Equipe de la veille géopolitique hebdomadaire Europe de l’Est: Olga Chekhurska, Matisse Grenier, Olivier Husson, Séverine Ly, supervisée par Clelia Frouté.
26/11/2022 : Réunion des Premiers ministres des pays membres du Triangle de Lublin. -Séverine Ly-
Le 26 novembre, les Premiers ministres lituanien, polonais et ukrainien se sont réunis à Kiev dans le cadre du Triangle de Lublin, selon des sources officielles. S’inspirant du Triangle de Weimar qui a aidé la Pologne à réintégrer les politiques européennes, cette nouvelle coopéeration régionale créée le 28 juin 2020 par les ministres des affaires étrangères des trois pays membres a pour objectif de soutenir l’Ukraine dans son intégration à l’Europe et de renforcer les liens entre ces pays d’Europe centrale.
Lors de la réunion du 26 novembre, jour de mémoire des victimes de l’Holodomor, les Premiers ministres ont signé une déclaration conjointe dans laquelle ils ont réaffirmé les principes et objectifs du Triangle de Lublin. Ils ont confirmé l’importance de leur coopération dans les domaines «militaire et de défense en utilisant l’OTAN et le potentiel de l’UE», «de la cybersécurité et du combat contre la désinformation» et des «sécurités énergétique (…) et des institutions». Ils ont aussi insisté sur leur volonté «d’intensifier les discussions au sein de l’Alliance atlantique» sur l’intégration de l’Ukraine à l’OTAN, à l’approche du sommet de Vilnius prévu en 2023 ainsi que sur les «progrès de l’Ukraine pour mettre en place les sept recommandations» demandées par la Commission européenne lors la demande de candidature à l’UE par Kiev.
Enfin, une grande partie de la discussion fut consacrée à la condamnation de l’agression russe et aux actions nécessaires «pour restaurer l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’Ukraine au sein de ses frontières reconnues internationalement». Ainsi, ont été exprimées l’importance de continuer «l’assistance militaire, financière et humanitaire à l’Ukraine» et la nécessité d’intensifier l’isolement de la Russie qui «devrait être exclue ou suspendue des droits des membres d’organisations internationales» tout en renforçant «les sanctions internationales envers la Biélorussie»
La réunion a été commentée par les Premiers ministres sur Twitter. Pour Mateusz Morawiecki, trois pays sont des veilleurs «de la sécurité de toute l’Europe» et ont une «vision commune en terme de résistance à l’agression russe» selon Denys Shmyhal dans laquelle le soutien à l’Ukraine «doit et continuera jusqu’à sa victoire et la nôtre» a conclu Ingrida Simonyte.
26/11/2022 : Commémoration du Holodomor et reconnaissance d’un génocide. – Clelia Frouté –
Ce 26 novembre a été marqué par la commémoration des 90 ans du Holodomor, famine en Ukraine provoquée par le régime stalinien entre 1932 et 1933, ayant entraîné jusqu’à 6 millions de morts. Cet épisode sombre de l’histoire soviétique a représenté une perte bien plus importante que le régime d’occupation nazie dans la République socialiste soviétique d’Ukraine, qui avait abouti à l’extermination d’environ 1,5 millions de Juifs ukrainiens au début des années 40.
Zelensky a présidé la cérémonie à Kiev, où se sont également rendus plusieurs dirigeants européens, notamment les premiers ministres de Pologne et de la Lituanie, Mateusz Morawiecki et Ingrida Simonyte, ainsi que le premier ministre belge Alexander De Croo.
Le président ukrainien a déclaré dans une vidéo Telegram que «Les Ukrainiens ont vécu des choses vraiment terribles. Et malgré tout, ils ont conservé la capacité de ne pas se soumettre et leur amour de la liberté. Autrefois, ils voulaient [(les Russes)] nous détruire par la faim, aujourd’hui par l’obscurité et le froid». Zelensky fait ainsi référence à la situation actuelle en Ukraine, où les dernières offensives de l’armée russe ont visé des infrastructures électriques essentielles, entraînant des coupures de courant dans tout le pays.
Volodymyr Zelensky a profité de la cérémonie pour qualifier le Holodomor de «génocide», ce que que les députés allemands ont reconnu par vote le 30 novembre.
27/11/2022 : Mort soudaine du ministre des Affaires Étrangères du Bélarus. – Olivier Husson –
Le ministre des Affaires étrangères de la Biélorussie, Vladimir Makei, est décédé subitement à l’âge de 64 ans, a annoncé le ministère des Affaires étrangères du pays le 27 Novembre dans un communiqué officiel, sans donner plus de détails sur les circonstances du décès.
