Equipe de veille Union européenne : Sara Brouwers, Victor Martin, Madara Lange, Audrey Moisan, Teodora Subotic, Louis Harand, Etienne Mathieu
19/03/2022 : l’Espagne et le Maroc définissent un nouveau virage historique : Madrid met fin à sa neutralité sur le Sahara Occidental et soutient Rabat. -Sara Brouwers-
Le 17 janvier, le souverain espagnol avait plaidé en faveur d’un avenir dans lequel le Maroc et l’Espagne « seraient unis pour affronter les défis d’aujourd’hui et de demain », tout en appelant à « redéfinir ensemble une relation pour le 21e siècle, sur des piliers plus forts et plus solides ». Ainsi, ce 18 mars, la lettre adressée par Pedro Sanchez au Roi du Maroc, différentes déclarations du gouvernement espagnol, ainsi que le communiqué de la diplomatie marocaine, ont confirmé l’adoucissement des relations entre le Maroc et l’Espagne. Pour certains observateurs, ce rapprochement s’est définie comme une « victoire diplomatique majeure » que le Maroc a obtenu grâce à l’implication personnelle de Mohammed VI. Celui-ci avait déclaré, lors de son discours royal le 20 août 2021, que « le but n’était pas seulement de trouver une issue à cette crise, mais aussi de saisir l’opportunité pour redéfinir les bases et les paramètres qui régissent ces relations ». La représentante de l’Union Européenne, Nabila Massrali, a appuyé cette décision qualifiant ce dégel de « bénéfique pour la mise en œuvre du partenariat euro-marocain dans son ensemble ». Néanmoins, en choisissant de s’aligner officiellement sur la position du Maroc dans le conflit du Sahara occidental, l’Espagne a provoqué d’importantes réactions de la part des indépendantistes sahraouis du Front Polisario.
19/03/2022 : 60 ans après la conclusion des accords d’Évian, Emmanuel Macron exprime sa volonté de poursuivre la politique d’apaisement des mémoires. -Madara Lange-
Le 19 mars, le chef d’État français a prononcé un discours à l’Élysée, à l’occasion de la cérémonie de commémoration du soixantième anniversaire de la conclusion des accords d’Évian. Il entendait souligner les efforts faits jusqu’ici, et la volonté de continuer une politique apaisée de réconciliation des mémoires.
Emmanuel Macron a exprimé son souhait de continuer à coopérer avec les autorités algériennes, malgré l’absence de représentants officiels à la cérémonie. Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a déclaré la nécessité de traiter le dossier mémoriel « dans un climat de franchise et de confiance », même si « les crimes de la colonisation ne seront pas oubliés ».
L’approche du chef de l’État français, candidat à sa propre réélection, n’est pas partagée par d’autres candidats. Par exemple, Marine Le Pen (Rassemblement national) et Valérie Pécresse (Les Républicains) ne souhaitent pas maintenir la date du 19 mars 1962 pour commémorer la fin de la guerre d’Algérie. Éric Zemmour (Reconquête!) a exprimé sa volonté de collaborer avec les autorités algériennes « dans le respect mais sans repentance ».
21/03/2022 : l’Union européenne approuve le plan pour une nouvelle Politique de Sécurité et de Défense. -Teodora Subotic-
A l’issu de la réunion du 21 mars 2022, le Conseil de l’Union européenne a approuvé la boussole stratégique – nouveau plan d’action visant le renforcement dans le domaine de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), en réponse à la guerre russo-ukrainienne aux portes de l’Europe.
Le plan élaboré par les ministres européens s’est articulé autour de 4 piliers.
Afin d’assurer une capacité d’agir dans les moments de crise de sécurité, l’UE s’est donné l’objectif de déploiement rapide qui devrait compter jusqu’à 5 000 militaires. Le plan a aussi prévu un renforcement en missions civiles et militaires de même qu’en mobilité, puis d’avantage d’exercices sur terre et en mer.
Dans l’objectif d’assurer la sécurité, l’UE s’est efforcée à développer ses capacités de renseignement, de cyberdéfense ainsi que de stratégie spatiale.
Le pilier investir a prévu une augmentation dans les dépenses dans le domaine de la PSDC afin de se procurer des moyens stratégiques de même que de stimuler l’innovation technologique.
Enfin, pour une Europe de la défense, le Conseil a assuré un travail en partenariat notamment au sein de l’OTAN et l’ONU mais aussi en collaboration avec les partenaires régionaux ainsi que d’autres pays partageant les mêmes valeurs.
L’adoption de la boussole stratégique par le Conseil européen devrait avoir lieu le 24 et le 25 mars.
22/03/2022 : La Commission européenne reporte deux textes législatifs relatifs à la transition vers l’agriculture verte à cause des impératifs de la guerre en Ukraine. -Madara Lange-
Le 22 mars, la Commission européenne a décidé de reporter l’examen de deux projets de règlement s’inscrivant dans le cadre des stratégies « De la ferme à la fourchette » et « Biodiversité ». Ces textes législatifs auraient permis de fixer des objectifs visant à accélérer la transition de l’agriculture verte d’ici 2030. Parmi eux, une obligation de réduire l’utilisation des pesticides qui aurait entraîné une baisse de la production.
