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La Mongolie et la politique du troisième voisin

La Mongolie, un vaste pays d’Asie orientale, se distingue par son histoire riche et sa géographie particulière. Au cœur de son essor politique et économique réside la stratégie du “troisième voisin”, un principe directeur qui façonne ses relations extérieures. Confrontée à la proximité imposante de la Chine et de la Russie, la Mongolie cherche à établir des liens robustes avec d’autres acteurs internationaux afin de diversifier ses partenariats et de réduire sa dépendance économique. Cette démarche traduit la volonté du pays de maintenir un équilibre diplomatique habile dans un contexte géopolitique complexe. Enclavée entre les géants autoritaires que sont la Chine et la Russie, la Mongolie a élaboré une stratégie de désenclavement visant à trianguler ses relations avec ces deux voisins géographiques. Conçue après la révolution démocratique de l’hiver 1989-1990, cette stratégie repose sur un consensus transcendant les clivages partisans.

Toutefois, le rapprochement sino-russe et les tensions entre les pays occidentaux et la Chine et la Russie compliquent la mise en œuvre de cette stratégie mongole. Le développement des relations internationales de la Mongolie s’articule autour de trois axes majeurs. Dans cette perspective, nous examinerons en premier lieu les relations historiques et contemporaines avec la Russie, mettant en lumière l’évolution de cette proximité géopolitique. Ensuite, nous nous pencherons sur les liens complexes avec la Chine, analysant tant l’historique de cette relation que les défis et opportunités qui en émergent. Enfin, notre attention se portera sur les partenariats avec d’autres acteurs internationaux tels que le Kazakhstan, le Japon et la Corée du Sud, évaluant leur importance dans la stratégie mongole du “troisième voisin” et examinant les projets de coopération et d’alliances qui en découlent.

La Mongolie entre Histoire, Ressources et Géopolitique

La Mongolie est située en Asie orientale ; elle est enclavée au nord par la Russie et au sud par la Chine. Son territoire s’étend à 1,56 million de km2 et se caractérise par trois chaînes montagneuses : les monts Altaï à l’ouest, les monts Khentii au nord-est, et les monts Khangaï au centre, avec le désert de Gobi au sud. La Mongolie est le pays le moins densément peuplé, avec seulement 2 habitants au mètre carré et une population totale de 3,40 millions d’habitants. La densité est plus élevée autour des principales villes telles qu’Erdenet, Darkhan, et surtout Oulan-Bator, la capitale, qui a connu une croissance très rapide, passant de 100 mille habitants en 1950 à près de 1 million 400 mille en 2014. À l’origine, les Mongols sont un peuple d’éleveurs nomades, le climat et l’altitude rendant l’exploitation agricole difficile. De nos jours, environ 1/3 de la population est nomade ou semi-nomade, et l’ethnie majoritaire est celle des Kalkha, composant 80 pourcent de la population.

L’histoire de la Mongolie est marquée par 3 grandes périodes. Tout d’abord, en 1206, Genghis Khan unifie les peuples nomades et fonde le premier État mongol. À sa mort en 1227, il laisse un empire qui s’étend de l’actuel Pékin à la mer Caspienne. Ses successeurs étendent l’empire jusqu’à la Méditerranée et l’Europe orientale, atteignant son apogée en 1280. L’empire mongol couvre alors l’ensemble de l’Eurasie, devenant le plus grand empire de l’histoire. La seconde grande période de l’histoire est la domination chinoise de la dynastie des Qing en 1820. D’origine mandchoue, la Mongolie est alors séparée en deux divisions administratives jusqu’en 1912, fin de l’empire : la Mongolie extérieure et intérieure.

La troisième période clé est la période soviétique ; depuis 1924, la Mongolie est une république populaire, deux ans après la naissance de l’Union soviétique, et reste un État indépendant satellite de l’URSS jusqu’en 1937. En 1990, les Mongols de Mongolie rejettent la tutelle soviétique et organisent les premières élections libres. En 1992, une nouvelle constitution instaure une démocratie parlementaire. Aujourd’hui, la démocratie est stable, l’économie de marché est instaurée, cependant la Mongolie est enclavée et subit toujours l’influence économique chinoise et russe. En effet, les ressources mongoles sont immenses, comprenant le cuivre, le charbon, l’or, le fer, le zinc et le molybdène.

Les principaux gisements se trouvent dans le désert de Gobi, avec “Oyu Tolgoi”, soit la colline turquoise, l’une des plus grandes mines de cuivre et d’or. Il y a également “Tavan Tolgoi”, ou “sainte colline”, l’une des plus grandes mines de charbon à ciel ouvert. Des grands projets d’infrastructure pour exploiter les ressources ne peuvent cependant pas être financés par l’État mongol. Ce territoire, abondant en ressources naturelles et profondément ancré dans l’histoire, est le sujet d’une analyse portant sur la politique mongole cherchant à consolider sa souveraineté, tout en affrontant les influences concurrentes de la Chine et de la Russie.

Comment la politique du “troisième voisin” de la Mongolie, axée sur l’équilibrage des relations entre la Chine et la Russie, reflète-t-elle le dilemme géopolitique de la nation mongole, qui cherche à concilier son impératif de coopération économique avec la préservation de son indépendance politique ? Dans notre analyse, nous examinerons d’abord les relations avec la Chine, puis celles avec la Russie, avant de nous pencher sur les autres partenaires de la Mongolie.