Il était prévu que M. Makei rencontre le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, lundi. Le ministère russe des Affaires étrangères a déclaré dans un communiqué officiel qu’il déplorait la nouvelle de son décès, le décrivant comme un «véritable ami» de la Russie.
Il était «un diplomate et un homme d’État exceptionnel, un véritable patriote qui a consacré sa vie à servir sa patrie et à protéger ses intérêts sur la scène internationale», d’après un communiqué du Ministère russe des Affaires Etrangères.
Arnaud Dubien, directeur de l’observatoire franco-russe à Moscou et chercheur associé à l’IFRIS, a posté sur Twitter que «Le ministre biélorusse des Affaires étrangères V.Makeï, décédé aujourd’hui, était considéré avec suspicion par le Kremlin qui voyait en lui un opposant à l’alignement sur Moscou.»
Le ministère russe des Affaires étrangères a confirmé que la visite de M. Lavrov prévue lundi à Minsk avait été reportée à la suite du décès de M. Makei.
Makei est né en 1958 dans la région biélorusse de Grodno, selon sa biographie officielle sur le site Internet du ministère des affaires étrangères. En 1980, il est diplômé de l’Université de Linguistique de Minsk. De 1980 à 1993, il a servi dans les forces armées de l’URSS et du Belarus, avant de devenir assistant du président du Belarus. De 2008 à 2012, il a été chef de l’administration du président du Belarus.
Dans une interview sur France24, en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies, il avait déclaré que «Nous sommes absolument contre l’utilisation des armes nucléaires», alors que la Russie s’est engagée à installer des têtes nucléaires au Bélarus.
29/11/2022 : Au Bélarus, l’opposante emprisonnée Maria Kolesnikova à l’hôpital en réanimation. – Olivier Husson –
La dirigeante de l’opposition biélorusse emprisonnée, Maria Kolesnikova, a été extraite de la prison et placée en soins intensifs à l’hôpital selon sa sœur Viktor Babariko sur son compte Telegram.
Mme Kolesnikova, âgée de 40 ans, se trouve dans un état grave mais stable dans la ville orientale de Gomel après avoir subi une intervention chirurgicale le 28 novembre.
Elle a été condamnée à une peine de prison de 11 ans en 2021, après les manifestations qui ont suivi la réélection contestée d’Alexandre Loukachenko, un an auparavant.
«Je ne regrette rien», avait-t-elle déclaré à la BBC en 2021, «et je referais la même chose». Elle a déclaré que les accusations avaient été forgées de toutes pièces.
Les proches ont déclaré sur Twitter que malgré son état de santé, «son avocat n’a pas obtenu l’autorisation de lui rendre visite » .
Il est apparu au début du mois que Maria Kolesnikova avait été placée à l’isolement. On ignore pourquoi elle a dû subir une intervention chirurgicale. Le docteur ne leur a pas expliqué ce qu’elle avait précisément ou les détails de son opération selon sa sœur sur Telegram.
Les autorités pénitentiaires du Belarus n’ont fait aucun commentaire.
En 2020, les forces de sécurité biélorusses ont tenté d’expulser Maria Kolesnikova vers l’Ukraine, après l’avoir enlevée à Minsk. Mais elle a refusé de quitter le pays, déchirant son passeport à la frontière.
30/11/2022 : L’UE avance vers une exemption de visas pour les ressortissants kosovars. -Matisse Grenier –
D’après un communiqué de presse publié le 30 novembre par le Conseil de l’Union Européenne, les ambassadeurs des États membres de l’UE ont validé la fin du régime de visa pour les ressortissants kosovars souhaitant se rendre dans l’espace Schengen. La Présidence tchèque a désormais mandat pour négocier cette mesure devant le Parlement européen, en vue d’une adoption définitive.
Le ministre tchèque des Affaires étrangères, Jan Lipavski, a justifié la mesure en mettant en avant «les efforts déployés [par le Kosovo] pour renforcer ses contrôles aux frontières, la gestion des migrations et la sécurité». Le média kosovar Prishtina Insight précise toutefois qu’ en cas d’adoption, la Commission européenne continuera de surveiller la mise en œuvre des exigences, notamment l’alignement de la politique en matière de visas, par le biais du mécanisme européen post-libéralisation des visas.
En cas d’adoption de la proposition par le Parlement européen, le communiqué de presse mentionne une date d’exécution maximale fixée au 1er janvier 2024, en parallèle de la mise en service du système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages (ETIAS). Le Kosovo rejoindrait alors le régime d’exemption de visa déjà valable pour tous les autres pays balkaniques.
