’énergie renouvelable a également été reconnue.

L’économie russe dépend fortement des revenus issus des exportations d’énergie, notamment du pétrole, du gaz naturel et du charbon, ce qui renforce sa position en tant que puissance énergétique mondiale, mais expose également le pays à des risques économiques.

L’histoire du pivot vers l’Est

La Russie, à cause de sa géographie, est à la fois un pays européen et asiatique, elle est eurasiatique. C’est une idée qui est née avec le mouvement des slavophiles au XIX siècle et qui s’opposait au mouvement occidentaliste, le mouvement selon lequel les valeurs et institutions russes doivent adopter et imiter celles de l’Occident.

Au XVIIIe siècle, lors de l’ère de Pierre le Grand, les slavophiles n’existaient pas encore, mais certaines idées similaires étaient exprimées. Cependant, le mouvement slavophile a émergé au XIXe siècle, en réaction aux réformes occidentales et à l’occidentalisation de la Russie.

Les slavophiles critiquaient la civilisation occidentale et mettaient en avant le rôle spécial de la Russie dans l’histoire mondiale. Ils soulignaient l’importance de la religion orthodoxe et prônaient la préservation des traditions russes et de la communauté.

L’exode vers l’Est, un mouvement idéologique des émigrants russes au XXe siècle, était une réaction à la révolution et à la guerre civile en Russie. Il mettait l’accent sur la Russie en tant que pays eurasien et soulignait les liens de la Russie avec les cultures orientales. Les émigrants ont soutenu le développement des liens économiques avec l’Est et la diffusion de la culture russe.

L’idéologie de l’exode vers l’Est n’était pas uniforme, mais elle a eu une influence significative sur la communauté des émigrants et continue de jouer un rôle important dans l’histoire et l’identité russes. Cette idée de la Russie en tant que nation eurasienne continue de façonner les débats sur l’identité russe et sa place dans le monde.

La période de l’URSS a vu une évolution du concept du pivot vers l’Est, passant d’un mouvement philosophique et culturel à une stratégie étatique. Cette stratégie visait à renforcer l’influence de l’URSS dans la région Asie-Pacifique, formant un bloc d’opposition à l’Occident, en particulier aux États-Unis et à leurs alliés, pendant la Guerre froide.

Les premières étapes de cette stratégie ont été mises en place immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, avec un soutien actif aux mouvements anticoloniaux et aux luttes de libération nationale en Asie et en Afrique. L’URSS fournissait une aide financière, militaire et politique à ces pays.

L’URSS a également développé des liens économiques et commerciaux avec les pays asiatiques, renforcé sa présence militaire dans la région, et soutenu des mouvements communistes et de gauche dans divers pays d’Asie.

Un exemple marquant de cette stratégie a été le soutien apporté au Vietnam pendant la guerre du Vietnam, avec une aide financière, militaire et politique. Cela a renforcé l’influence de l’URSS dans la région.

Cependant, la stratégie du pivot vers l’Est avait ses limitations, notamment la concurrence avec d’autres grandes puissances comme la Chine et l’Inde, ainsi que des divergences politiques et religieuses entre les pays de la région. De plus, l’ingérence idéologique de l’URSS a été critiquée.

En fin de compte, la stratégie du pivot vers l’Est à l’époque de l’URSS a laissé une trace significative dans l’histoire de la politique mondiale, avec des aspects positifs et négatifs. Elle continue d’être un sujet de discussion et de recherche.

Sous la présidence de Vladimir Poutine, la Russie a mis en place une politique du pivot vers l’Est afin de renforcer ses liens avec les pays de l’Asie-Pacifique. Cette politique a émergé après la dissolution de l’URSS, lorsque la Russie a perdu sa position de superpuissance mondiale. Le pivot vers l’Est visait à diversifier les partenaires et opportunités de développement du pays, notamment en renforçant ses relations avec des économies dynamiques de la région, telles que la Chine, l’Inde, le Japon et la Corée du Sud.

Cette stratégie a permis à la Russie d’accéder à de nouveaux marchés, investissements et technologies dans la région. Elle a également réduit la dépendance de la Russie vis-à-vis des marchés européens pour ses ressources énergétiques, en particulier le gaz. La Chine est devenue un partenaire commercial clé pour la Russie, ce qui a considérablement diversifié les marchés d’exportation pour l’énergie russe.

Le pivot vers l’Est est à l’avenant d’une importance géopolitique, renforçant la position de la Russie sur la scène internationale et permettant son implication dans la résolution de problèmes mondiaux. La Russie est devenue membre de l’APEC et a signé des accords de partenariat stratégique avec plusieurs pays asiatiques.

