21/05/2022 : Le Premier ministre géorgien répond aux critiques renouvelées de l’État ukrainien concernant un présumé contournement des sanctions contre la Russie.
Le Premier ministre Irakli Garibachvili a répondu le 21 mai aux critiques émises la veille par Andreï Yermak, le chef de cabinet du président ukrainien, Volodymyr Zelenski, en ces termes : « Et nous pouvons prouver que certaines juridictions, entreprises, individus aident la Russie à éviter les sanctions. […] Il est très regrettable que cette liste inclue un pays traditionnellement ami comme la Géorgie, qui est sur le même bateau, sur cette « liste noire » […] En ce qui concerne des pays comme la Géorgie, nous savons que certains hommes d’affaires influents sont de gros actionnaires de Gazprom. Il y a un grand risque qu’ils soient impliqués dans des efforts visant à contourner les sanctions de la Russie ».
Le Premier ministre géorgien a qualifié ses propos de « non sens complet », de « calomnie » d’ « irresponsabilité » et de « sale propagande ». Il a réaffirmé que la Géorgie n’autoriserait « aucune entreprise ou personne sanctionnée à opérer en Géorgie afin d’utiliser [son] territoire pour contourner les sanctions ». Il a ainsi déclaré : « Je veux montrer une fois de plus ma solidarité avec l’Ukraine. […] Malheureusement, l’objectif des autorités ukrainiennes était d’ouvrir un second front en Géorgie. Cela a été déclaré publiquement par le secrétaire du Conseil de sécurité de l’Ukraine. M. Arestovitch est également sorti et a déclaré que si Saakashvili était au pouvoir, il entrerait en guerre avec la Russie et sacrifierait le pays à ce désir et à cet objectif. Bien sûr, ils n’ont pas pu et n’obtiendront jamais cela, car aujourd’hui nous sommes au pouvoir et nous ne le permettrons pas. La plupart de nos gens connaissent le prix de la guerre. Nous avons combattu trois fois en 30 ans et nous avons beaucoup souffert, nos territoires sont occupés, les troupes russes se tiennent sur notre territoire. Tout cela est une réalité créée pendant le règne de Saakashvili ».
Le lendemain, Anthony Blinken, le secrétaire d’État états-unien, dans un courrier de félicitation à l’adresse du nouveau ministre des Affaires étrangères géorgien, Ilia Darchiashvili, a exhorté le pays à « prendre toutes les mesures possibles pour soutenir l’Ukraine et tenir la Fédération de Russie responsable de ses crimes de guerre ». Le 20 mai, la Géorgie et les États-Unis ont signé un document de concept bilatéral dans le cadre de l’exécution de l’Initiative de renforcement de la défense et de la dissuasion de la Géorgie (GDDEI), lancée en octobre 2021.
22/05/2022 : Réunion trilatérale du président du Conseil européen avec les dirigeants arménien et azerbaïdjanais : une percée européenne décisive dans la résolution du conflit sud-caucasien ?
Charles Michel, président du Conseil européen a rencontré le 23 mai les dirigeants arménien et azerbaïdjanais, Nikol Pachinian et Ilham Aliev, pour une troisième rencontre trilatérale à Bruxelles qu’il a qualifié de « franche et constructive », et suite à laquelle il a annoncé une première réunion conjointe des commissions des frontières « à la frontière étatique dans les prochains jours ».
Par ailleurs, les dirigeants sud-caucasiens se seraient mis d’accord sur « les principes régissant le transit entre l’ouest de l’Azerbaïdjan et le Nakhitchevan, et entre les différentes parties de l’Arménie via l’Azerbaïdjan, ainsi que le transport international via les infrastructures de communication des deux pays ». Ils se seraient ainsi entendus sur « des principes d’administration des frontières, de sécurité, de redevances foncières mais aussi douanières dans le cadre du transport international » et la poursuite de ce travail par les vice-Premier ministres a été annoncée. Les parties auraient également convenu que « des équipes dirigées par les ministres des affaires étrangères [fassent] avancer ce processus dans les semaines à venir ». Charles Michel a par ailleurs insisté sur la nécessité que « les droits et la sécurité de la population de souche arménienne au Karabakh soient abordés ». Enfin une poursuite des travaux du groupe consultatif économique a été également annoncée. Une prochaine réunion sous ce format devrait avoir lieu « d’ici juillet-août ».
Le lendemain 23 mai, les deux dirigeants ont chacun signé un décret sur la création de commissions pour la délimitation de la frontière d’État, présidées respectivement par les vice-Premier ministres, Shahin Moustafayev et Mher Grigorian. Des conversations téléphoniques entre le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov et ses homologues arménien et azerbaïdjanais ont également eu lieu le 23 mai.