Or, dans le contexte actuel, la priorité serait d’adapter ces stratégies aux impératifs de la guerre en Ukraine. Le chef de l’État français, Emmanuel Macron, ainsi qu’une douzaine de représentants des États membres de l’Union européenne ont demandé à la Commission de revoir ses exigences en matière des pesticides.
Selon le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, les objectifs de la politique agricole commune (PAC) tels que la prévisibilité sécuritaire et alimentaire, devraient être respectés face au risque de la famine.
Le 23 mars, la Commission européenne a formulé des propositions visant à aider les agriculteurs face à la hausse des prix. Sous réserve de respect de certains critères environnementaux, l’exécutif communautaire mettrait à leur disposition la somme de 500 000 millions d’euros, appelée « réserve de crise ».
23/03/2022 : Volodomyr Zelensky s’adresse au Parlement français et insiste sur la nécessité de restaurer l’intégrité nationale ukrainienne. -Etienne Mathieu-
Volodomyr Zelensky a parlé devant le Parlement français ce 23 mars. L’intervention, diffusée en visioconférence depuis Kiev dans les deux chambres du Parlement, a conclu le premier mois de guerre contre l’invasion russe. Le président ukrainien a demandé de l’aide pour « restaurer l’intégrité territoriale de l’Ukraine ».
Comme lorsqu’il s’adressait à Israël, Volodomyr Zelensky a soigneusement adapté son discours au pays qui l’écoutait. Après avoir comparé la bataille de Marioupol à celle de Verdun, il a déclaré que Vladimir Poutine menait une « guerre contre la liberté, l’égalité et la fraternité ». Le chef d’Etat de l’Ukraine a interpellé les entreprises françaises qui maintiennent leurs activités en Russie, en les accusant de « financer des meurtres de femmes et d’enfants ». C’est le cas de Renault, Leroy Merlin et Auchan.
24/03/2022 : Les représentants des parlements des trois États baltes et le président de la Rada d’Ukraine adoptent une déclaration commune pour la restauration de la sécurité en Europe. -Madara Lange-
Le 24 mars, soit un mois après le début de l’invasion russe, les représentants des parlements estonien, letton et lituanien ont visité Kyiv. Inara Murniece de la Saiema lettone, Viktorija Cmilyte-Nielsen du Seimas lituanien, et Jüri Ratas du Riigikogu estonien ont rencontré le président Volodymyr Zelenskyy et se sont adressés à la Rada d’Ukraine. La Rada est le parlement monocaméral de l’Ukraine.
Avec le président de la Rada ukrainienne, Ruslan Stefanchuk, ils ont adopté une déclaration commune visant à réitérer le soutien de la communauté internationale à l’Ukraine. Il était notamment fait référence à la restauration de l’intégrité ukrainienne et la reconstruction des endroits détruits par les forces russes.
Les représentants des États baltes ont promis de contribuer à l’accélération du processus d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne.
24/03/2022 : Les syndicats manifestent à Paris et demandent la hausse des retraites. -Etienne Mathieu-
Environ 3 000 personnes ont manifesté à Paris le 24 mars. Les syndicats français ont demandé la revalorisation des pensions de retraite, afin de faire face à la hausse des prix. A moins de trois semaines de l’élection présidentielle, ils ont estimé que l’inflation était un grave danger pour le pouvoir d’achat des retraités, mais aussi des ménages.
Dans un communiqué, l’UCR-CGT a réclamé « la prise en charge de l’autonomie [des personnes âgées dépendantes] par la Sécurité sociale » et « la création d’un service social de l’autonomie ». Les syndicats insistent sur le manque de services publics, notamment dans les zones rurales.
24-25/03/2022 : Les chefs d’Etats européens se retrouvent lors d’un Conseil européen pour discuter d’enjeux majeurs pour le futur de l’Europe. -Victor Martin-
Les 24 et 25 mars, les 27 chefs d’Etats européens se sont rencontrés afin d’aborder de nombreux sujets tels que l’invasion de l’Ukraine, la sécurité et la défense européenne, l’énergie, les questions économiques, le Covid-19 ou encore les relations extérieures.
L’UE a rappelé son engagement envers l’Ukraine et son peuple, appelle la Russie à permettre aux civils de quitter les zones de combats vers le territoire de leur choix et annonce vouloir créer un fonds pour aider à la reconstruction d’une « Ukraine démocratique » après la guerre.
Un consensus entre les pays européens a été trouvé concernant le Digital Markets Act (DMA), une législation qui impose des obligations et d’interdictions aux géants du numériques et notamment les GAFAM américains.
De plus, la boussole stratégique européenne, qui représente un livre blanc de la défense européenne a été adoptée par les Etats-membres. Ce livre blanc désigne la Russie comme « une menace directe et de long terme pour la sécurité de l’Europe », alors que la Chine reste un « partenaire » dans certains domaines mais également un « compétiteur économique et un rival systémique ».