Le développement de cette politique a été divisé en plusieurs étapes, avec un accent particulier sur le renforcement des liens économiques, énergétiques et militaires. Cela a été accompagné par une participation active aux forums régionaux, tels que l’OCS et l’APEC.

Cependant, cette politique n’est pas exempte de défis, notamment la concurrence d’autres puissances, les risques liés à une dépendance envers la Chine et des problèmes géopolitiques. En somme, le pivot vers l’Est est devenu une initiative stratégique importante pour la Russie, favorisant sa croissance économique et son influence géopolitique, mais nécessitant une gestion attentive des risques et des défis.

L’évolution du pivot vers l’Est face aux crises ukrainiennes

La Révolution orange survenue en Ukraine en 2004 a eu un impact significatif sur la coopération énergétique entre la Russie et l’Europe. Avant cette période, la Russie était un fournisseur clé d’énergie pour l’Europe, mais les événements de la Révolution orange ont conduit à des changements majeurs dans les relations énergétiques entre les deux parties. 

Dans les années 1960, l’URSS a initié l’exportation de ressources énergétiques vers l’Europe, fournissant du pétrole, du gaz et de l’électricité. Cette coopération a été mutuellement bénéfique, apportant des revenus importants à l’URSS et fournissant à l’Europe des ressources énergétiques essentielles pour sa reconstruction après la Seconde Guerre mondiale.

Après la dissolution de l’Union soviétique, les relations énergétiques entre la Russie et l’Europe ont évolué. La Russie est restée un fournisseur majeur de gaz et de pétrole pour l’Europe, mais des désaccords ont émergé concernant les paiements et les contrats de transit à travers l’Ukraine.

La Révolution orange a entraîné des changements significatifs dans la coopération énergétique. Les différends gaziers entre la Russie et l’Ukraine ont entraîné des interruptions de l’approvisionnement en gaz vers l’Europe, sapant la confiance envers la Russie comme fournisseur fiable et soulignant la nécessité de diversifier les sources d’approvisionnement énergétique. L’Ukraine a cherché à réduire sa dépendance vis-à-vis de la Russie en diversifiant ses sources d’énergie, tandis que l’Europe a intensifié ses investissements dans les énergies renouvelables pour renforcer sa sécurité énergétique. Des projets tels que le « Corridor gazier sud-européen » ont été initiés pour réduire la dépendance au gaz russe en acheminant du gaz de la mer Caspienne vers l’Europe en contournant la Russie.

Les pays européens ont également pris des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et investir dans les énergies renouvelables. L’Allemagne, l’Espagne et le Danemark ont adopté des politiques favorables aux énergies renouvelables, stimulant la croissance de leur industrie nationale.

La Russie a réagi en développant des partenariats avec des marchés asiatiques émergents, notamment la Chine, dans le cadre de sa politique du « pivot vers l’Est ». Cette stratégie visait à diversifier les partenaires économiques de la Russie et à compenser les pertes potentielles dues aux tensions avec l’Ukraine et l’Occident.

Dans les années 2000, les relations entre la Russie et l’Union européenne étaient marquées par des tensions concernant les approvisionnements en gaz, ce qui a conduit l’UE à prendre des mesures visant à réduire sa dépendance au gaz russe. Ces mesures ont inclus le passage au commerce de gaz au comptant pour réduire l’impact des fluctuations des prix du pétrole. De plus, l’UE a adopté des législations pour libéraliser les marchés de l’énergie, privant Gazprom de la propriété des gazoducs et le soumettant à des mesures antitrust pour égaliser les conditions de concurrence.

En 2021, le gaz russe représentait environ 40 % de la consommation européenne, et malgré des tensions persistantes, la Russie jouait un rôle important dans la stratégie énergétique à long terme de l’UE. Cependant, tout a radicalement changé en 2022 lorsque la Russie a lancé son offensive de grande échelle contre l’Ukraine, entraînant des sanctions massives de la part de la communauté internationale. Ces sanctions ont visé divers secteurs économiques russes, y compris le secteur énergétique.

En réponse à ces sanctions, la Russie a commencé à exiger des paiements en roubles pour le gaz et le pétrole, tandis que les pays asiatiques et du Moyen-Orient augmentaient leurs achats de pétrole russe. Cela a aidé la Russie à maintenir ses exportations de pétrole malgré les sanctions. Cependant, les prévisions à long terme ont suggéré que la production de pétrole et de gaz en Russie serait compromise en raison de l’épuisement des réserves, des sanctions, du manque d’investissement, et de l’accès limité à la technologie.

