РусскийFrançaisEnglish
  
     
         
Blog

Diplomaties d’influence en Asie centrale – Point de situation au 01/02/24

Les dossiers que nous suivons :   Diplomaties d’influence en Asie centrale

Pensez à vous abonner pour avoir accès gratuitement au contenu complet !

Retour sur le sommet de l’Organisation des Etats turciques ; la diplomatie turque en Asie centrale

Les relations diplomatiques des pays d’Asie centrale, qu’elles soient entre eux ou avec le reste du monde, ont continué de s’intensifier avec la fin de 2023. Les niveaux bilatéraux, régionaux, et mondiaux ont tous été sollicités. En particulier, un retour sur la déclaration d’Astana, à la suite du dixième sommet de l’Organisation des États turciques début novembre, permet de fournir un cadre de lecture à la tentative par la Turquie de renforcer son influence sur la région. Celle-ci manque toujours d’actions concrètes, et revêt plutôt l’apparence d’un rassemblement d’intérêts convergents que d’une organisation internationale opérationnelle.

Le 29 décembre 2023, Koubanychbek Omouraliev, Secrétaire général de l’organisation, a fait un bilan de ce dixième sommet, «historique», qui a eu lieu le 3 novembre à Astana. Ce bilan s’est fait sous la forme d’une entrevue avec la représentation de l’organisation en Hongrie, qui en est un État observateur. Elle a également été reprise dans les médias, par exemple par Huriyet, média turc proche du pouvoir.

Dans cette entrevue, Koubanychbek Omouraliev s’étend en longueur sur les réussites de l’Organisation des États turciques. «|Le sommet] était une convergence d’esprits, la réaffirmation de valeurs communes, et un plan d’action pour le futur», explique-t-il dès le début du texte, donnant ainsi le ton de l’ensemble de son discours.

Le leitmotiv de ce sommet était «TURKTIME», acronyme en anglais pour traditions, unifications, réformes, connaissance, confiance, investissements, médiation et énergie. De ces différents thèmes se comprend surtout l’ambition, pour l’Organisation des États turciques, de se présenter comme une organisation internationale solide, crédible, qui puisse tenir la comparaison avec ses homologues eurasiennes.

L’Organisation des États turciques semble en effet peiner à aller au-delà de la déclaration d’intention, et à mettre en avant des réalisations concrètes. Le discours de Koubanychbek Omouraliev, dans son entrevue, présente les objectifs de l’Organisation comme se déployant sur à peu près tous les sujets : économie, commerce, environnement, agriculture, éducation, etc. Pourtant, au terme de l’entrevue et des 156 points de la Déclaration d’Astana adoptée à l’issue du sommet, «feuille de route, bien plus qu’un simple document» selon le Secrétaire général,  aucun accomplissement concret ne semble rendre tangible ces déclarations, aussi fortes qu’elles soient dans leurs termes. Interrogé sur les conclusions et décisions issues du sommet, sa longue réponse peut se résumer ainsi : pendant l’année écoulée «des progrès ont été réalisés, des objectifs fixés et un terrain fertile pour la prochaine présidence» assurée par le Kazakhstan.

Toutefois, plusieurs éléments diplomatiquement intéressants affleurent dans le discours de Koubanychbek Omouraliev. Il déclare notamment qu’à Astana, les dirigeants des États turciques «ont cherché des opportunités d’améliorer l’influence de [leur] organisation et de traiter de façon collaborative les urgents problèmes mondiaux». Deux exemples sont aussitôt pris : Gaza, où la situation « préoccupe profondément» l’organisation, qui appelle à un cessez-le-feu immédiat et à une solution à deux États, et l’Azerbaïdjan, dont la reconquête du Haut-Karabakh en septembre, une «juste cause [qui a] restauré sa souveraineté et son intégrité territoriale.» Dans ces mots peut se déceler l’ambition stratégique de l’Organisation des États turciques.

Si les discours tels celui de Koubanychbek Omouraliev semblent vouloir donner une crédibilité à l’organisation, en creux, c’est aussi la possibilité d’une rivalité qui se dégage, ou une volonté d’Ankara de concurrencer ses rivales occidentales, russe, et chinoise. En particulier, le terme de médiation, retenu dans l’acronyme «Turktime» appuie cette idée : l’Organisation des États turciques veut se présenter comme étant extérieure au jeu des puissances, puisque c’est tout l’intérêt d’un médiateur que d’être dans une position de neutralité. La prise de position sur Gaza ci-dessus en est un exemple : il faut, tout d’abord, exprimer une position sur le sujet, cette ambition doit refléter la singularité de l’organisation et ce, afin de lui permettre de s’affirmer sur le plan régional.

S’affirmer, c’est aussi en ce sens que peut s’interpréter la mention de l’Azerbaïdjan. Sans traiter des circonstances dans lesquelles la reconquête azerbaïdjanaise s’est déroulée, ni des possibles suites qui lui seront données, cette reconquête revêt deux aspects particulièrement importants. Tout d’abord, c’est un retour à la conformité au droit international ; ensuite, c’est aussi et surtout une victoire indiscutable du tandem Bakou-Ankara sur l’Arménie. La capacité pour un État d’obtenir ce qu’il réclame sur la scène internationale, que ce soit par la diplomatie ou par les armes, est un élément crucial pour gagner en puissance.

En ce sens, l’existence de l’organisation comme rassemblant les peuples turcs – spécificité explicitée par Koubanychbek Omouraliev dans son entrevue – peut être analysée comme la volonté purement opportuniste de la Turquie d’étendre son influence en Asie centrale. Le caractère turc n’est qu’un prétexte, il s’agit surtout d’une région où rivalisent de grandes puissances, et où la multiplication de ces rivalités étrangères arrange les puissances en place.

Le caractère purement turcique de l’organisation justifierait l’absence du Tadjikistan, plutôt proche d’une culture persane. Pourtant, dans le règlement frontalier en cours entre le Tadjikistan et le Kirghizstan, c’est bien la Turquie qui se pose comme médiatrice, et non la Chine, par exemple, qui partage pourtant une frontière avec les deux États.

Vous devez souscrire à un abonnement EurasiaPeace pour avoir accès au contenu - Prendre votre abonnement
Previous Article

Défense chinoise et détroit de Taïwan – Point de situation au 31/01/2024

Next Article

Diplomatie russe en Afrique et en Asie – Point de situation au 04/02/24