Après la chute de la dynastie Qing en 1911, la Mongolie traverse une période de transition, devenant un satellite de l’URSS jusqu’à la fin des années 1980. À partir de 1989-1990, la nation mongole s’engagea dans une révolution nationale pour obtenir son indépendance. Optant pour une transition démocratique et l’ouverture de son économie au marché, la Mongolie cherche à renforcer sa souveraineté en se libérant économiquement. Cette volonté de diversification des partenaires commerciaux, connue sous le nom de stratégie du “troisième voisin”, visait à prévenir une influence excessive de la Chine ou de la Russie, tout en légitimant son indépendance.

Les Relations avec la Russie

Les interactions entre la Mongolie et la Russie s’inscrivent au sein d’un contexte foisonnant d’événements et d’échanges bilatéraux. Afin de saisir cette dynamique, explorons l’évolution historique des relations entre la Mongolie et la Russie, évaluons le rôle crucial de la Russie en tant que troisième voisin, et analysons les récents développements qui ont laissé leur empreinte sur leur relation.

Historique des relations Mongolie-Russie

La Mongolie a établi son premier contact avec la Russie au XIIIe siècle, pendant la période du Grand Empire Mongol. Ce premier contact s’est révélé brutal, marqué par la violence du peuple guerrier mongol, entraînant la destruction de grandes villes de la Rus’ de Kiev telles que Moscou, Kiev et Vladimir. Jusqu’en 1480, le royaume de Kiev demeurera sous l’influence de la Horde d’Or, un empire issu de l’Empire Mongol. Pendant l’occupation des Tatars, les princes russes ont conclu des pactes et des alliances avec les Mongols, notamment en contractant des mariages avec les princesses de cet empire. Cette période de l’histoire a également contribué à la conquête de l’Est par la Russie au XVIIe siècle.

Trois siècles plus tard, en 1912, la Russie et la Mongolie extérieure ont scellé une alliance par la signature de la convention de coopération russo-mongole. L’objectif était de réduire le contrôle de la Chine sur le territoire mongol, qui était devenu indépendant de l’Empire du Milieu un an auparavant. L’armée russe est demeurée en Mongolie jusqu’à la chute de l’URSS.

Cependant, la Mongolie n’a jamais été annexée par la Russie et est restée la République populaire de Mongolie jusqu’en 1992. Bien que la Mongolie ait exprimé plusieurs fois le désir de rejoindre l’URSS, les dirigeants soviétiques ont évité de risquer une confrontation avec la Chine et d’être perçus comme impérialistes en ajoutant des territoires non rattachés à l’Empire russe. En laissant la Mongolie indépendante, l’URSS a pu bénéficier des avantages d’une alliance sans les inconvénients, notamment des échanges économiques et commerciaux optimaux, des régimes politiques similaires et des relations diplomatiques sans heurts. Au cours du XXe siècle, les liens entre la Russie et la Mongolie se sont resserrés, principalement grâce au rôle de protecteur joué par la Russie dans l’obtention de l’indépendance mongole vis-à-vis de la Chine.

La Russie a exercé une influence considérable sur la culture mongole, notamment dans les domaines de l’architecture, des langues et des alphabets, ainsi que dans l’évolution vers un mode de vie majoritairement sédentaire.

Importance de la Russie en tant que “troisième voisin” et évolution des relations récentes

Ces dernières années, la Mongolie a manifesté une tendance à s’éloigner de ses partenaires historiques, notamment la Russie, par crainte d’aggraver sa dépendance en ressources agricoles et énergétiques. Il convient de souligner que les échanges bilatéraux entre les deux pays sont complexes, avec 95% des exportations provenant de la Russie vers la Mongolie. Les ressources exportées par la Mongolie, principalement du charbon et du cuivre, abondent en Russie. Actuellement, les échanges commerciaux avec la Russie représentent environ 15% de l’économie extérieure du pays.

En ce qui concerne les relations diplomatiques entre les deux États, elles ont également tendance à se réduire depuis 1989, date à laquelle la Russie et la Mongolie ont adopté des politiques étrangères divergentes. Avec la diminution des effectifs militaires à la frontière russo-mongole, Oulan Bator s’est rapprochée d’autres pays, en particulier des États-Unis dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Cette démarche s’inscrit dans la stratégie du “troisième voisin” que la Mongolie met en œuvre pour affirmer son indépendance vis-à-vis des deux géants qui l’entourent.

En outre, Moscou a exprimé son opposition au projet de construction de centrales hydrauliques sur le fleuve Selenga, entraînant des tensions entre les deux pays. Quant à la position de la Mongolie sur la guerre en Ukraine, elle demeure assez floue, avec le gouvernement actuel évitant de prendre position, tandis que d’anciens membres du gouvernement et la société civile condamnent fermement la Russie.

Malgré cela, la situation semble s’améliorer avec de nombreux partenariats établis au cours des six dernières années. Un exemple notable est la relance des investissements russes dans les chemins de fer mongols depuis 2018, également connus sous le nom de “chemins de fer d’Oulan Bator”. Cette société est détenue à parts égales par la Russie et la Mongolie. Un autre projet de coopération a vu le jour la décennie dernière, impliquant les trois voisins, à savoir le couloir économique Chine-Mongolie-Russie signé en 2016. Il s’inscrit dans le cadre de la Nouvelle route de la Soie et de l’ouverture de la Route des Steppes. Ce projet vise à relier le réseau ferroviaire chinois au transsibérien via la Mongolie, nécessitant d’importants investissements des trois pays.

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