Le même jour, la porte-parole du « président du Haut-Karabakh », Lusine Avanesian, a déclaré que « l’attitude des autorités de la République d’Artsakh [avait] été exprimé sans équivoque à plusieurs reprises par le président et l’Assemblée nationale » tout en rappelant certaines dispositions publiées par Arayik Haroutiounian en décembre dernier : « 1. La pleine reconnaissance du droit des Arméniens d’Artsakh à l’autodétermination n’est soumise à aucune limitation ou concession. 2. La reconnaissance internationale de l’indépendance de la République d’Artsakh continue d’être la ligne directrice des autorités. Tout statut au sein de l’Azerbaïdjan est inacceptable. 3․ Revenir en arrière, non seulement en termes de statut, mais aussi en termes de démographie, est inacceptable. La République d’Artsakh a pour tâche de restaurer son intégrité territoriale ». Le 24 mai, c’est l’ « Assemblée nationale du Haut-Karabakh » qui a exprimé sa « perplexité » devant les propos de Charles Michel qui, selon elle, « déforme l’essence du règlement de le conflit du Karabakh et l’héritage du processus de négociation de 30 ans ». Elle a notamment dénoncé le fait que « pour la première fois dans le discours de négociation, une tentative est faite d’abandonner la notion politique et géographique de « Haut-Karabakh » et l’expression « population ethnique arménienne du Karabakh » est mise en circulation ». Selon elle, « dans les circonstances actuelles, les autorités de la République d’Arménie sont obligées d’être guidées exclusivement par la position de faire avancer et de protéger dans les instances internationales le droit du peuple d’Artsakh à l’autodétermination, sur la base de la décision du Suprême Conseil de la République d’Arménie du 8 juillet 1992, selon lequel “tout document national ou international dans lequel la RNK est mentionnée comme faisant partie de l’Azerbaïdjan est inacceptable pour l’Arménie”. Les déclarations sur la formation de deux républiques arméniennes, les valeurs inscrites dans la décision du 2 septembre 1991 et le référendum d’indépendance du 10 décembre 1991 doivent être des priorités pour les autorités en place tant en Artsakh qu’en Arménie ».
Le 21 mai, la partie azerbaïdjanaise avait accusé l’Arménie de violation du cessez-le-feu en date du 20 mai concernant des tirs en direction de la colonie de Yellija dans le district de Kelbadjar, ce qui a été démenti par le ministère de la Défense arménien. Le 23 mai, des accusations réciproques de violation du cessez-le-feu avaient été de nouveau exprimées par les deux parties.
23/05/2022 : Célébrations de la Journée de l’Abkhazie en Géorgie.
Le 23 mai, alors que le « ministre des Affaires étrangères» abkhaze Inal Ardzinba était en voyage à Moscou afin de rencontrer des représentants du ministère des Affaires étrangères, de l’administration présidentielle et de la Douma, le Premier ministre géorgien Irakli Garibashvili a publié le message suivant à l’occasion de la Journée de l’Abkhazie : « Je félicite de tout cœur toute la Géorgie, en particulier nos frères et sœurs abkhazes en ce jour. Cette autre excellente tradition introduite avec la bénédiction de Sa Sainteté Ilia II, Catholicos-Patriarche de Géorgie, symbolise l’unité des Géorgiens et des Abkhazes. Nous sommes aujourd’hui divisés par la ligne d’occupation, mais ce qui nous unit, c’est une histoire et une culture communes, des valeurs et une aspiration à un avenir meilleur pour nos enfants, enflammant la conviction que demain est une question d’unité, de paix et d’amitié. Nous faisons de notre mieux à cette fin et je suis convaincu que dans un avenir pas si lointain, nous parviendrons à nous unir à nouveau pour commencer à construire ensemble un pays fort, développé et européen ».
