5-11/03/2022 : Aggravation des tensions au Karabakh : multiplication des accrochements au Karabakh et un gazoduc endommagé.
Le 7 mars, le ministère azerbaïdjanais de la Défense a dénoncé plusieurs violations de cessez-le feu de la part de « détachements armés illégaux arméniens » depuis le 5 mars à raison de 23 tirs sur les positions de Garanboy, Tartar, Agdam et Khodjali, ce qui a été démenti par le ministère arménien des Affaires étrangères et par l’Armée de Défense du Nagorno-Karabakh qui a accusé la partie azerbaïdjanaise d’avoir eux même violé le cessez-le-feu. Le bureau du procureur de la « République d’Artsakh » a également dénoncé des tirs azerbaïdjanais dans le district de Khramort dans la province d’Askeran et a déploré la mort d’un militaire arménien. De son côté la partie azerbaïdjanaise a fait état de la disparition de deux militaires dans la région de Latchin. Ces épisodes se sont reproduit toute la semaine, la partie azerbaïdjanaise dénonçant des tirs sur les districts d’Agdam le 7 mars et sur les districts d’Ordubad, Granboy et Khodjali les 8 et 9 mars, ou sur plusieurs villages du district d’Agdam, Khojavend et Fizouli le 10 mars, puis sur des positions proches le 11 mars.
Les Arméniens ont, quant à eux, dénoncé des tirs azerbaïdjanais le 9 mars sur les positions arméniennes de la partie ouest de la frontière arméno-azerbaïdjanaise, sur les villages de Karmir-Shouka et Knouchinak dans le district de Martouni et sur le village de Khramort dans la province d’Askeran, puis le 11 mars sur les villages de Khnapat, Parukh et Khramort dans le district d’Askeran.
Des dommages causés sur un gazoduc alimentant le territoire du « Nagorno-Karabakh » ont eu lieu sur le territoire contrôlé par les forces azerbaïdjanaises le 8 mars privant la population de chauffage. Les travaux de réparation nécessitant des opérations de déminage font encore l’objet de négociations entre les autorités azerbaïdjanaises et les forces de maintien de la paix russe. Par ailleurs, une partie du contingent russe de maintien de la paix aurait procédé à un retrait le 9 mars via le corridor de Latchin en vue d’un redéploiement en Ukraine, ce qui a été démenti par le « Conseil de sécurité de la république d’Artsakh ».
Le ministre d’État de la République de facto du Haut-Karabakh Artak Beglaryan a déclaré le 11 mars : « Ces derniers jours, profitant de la préoccupation du monde entier et en particulier de la Russie concernant la situation en Ukraine, les provocations et les menaces menées par l’Azerbaïdjan contre la population pacifique de l’Artsakh ont considérablement augmenté ». La partie azerbaïdjanaise dénonce quant à elle, une coopération des forces de maintien de la paix russe avec les forces armées arméniennes restant sur son territoire souverain.
07/03/2022 : Différend entre la Géorgie et l’Ukraine au sujet de l’exportation de produits laitiers vers la Russie
Suite à la décision en date du 5 mars prise par le service fédéral russe de surveillance vétérinaire et phytosanitaire (Rosselkhoznadzor) de lever l’interdiction faite à 15 entreprises géorgiennes d’exporter leur production laitière vers la Russie, le ministère ukrainien des Affaires étrangères a appelé le lendemain le gouvernement géorgien à se distancier de cette décision en déclarant « nous pensons que la promotion des relations commerciales avec la Russie, dont les forces armées attaquent des villes ukrainiennes pacifiques avec des missiles et des bombes, tuant des civils innocents, y compris des enfants, est inacceptable ».
Le 7 mars, Irakli Garibashvili, le premier ministre géorgien, a réitéré sa solidarité avec l’Ukraine tout en rappelant les 140 tonnes d’aide humanitaire fournies à ce pays tandis que les ministres de l’Agriculture et de l’Économie, Otar Shamugia et Levan Davitashvili, ont respectivement déclaré que c’était une « opportunité de pour les entreprises [géorgiennes] de planifier plus de production, de travailler à leur pleine capacité et d’avoir des plans spécifiques à plus long terme » ou que « le tapage [sur la question] est probablement dû à un manque d’informations ». Le secrétaire exécutif du parti au pouvoir « Rêve géorgien », Mamuka Mdinaradze, a, quant à lui, déclaré que « pendant toutes ces années passées, la Géorgie a entretenu des relations commerciales avec la Russie tout comme l’Ukraine » et que « la Russie est restée le principal partenaire commercial jusqu’au premier jour de la guerre ». Il a également affirmé qu’il serait irrationnel d’imposer des sanctions qui « n’auraient fait aucun dommage à la Russie mais créé de graves problèmes économiques et sociaux pour la population géorgienne ».