Le président américain Joe Biden était invité pour discuter avec les européens de certains de ces enjeux. Le vendredi 25 a d’ailleurs été annoncé, lors d’une conférence de presse de Ursula Von Der Leyen et Joe Bien, que Washington fournirait 15 milliards de mètres cubes supplémentaires de gaz au cours de l’année 2022 afin de réduire la dépendance européenne au gaz russe qui représente 40% des importations. Enfin, à l’issue du Conseil européen, Emmanuel Macron, le président français, a annoncé que « la Commission [européenne] aurait mandat pour faire de l’achat commun. L’achat groupé est le meilleur instrument pour faire baisser le prix de notre gaz ».
Les Etats-Unis et l’Union Européenne ont également signé un accord sur les données numériques, en promettant que les données pourront voyager « librement et de manière sécurisée » à travers l’Atlantique. Ce texte permettra que les données des Européens soient protégées des entreprises privées mais également des services de renseignements américains qui ne pourront les utiliser que lorsque c’est « nécessaire et de manière proportionnelle à la défense de la sécurité nationale américaine ».
Charles Michel a également exprimé la volonté de l’Union Européenne et des occidentaux de tout faire pour appliquer les sanctions d’ores et déjà votées. Le Président du Conseil européen a déclaré que « nous [les européens] savons qu’il y a un certain nombre d’échappatoires qui sont utilisées afin de contourner et d’éviter les sanctions qui sont mises en place. Nous allons resserrer les efforts pour réussir à faire en sorte que l’on puisse réduire et fermer, chaque fois que c’est possible, ces pistes alternatives afin de contourner les conséquences des sanctions ». Cela passera également par des pressions diplomatiques envers les pays tiers qui peuvent offrir ces alternatives.
A l’issue du sommet, le président français, Emmanuel Macron, a annoncé le lancement d’une « opération humanitaire exceptionnelle » à Marioupol, une ville du sud de l’Ukraine assiégée depuis trois semaines. Cette opération sera organisée en partenariat avec la Turquie et la Grèce. M. Macron a précisé qu’il en parlerait avec Vladimir Poutine dans les prochains jours.
Bruxelles a également accueilli le 24 mars des réunions du G7 et de l’OTAN.
25/03/2022 : Renforcement des troupes de l’OTAN en Bulgarie. -Louis Harand-
Le 24 mars, la réunion du conseil de l’OTAN réunie à Bruxelles a décidé de la création de groupes de combats multinationaux dans quatre pays du flanc oriental de l’alliance, dont la Bulgarie.
Le président Roumen Radev, participant à ce sommet, a mis l’accent sur le besoin pour la Bulgarie d’assurer la protection de son espace aérien, dans un contexte où les chasseurs de l’époque soviétique MiG-29 ne pourront plus être entretenus en Russie, et que la livraison de F-16 commandés aux États-Unis constate des retards.
Le chef d’État a informé avoir soulevé cette question avec son homologue américain, Joe Biden, afin d’identifier une solution. M. Radev a réitéré son appel au développement et à la production conjointe d’équipements militaires au sein de l’OTAN, afin de rediriger des investissements en direction des pays de moindre taille et de « combler plus rapidement le fossé économique et technologique entre nous ».
Le premier ministre, Kiril Petkov, également à Bruxelles pour participer à la réunion du Conseil de l’Union européenne, a annoncé que le Royaume-Uni enverrait 150 militaires en Bulgarie pour rejoindre le groupe de combat multinational, et que des discussions étaient en cours avec l’Italie. Les autorités bulgares prévoient que ce groupe soit placé sous commandement bulgare.
25/03/2022: Rencontre entre Recep Tayyip Erdogan et Volodomyr Zelensky au lendemain du sommet exceptionnel de l’OTAN. -Audrey Moisan-
Le 25 mars 2022, le président turc Recep Tayyip Erdogan s’est entretenu par téléphone avec le dirigeant ukrainien Volodymyr Zelensky au lendemain du sommet exceptionnel de l’OTAN.
Les derniers développements de la guerre ont constitué le sujet principal de cet entretien. Le président Recep Erdogan a insisté sur le soutien que les membres de l’OTAN portent à l’Ukraine , et encourage celle-ci à poursuivre ses efforts face à la Russie. Le chef d’Etat turc a également tenu à souligner la volonté d’une résolution diplomatique du conflit portée par le président ukrainien.
La Turquie a également réaffirmé son soutien et la poursuite d’une politique d’aide envers l’Ukraine.
Un autre objectif du président Recep Tayyip Erdogan au travers de cet entretien semble être celui de se porter comme médiateur entre Vladimir Poutine et Volodomyr Zelensky, en sa qualité de membre de l’OTAN et en raison de sa proximité avec le président Russe. Le président turc a affirmé par ailleurs que Kiev et Moscou semblent parvenir à un consensus, mais des difficultés se maintiendraient concernant la Crimée et le Donbass.