La présidente géorgienne, Salomé Zourabichvili, s’est elle livrée à l’exposition d’une version historique de la construction du conflit abkhaze par le biais d’une série de tweets : « Le fait est que le plus ancien État géorgien est l’ancien royaume de Colchis, rendu célèbre par le mythe des Argonautes. Colchis s’est répandu dans tout l’ouest de la Géorgie d’aujourd’hui, y compris l’Abkhazie, et était très probablement centré autour de Kutaisi, comme en témoignent les récentes découvertes archéologiques là-bas. Les États successeurs de Colchis, Egrisi et Lazica, continueraient à se développer sur les rives de la mer Noire. Alors que les États géorgiens ont commencé à fusionner et à s’unir au Moyen Âge, le royaume d’Abkhazie a joué un rôle crucial. C’est Bagrat III, roi d’Abkhazie, qui finalisera l’unification des terres géorgiennes. C’est depuis son règne que les dirigeants géorgiens portaient le titre de « roi des Abkhazes, des Ibères, etc. » […] Lorsque la Géorgie a été déchirée au XVe siècle, l’Abkhazie est devenue l’une des principautés de la Géorgie occidentale. Mais plus encore, le Catholicos d’Abkhazie, basé à Kutaisi, protégeait la religion géorgienne dans toute la région. Et malgré l’annexion russe des terres géorgiennes tout au long du XIXe siècle, et malgré la politique de russification de l’Empire, un ensemble commun de valeurs et une culture commune ont continué à nous rassembler. En 1921, la constitution de la Première République prévoyait l’autonomie abkhaze. C’est lorsque l’Union soviétique a envahi et annexé la Géorgie en 1921 que des divisions ont commencé à apparaître. […] Mais la réalité est la suivante : il n’y aurait pas de Géorgie sans l’Abkhazie, et pas d’Abkhazie sans la Géorgie. Aujourd’hui, nous voyons le résultat désastreux de la poursuite de l’occupation : la langue abkhaze, la culture abkhaze est en train de disparaître sous nos yeux ».
24/05/2022 : Première réunion des commissions de délimitation de la frontière entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie et polémique sur un « corridor du Zanguezour ».
Le 24 mai, les ministères des Affaires étrangères arménien et azerbaïdjanais ont annoncé la tenue à la frontière entre les deux États de la première réunion des commissions de délimitation de la frontière qui a réuni les deux vice-Premier ministres, Shahin Moustafayev et Mher Grigorian, dans la journée. Ceux ci se sont entendus pour l’organisation d’une deuxième réunion à Moscou et d’une troisième à Bruxelles.
En réponse aux déclarations faites par Ilham Aliev à son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, le 23 mai, par téléphone et selon lesquelles les parties s’étaient « mises d’accord sur l’ouverture du corridor de Zangezour, y compris la construction de voies ferrées et d’autoroutes », une mise au point a été faite le 24 mai de la part d’Armen Grigorian, secrétaire du Conseil de sécurité arménien qui a réaffirmé qu’« aucune route ou voie de transport dans la logique d’un corridor ne [pouvait] fonctionner sur le territoire de l’Arménie » et que « tous les accords conclus à Bruxelles [portaient] sur l’ouverture des liaisons régionales ». De même, Arman Yeghoyan, député et président du Comité permanent à l’intégration européenne a déclaré : « la route reliant l’Azerbaïdjan à sa région autonome du Nakhitchevan à travers le territoire de l’Arménie fonctionnera conformément à toutes les normes internationales, en tenant compte de toutes les procédures douanières et autres en vigueur. Aliyev peut “vendre” tout accord concernant le déblocage des communications de transport à ses citoyens sous le couvert d’un “corridor”, mais pour comprendre s’il s’agit d’un couloir ou non, il est nécessaire de comprendre ce que l’on entend par le mot « corridor ». Il n’y aura pas de routes extraterritoriales en Arménie. Toutes les lois internationales s’appliqueront, avec les frais de douane, les contrôles, etc. L’exploitation de la route impliquera des procédures de contrôle des passeports, de contrôle douanier et de tous les autres attributs prescrits par le droit international. Tout cela se fera sur une base paritaire. Dans la même logique, nous utiliserons le territoire du Nakhitchevan pour la communication terrestre entre Erevan et Meghri, par exemple ».
24/05/2022 : Cérémonie d’investiture du nouveau « président de la République » d’Ossétie du sud.
La cérémonie d’investiture du nouveau « président de la République » sud-ossète, Alan Gagloev, du parti « Nykhas » a eu lieu le 24 mai à Tskhinvali et aurait réuni « des centaines de citoyens d’Ossétie du Sud, ainsi que des invités de diverses régions de la Fédération de Russie, du Nicaragua, des Républiques populaires de Lougansk et de Donetsk, d’Abkhazie, d’Artsakh et de la Pridnestrovié Moldavie » ainsi que les anciens dirigeants Ludvig Chibirov, Leonid Tibilov et Anatoly Bibilov.
Il a ainsi évoqué le contexte géopolitique et les orientations de sa politique étrangère en ces termes : « Il y a une situation géopolitique aiguë dans le monde en ce moment. Nous assistons à un affrontement armé entre le bien et le mal. Nous estimons que les mesures prises par notre partenaire stratégique, la Fédération de Russie, sont pleinement cohérentes avec la menace à la sécurité nationale qui pèse sur les pays de l’orbite du “Monde russe”. […] L’Ossétie du Sud sera toujours fidèle à ses devoirs alliés. […] Nous n’oublierons jamais que c’est la Russie qui a aidé l’Ossétie du Sud à des moments meurtriers et qui a protégé le peuple ossète de la destruction. Les relations d’alliance et d’intégration avec la Russie sont notre principal vecteur de politique internationale. […] Approfondir et développer des liens étroits avec la Russie sera une priorité. En même temps, nous continuerons à approfondir le développement des relations avec les pays qui nous sont amis ».