Ce différend intervient dans le contexte du refoulement de plusieurs journalistes d’opposition de médias russes empêchés d’entrer sur le territoire géorgien, comme Mikhaïl Fishman du journal Dozhd le 5 mars ou Dave Frenkel du média en ligne Meduza, le 11 mars. Par ailleurs, la Géorgie ne figure pas sur la liste des pays hostiles à la Russie, publiée cette semaine. De même, l’un des dirigeants du groupe d’activistes Shame ayant largement participé à l’organisation des manifestations anti-gouvernementales et pro-ukrainiennes de ces deux dernière semaines, Shota Dighmelashvili, a été arrêté le 8 mars et condamné à 4 jours de prison alors qu’il manifestait contre le traitement infligé à d’autres militants la veille, ce qui a fait l’objet de nombreuses critiques d’organisations de la société civile.
09/03/2022 : Le Parlement européen condamne la « destruction de l’héritage arménien » au « Haut-Karabakh » dans une résolution à charge contre l’Azerbaïdjan.
La résolution 2022/2582 (RSP) du Parlement européen du 9 mars adoptée à 632 voix pour, 2 contre et 42 abstentions a fermement condamné une « politique continue de l’Azerbaïdjan d’effacer et de nier le patrimoine culturel arménien dans et autour du Karabakh » et elle « reconnaît que l’effacement du patrimoine culturel arménien s’inscrit dans le cadre plus large d’une politique étatique systématique d’arménophobie, de révisionnisme historique et de haine envers les Arméniens promue par les autorités azerbaïdjanaises ». Elle a ainsi avancé que « l’élimination des traces du patrimoine culturel arménien dans la région du Haut-Karabakh est réalisée non seulement en l’endommageant et en le détruisant, mais également en falsifiant l’histoire et en tentant de le présenter comme soi-disant albanais du Caucase ».
Tout en se félicitant du « rôle central joué par l’UNESCO dans la protection du patrimoine culturel et la promotion de la culture en tant qu’instrument de rapprochement et de dialogue », elle a rappelé la proposition de cet organe d’envoyer une mission d’experts indépendants et a demandé que celle-ci soit envoyée « sans délai ». La résolution « souligne que l’Azerbaïdjan doit accorder un accès sans entrave à tous les sites du patrimoine culturel afin que la mission puisse dresser un inventaire sur le terrain ».
Elle demande ainsi de façon paradoxale à l’Azerbaïdjan de « veiller à ce qu’aucune intervention sur les sites du patrimoine arménien n’ait lieu avant une mission d’évaluation de l’UNESCO et que les experts arméniens et internationaux du patrimoine culturel soient consultés avant et étroitement impliqués lors des interventions sur les sites du patrimoine culturel arménien » sans mentionner d’éventuels experts azerbaïdjanais. Elle demande, par ailleurs, à l’Union européenne de « déployer des mécanismes pour faciliter la mission d’enquête de l’UNESCO » tout en souhaitant lier cette question à celle de la résolution du conflit en soulignant la « nécessité d’aborder la question de la protection du patrimoine historique et culturel dans le cadre plus large de résolution du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ». Elle évoque ainsi une « définition finale du statut du Haut-Karabakh » en dépit du droit international et appelle l’Azerbaïdjan à « abandonner ses objectifs maximalistes, son approche militariste, et ses revendications territoriales sur l’Arménie et à s’engager de bonne foi dans des négociations sous les auspices du groupe de Minsk de l’OSCE ».
Le comité pour les relations internationales et interparlementaires du Milli Majlis azerbaïdjanais a répondu le 11 mars en déclarant que cette résolution était « entièrement basée sur les fausses informations fournies par l’Arménie et le lobby arménien au Parlement européen et [déformait] les réalités émanant de la période d’occupation des terres azerbaïdjanaises durant 30 ans ». La déclaration avance même que « cette résolution pourrait sans risque être qualifiée de énième effondrement de la démocratie européenne” et conclut « La résolution du Parlement européen en question ne parviendra pas à assombrir les valeurs nationales, morales et culturelles élevées du peuple azerbaïdjanais. Ce n’est qu’un bout de papier. Nous condamnons fermement la tentative du Parlement européen de répandre de fausses déclarations de la manière la plus partiale et nous appelons à éviter les provocations susceptibles de nuire au processus de normalisation dans la région ».