29-30/11/2022 : La réunion des ministres des Affaires étrangères de l’OTAN s’est tenue à Bucarest, en Roumanie. – Olga Chekhurska –
Le 29 et le 30 novembre, les ministres des Affaires étrangères des pays membres de l’OTAN se sont retrouvés à Bucarest pour un sommet. La veille du sommet, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba, a précisé que «la priorité pour l’Ukraine serait le renforcement des défenses aériennes et des infrastructures électriques du pays».
Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a déclaré à l’issue de la réunion que la priorité de l’OTAN est d’aider l’Ukraine et ses citoyens à survivre. Tout au long de la réunion, les membres de l’Alliance ont clairement indiqué «qu’ils sont prêts à maintenir le soutien à l’Ukraine, avec du matériel militaire de pointe, avec des munitions, du carburant, avec tout ce dont les Ukrainiens ont besoin pour se défendre, et c’est la tâche la plus urgente et la plus importante dans l’immédiat pour les alliés». Il a également dit que les discussions pour éventuellement fournir à l’Ukraine le système de défense Patriot se poursuivent, les contre-arguments qu’il a nommés étant les problèmes d’entretien et le fait que ce matériel demande une formation particulière. Le 30 novembre, le ministre des Affaires étrangères Dmytro Kouleba a déclaré que les pays membres de l’OTAN fourniront à l’Ukraine de l’artillerie et des véhicules blindés. «Je ne peux pas annoncer des pays spécifiques et des types d’armes spécifiques. Mais nous parlons de la fourniture d’artillerie et de véhicules blindés et de nouveaux obus. C’est la plus grande chose qui a été annoncée. Et nous ne comptons pas les plus petites choses, comme les cartouches, les grenades, et tout le reste», a-t-il précisé.
Dans la déclaration finale du sommet, les membres de l’OTAN se sont engagés à «aider l’Ukraine dans la réparation de ses infrastructures énergétiques et la protection de sa population contre les attaques de missiles». Le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a annoncé une aide financière de 53 millions de dollars qui s’ajoute à une autre somme de 55 millions de dollars déjà débloquée. Ces sommes serviront à acheter des équipements électriques pour l’Ukraine.
Concernant l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, cela reste un objectif à long terme, selon le secrétaire général Jens Stoltenberg. Selon l’agence de presse Bloomberg, il n’y a pas de consensus parmi les pays de l’Alliance sur la question d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Les pays de l’OTAN préfèrent se concentrer sur l’aide matérielle et financière pour l’Ukraine.
01/12/2022 : Durcissement des mesures ukrainiennes pour garantir l’indépendance spirituelle vis-à-vis de Moscou. – Séverine Ly –
Le 1er décembre, dans son allocution quotidienne, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a défendu que l’indépendance du pays passe par une «indépendance spirituelle». Le choix de la date n’est pas anodin puisque le 1er décembre marque le jour du référendum de 1991 en Ukraine au sujet de son indépendance. Volodymyr Zelensky l’a ainsi rappelé au début de son discours en énumérant toutes les régions ayant voté en faveur, soit l’ensemble de l’Ukraine dans ses frontières reconnues par la communauté internationale.
Afin de «garantir l’indépendance spirituelle de l’Ukraine», le président a présenté cinq grandes décisions prises par le Conseil de Sécurité nationale et de la Défense d’Ukraine dans la journée. Ce dernier a tout d’abord «chargé le gouvernement de soumettre à la Verkhovna Rada un projet de loi rendant impossible pour les organisations religieuses affiliées à des centres d’influences de la Fédération de Russie d’opérer en Ukraine».
En outre, il a mandaté le Service d’État pour l’ethnopolitique et la liberté de conscience d’effectuer «un examen religieux du statut de la gestion de l’Église orthodoxe ukrainienne», afin d’analyser la présence ou non «d’un lien ecclésiastique canonique avec le Patriarcat de Moscou» tout en annonçant une réforme de cette structure étatique afin de lui donner plus de moyens.
Enfin, une intensification des mesures visant à identifier et à contrer les activités subversives des services spéciaux russes dans l’environnement religieux de l’Ukraine est prévue, avec notamment des «sanctions personnelles». Des actions ont déjà été menées en novembre, notamment dans le célèbre complexe monastique de Kyiv-Pechersk, perquisitionné par les services de sécurité ukrainiens et rattaché le 2 décembre au patriarcat de Kiev, selon Volodymyr Zelensky.