Le 25 mai, le Conseil de la Fédération de Russie, la chambre haute du Parlement russe, a ratifié l’accord sur la simplification de la double nationalité avec l’Ossétie du sud, déjà ratifié par la Douma le 19 mai. Cet accord doit être signé par Vladimir Poutine avant d’entrer en vigueur.
26/05/2022 : Célébrations de la Journée de l’Indépendance en Géorgie.
A l’occasion des 104 ans de la proclamation de la République démocratique indépendante de Géorgie le 26 mai 1918, restaurée en 1991, la présidente géorgienne, Salomé Zourabishvili, et le Premier ministre, Irakli Garibashvili, se sont adressés à la nation depuis la Place de la Liberté à Tbilissi. La présidente a largement évoqué le contexte actuel de demande d’adhésion à l’Union européenne en décrivant « une opportunité historique [qui] s’est présentée sur la route de l’Europe » et qui « ne s’est pas faite sans effusion de sang ni sans sacrifice ». Elle a ainsi déclaré : « Alors que nous avons défendu la foi, l’identité et les valeurs géorgiennes contre un certain nombre d’empires conquérants, nous avons également défendu l’Europe […] Pour la première fois, une vraie chance s’est présentée. Ni la société civile unie autour de cet objectif, ni les âmes de nos ancêtres, ni les générations futures ne nous pardonneront d’avoir manqué cette chance. […] Nous nous devons non seulement de ressentir la douleur du peuple ukrainien, mais aussi de lui témoigner une solidarité totale. […] Une nation unie a un bel avenir devant elle : l’Europe et le retour aux sources ! ». Le Premier ministre, quant à lui, a rappelé avoir signé le 3 mars dernier la candidature du pays au statut de candidat à l’adhésion à l’UE et a parlé de « nouvelle étape de l’histoire géorgienne » tout en saluant les résultats du gouvernement actuel en matière d’évolution vers les standards européens en matière politique, économique, de défense, de gouvernance et de démocratie. Il a insisté sur les « valeurs de l’Évangile qui sont aussi le fondement de l’Europe moderne » tout en exprimant la solidarité du gouvernement et du peuple géorgien avec l’Ukraine.
Une lettre commune des partis d’opposition géorgiens a été envoyée à la direction de l’Union européenne après avoir été lu en séance plénière au Parlement par le vice-président du parti des citoyens, Levan Ioselian, le 25 mai, afin de faire taire les critiques du parti au pouvoir « Rêve géorgien », notamment celles portées par la voix de son dirigeant, Irakli Kobakhidze, qui a déclaré : « Nous appelons l’opposition radicale à mettre de côté au moins une fois ses intentions politiques vicieuses et biaisées et à arrêter l’agitprop contre la Géorgie » en dénonçant une campagne menée à Bruxelles par « des politiciens spécifiques de l’opposition radicale » contre l’obtention du statut de candidat à la Géorgie.
27/05/2022 : Le président azerbaïdjanais signe une ordonnance de grâce pour 213 personnes condamnées.
Ilham Aliev, le président azerbaïdjanais, a signé le 27 mai une ordonnance de grâce concernant 213 personnes condamnées et qui devrait coïncider avec la commémoration de l’indépendance du pays le 28 mai. Ainsi 167 personnes devraient être libérées de la durée restante de leur peine, 36 personnes verraient leur peine réduite de moitié, une personne se verrait libérée de la condamnation à perpétuité, 3 se verraient libérées de leur peine conditionnelle et 6 d’une peine sous forme de restriction de liberté.
Parmi toutes ces personnes figurent une vingtaine de prisonniers politiques et notamment Saleh Rustamov, ancien chef de la région de Gadabay, et plusieurs journalistes comme Afgan Sadigov, dirigeant d’Azel TV, Bahruz Aliev du média nia.az, ou encore Pacha Umadov, membre du parti « Front Populaire ». Figurent également parmi les personnes graciées, tous les accusés de l’affaire Gandja et de ses émeutes de juillet 2018, ainsi que plusieurs hauts fonctionnaires de l’ancien ministère de la Sécurité nationale tels que le général de division Teymur Guliyev et le colonel Salim Mammadov. Selon Rufat Safarov, co-fondateur de l’organisation Line of Defence, il resterait une centaine de prisonniers politiques dans les geôles azerbaïdjanaises.