09/03/2022 : Rencontre entre Nikol Pachinian et Emmanuel Macron à l’Élysée.
Le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a rencontré le président de la république française, Emmanuel Macron, le 9 mars, à l’occasion de la conférence « Ambitions : Arménie France » à Paris. Le développement de la coopération bilatérale dans les domaine de l’économie, des infrastructures, du tourisme, de la santé, de l’éducation, des sciences et de la culture a été discuté ainsi que la situation au Karabakh, Nikol Pachinian dénonçant les « actions de provocation [l’Azerbaïdjan] en Artsakh et sur la frontière arméno-azerbaïdjanaise », tout en appelant à un règlement du conflit dans le cadre du format du groupe de Minsk de l’OSCE.
Lors de la conférence, il a déclaré : « Le symbole vivant des relations arméno-françaises modernes est la présence d’une communauté arménienne dynamique de 700 000 personnes en France qui est l’un des moteurs puissants de notre coopération efficace. […] Le président Macron a été le premier dirigeant mondial à donner une évaluation claire et impartiale des événements [la guerre de 44 jours] qui se déroulaient » tout en parlant d’ « espoir que les efforts de médiation conjoints avec d’autres coprésidents [du groupe de Minsk] contribueront à établir la paix dans la région ».
Emmanuel Macron a, quant à lui, déclaré en évoquant la situation ukrainienne : « Ce qui se passe évidemment en Ukraine aujourd’hui n’est pas sans conséquence dans le reste de la région et n’est pas sans conséquence pour l’Arménie […] le conflit d’aujourd’hui ne nous fait pas oublier celui de l’automne 2020, […] La France aurait voulu faire plus […] Nous allons également engager un important programme de formation, de préservation, de valorisation du patrimoine culturel et religieux arménien conduit par l’Institut national du patrimoine […] donc je souhaite que l’Unesco puisse apporter tout son soutien et son expertise […] L’État amorcera ce fonds de concours […] Beaucoup de collectivités souhaitaient, on le sait bien, pouvoir apporter des projets à l’Arménie, au Haut-Karabakh aussi. C’était pleinement légitime […] Avec ce fonds de concours, nous allons donner un cadre stable, identifié avec, je dirais, l’appui plein et entier de l’Etat, la diplomatie française […] la région vit un traumatisme majeur qui aura des conséquences sur nous tous […] ce qui se passe en Ukraine n’est pas sans conséquence et on le revoit avec à nouveau des violences, avec à nouveau des événements inquiétants qui réapparaissent. Nous voyons aussi les liens qui existent entre ces situations quand on commence à parler avec légèreté à nouveau de génocide et quand on commence à installer des discours politiques qui reposent sur des révisionnismes historiques. Et l’Arménie sait qu’on ne peut pas parler avec légèreté de ces sujets. Elle sait que l’on ne doit pas accepter que l’on travestisse l’histoire pour servir des buts politiques […] cette guerre déclenchée par la Russie déstabilise votre environnement immédiat. […] c’est bien un traité de paix et dans la durée qui doit être construit » avant de conclure «La guerre revient en Europe, mais il y a plus que des velléités, des plans résolus, de changer les équilibres profonds à l’Est de l’Europe et dans le Caucase, et donc ce sont ces plans qu’il nous faut contrecarrer. Il faut le faire avec un engagement qui sera le nôtre, mais en engageant nos partenaires européens, l’Union européenne». Une autre rencontre informelle a eu lieu le soir même avec le président du Conseil européen, Charles Michel.
09-10/03/2022 : Resserrement des liens de l’Abkhazie avec les républiques autoproclamées d’Ukraine et l’Ossétie du sud.
Le 9 mars, le ministère des Affaires étrangères d’Abkhazie a annoncé l’établissement de relations diplomatiques avec la république auto-proclamée de Donetsk et la préparation d’un projet de traité d’amitié et de coopération tout en déclarant que les deux républiques de facto soutenaient « la politique de la Fédération de Russie destinée à la démilitarisation et la dénazification de l’Ukraine ». Ce soutien a été réaffirmé lors de la rencontre le même jour entre le président de facto Aslan Bzhania et le vice ministre du Développement économique russe, Dimitri Volvach. Le 10 mars, c’est la république autoproclamée de Louhansk qui a également établi des relations diplomatiques avec l’Abkhazie tandis que le chef de la « République Populaire de Louhansk », Leonid Pasechnik, a signé un « décret sur la reconnaissance de la république d’Abkhazie comme État indépendant et souverain ».