De plus, la Russie a cherché à élargir ses partenariats énergétiques vers l’Asie, en particulier avec le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, et d’autres pays de la région. Les exportations de pétrole russe vers l’Inde et la Chine ont augmenté de manière significative, ce qui a permis à la Russie de diversifier ses marchés. Cette situation a entraîné des conséquences économiques complexes pour l’Union européenne, confrontée à des prix de l’énergie plus élevés et à des incertitudes quant à ses approvisionnements énergétiques.

Globalement, la guerre en Ukraine et les sanctions internationales ont profondément modifié le paysage énergétique et commercial russe, entraînant une réorientation vers l’Asie et des défis économiques et géopolitiques pour l’Union européenne.

La stratégie du pivot vers l’Est, rendue officielle par la Russie en 2012 lors du forum de l’APEC à Vladivostok, vise à renforcer son développement économique en tirant parti de la croissance dynamique de la région Asie-Pacifique. La Chine demeure un partenaire clé de cette stratégie, mais la Russie coopère également avec d’autres pays de la région. Cette approche a permis à la Russie de réaliser des progrès significatifs dans les domaines de l’économie, de l’énergie, des transports, et de la coopération internationale entre 2012 et 2022.

Des accords stratégiques ont été conclus avec la Chine, notamment dans les domaines du commerce, de l’énergie, des transports, et de la finance. Des projets communs, tels que les gazoducs “Force de la Sibérie” et “Force de la Sibérie 2”, ont été développés. La Russie a également participé activement à des accords politiques et économiques au sein de l’OCS et a promu la coopération commerciale et économique au sein de l’APEC. De plus, des accords de transport, comme la construction d’un pont ferroviaire sur le fleuve Amour, ont été conclus avec la Chine.

Le pivot vers l’Est a permis à la Russie de réduire sa dépendance vis-à-vis des exportations énergétiques vers les États de l’Union européenne, notamment en se tournant vers la Chine et d’autres partenaires de la région Asie-Pacifique, suite à l’invasion de l’Ukraine en 2022. Cela a atténué l’impact des sanctions européennes.

Les défis et problèmes actuels

Cependant, malgré les avantages de cette stratégie, des défis subsistent.

Après les années 1990, la Russie a privilégié le développement de ses régions occidentales, en particulier Moscou et Saint-Pétersbourg, au détriment de ses régions orientales, telles que la Sibérie et l’Extrême-Orient. Cette politique a créé un écart significatif en termes de développement économique et d’infrastructures entre l’ouest et l’Est du pays.

Ces régions orientales, malgré leur proximité géographique avec les pays de la région Asie-Pacifique, présentent plusieurs défis pour le pivot vers l’Est de la Russie. L’un des principaux obstacles est le manque d’infrastructures de transport modernes, ce qui entrave la circulation des biens, des services et des personnes vers et depuis la région. De plus, l’absence d’infrastructures logistiques développées rend difficile le transport et augmente les coûts associés, limitant ainsi la compétitivité de la région.

Les régions de la Sibérie et de l’Extrême-Orient manquent également d’infrastructures énergétiques et numériques adéquates, ce qui limite leur accès à l’énergie, aux technologies de l’information et à l’innovation. De plus, l’inégalité économique entre les régions russes, avec Moscou et d’autres grandes villes du centre plus développées que les régions de l’Est, crée des opportunités inégales pour le développement des entreprises, des investissements et des emplois.

Ces régions de l’Est de la Russie, bien qu’elles regorgent de ressources naturelles, souffrent de leur dépendance excessive à l’exportation de matières premières, ce qui les rend vulnérables aux fluctuations des prix mondiaux. Cette dépendance limite la diversification économique et l’innovation, entravant ainsi la croissance durable.

Le manque de diversité économique et d’investissement dans ces régions, en dehors des secteurs des matières premières, contribue à la migration de la population vers les régions plus développées, entraînant un déséquilibre démographique et socio-économique. Ces problèmes représentent des obstacles importants au développement réussi du pivot vers l’Est de la Russie.

La Russie est confrontée à des défis géopolitiques majeurs dans son pivot vers l’Est, en particulier en ce qui concerne la concurrence avec la Chine. Bien que les deux pays entretiennent une coopération étroite, ils sont également des concurrents économiques sur la scène internationale. La rivalité entre la Russie et la Chine s’exprime à travers plusieurs domaines, notamment l’exportation de ressources énergétiques, les technologies de l’information et de l’électronique, la fabrication, la construction, et d’autres secteurs. Des entreprises chinoises telles que Huawei, Xiaomi, Alibaba et Tencent rivalisent avec des entreprises russes comme Yandex, Svyaznoy, Mail.ru Group et Kaspersky Lab sur les marchés mondiaux. Cette concurrence peut influencer les opportunités d’exportation de la Russie et sa position dans la région.

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