Les ministres des Affaires étrangères abkhaze et sud-ossète, Inal Ardzinba et Dimitri Medoev, se sont rencontrés le 10 mars à Sokhoumi afin d’étudier les développements de leur coopération bilatérale, avant d’adopter un communiqué conjoint réaffirmant leur engagement à obtenir une large reconnaissance internationale et appelant la Géorgie à reconnaître la souveraineté et l’indépendance des deux républiques. Ils ont également exprimé leur « ferme intention de parvenir à la signature d’un accord juridiquement contraignant sur les garanties internationales de non-recours à la force par la Géorgie ». Ils ont en même temps exprimé leur « soutien aux actions de la Fédération de Russie visant à mener une opération militaire spéciale pour la protection des civils dans le Donbass » et leur « engagement à l’établissement d’un système multipolaire de relations internationales et accordant le droit d’exprimer les positions de la République d’Abkhazie et de la République d’Ossétie du Sud sur la plate-forme des Nations Unies ».
10/03/2022 : Rencontres au sommet en marge du Forum diplomatique d’Antalya.
Alors que le 6 mars, Volodymyr Zelensky, le président ukrainien s’est dit prêt, lors d’une conversation téléphonique avec Recep Tayip Erdogan, son homologue turc, à venir à Istanbul ou à Ankara afin d’y rencontrer le président russe, Vladimir Poutine, une rencontre entre les ministres des Affaires étrangères russe, ukrainien et turc, Sergueï Lavrov, Dmytro Kuleba et Mevlut Cavusoglu, a eu lieu le 10 mars en marge du Forum diplomatique d’Antalya qui a commencé le lendemain.
Le même jour, en marge de ce sommet qui se déroule du 11 au 13 mars sur le thème « reconstruire la diplomatie », le ministre des Affaires étrangères arménien, Ararat Mirzoyan, qui avait confirmé le 7 mars sa participation, a rencontré son homologue russe, Sergueï Lavrov, pour « comparer leurs approches visant à promouvoir la coopération dans les associations d’intégration conjointes, y compris l’OTSC, l’UEE et la CEI ».
Tandis que Recep Tayip Erdogan, le président turc a rencontré son homologue azerbaïdjanais, Ilham Aliev, avec lequel il a abordé les développements régionaux et l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ils ont à cette occasion souligné à nouveau l’importance du « corridor du Zanguezour » et l’exploitation réussie du Corridor Gazier Sud (CGS), de même qu’ils ont abordé la construction du gazoduc Igdir-Nakhitchevan et l’approvisionnement de l’Europe via la Turquie ainsi que la poursuite de la coopération militaire entre les deux pays. Le 5 mars, Ilham Aliev et son ministre des Affaires étrangères, Djeyhoun Bayramov, avaient déjà rencontré le premier ministre turc, Mevlut Cavusoglu ce qui leur avaient permis de souligner l’importance de la déclaration de Choucha, de réaffirmer leur volonté de poursuivre une politique étrangère coordonnée, et d’exprimer leur opposition à la guerre en Ukraine et leur soutien à la normalisation des relations arméno-turques.
Le 10 mars, Sergueï Lavrov, s’est aussi entretenu avec son homologue azerbaïdjanais afin de discuter « de nouvelles mesures pour mettre en œuvre les dispositions de la Déclaration sur l’interaction alliée » signée le 22 février, du processus de résolution de conflit avec l’Arménie. Il se sont entendus pour œuvrer pour la tenue de la deuxième réunion de la Plateforme régionale consultative « 3+3 » dans les meilleurs délais.
10/03/2022 : La Cour Pénale Internationale dépose un mandat d’arrêt contre des responsables sud-ossètes
Le procureur de la CPI de la Haye, Karim Khan, a déposé le 10 mars une demande de mandat d’arrêt à l’encontre de trois responsables sud-ossètes pour leur responsabilité pénale dans des crimes de guerre commis entre le 7 et le 28 août 2008 : le lieutenant général Mikhaïl Midzaiev, premier ministre de facto entre 2005 et 2008, Hamlet Guchmazov, chef du centre de détention provisoire du ministère de l’Intérieur de l’époque, ainsi que David Sanakoev, représentant présidentiel pour les Droits de l’Homme. Cette demande de mandat d’arrêt porte sur des faits de séquestrations, de mauvais traitements, de prises d’otage, et de transferts illégaux de civils, sur des personnes âgées ou malades qui refusaient de quitter leurs maisons après le départ des forces géorgiennes chassées d’Ossétie du sud. Cette décision a été saluée par l’ensemble de la classe politique géorgienne.