Équipe de veille Russie : Lauren Lemaire-Hec, Manik Tadevosian, Enzo Pavodan, Simon Bouclier, Amandine Paillette, Olga Shevchuk
25/06/2022 : Le président lituanien déclare qu’il ne ferait aucune concession à la Russie sur la question du transit des marchandises vers Kaliningrad – Enzo Padovan –
Le 25 juin, Gitanas Nauseda, président de la république de Lituanie, a annoncé que son pays continuerait à bloquer le transit de marchandises russes à destination de l’enclave de Kaliningrad. En effet, depuis le 18 juin, Vilnius a formellement interdit le passage des trains de marchandises en provenance de Russie sur son territoire. Cette mesure fut aussi couplée, le 21 juin, à une décision lituanienne similaire, prohibant dans ses eaux le fret maritime de produits visés par des sanctions européennes. Au final, de telles mesures ont directement affecté entre 40 et 50% des échanges prévus entre Moscou et la région de Kaliningrad, provoquant des fièvres d’achat motivés par la possible future pénurie. Nikolaï Patrouchev, proche conseiller de Vladimir Poutine, a grandement condamné les décisions prises par la Lituanie, les qualifiant de «décision orchestrée par l’Occident à l’encontre des normes et des principes du droit international », affirmant par ailleurs que «la Russie saura, bien entendu, répondre à ce genre de manifestations d’hostilité».
Le 24 juin, malgré ces décisions nationales, un parlementaire européen du nom de Petras Auštrevičius, de nationalité lituanienne, a annoncé que la Commission travaillait sur un décret lié à ces questions. En effet, ledit décret devrait permettre à la Russie d’acheminer des marchandises, autrement prohibées à l’export, en direction de Kaliningrad. Cependant, le président Nauseda s’est formellement opposé à une telle proposition, en maintenant sa position selon laquelle son pays «doit appliquer et appliquera les sanctions demandées par l’UE». Ainsi, aucun corridor ne devrait être établi sur le territoire de Vilnius, cette dernière étant prête à user de son droit de véto pour faire barrage à la proposition. Face à ce que les autorités moscovites qualifient de blocus, il semblerait que ces dernières préparent leurs propres sanctions parallèles, qu’elles pourraient adopter dans un futur assez proche.
26/06/2022 : Sommet des pays du G7, les États membres sanctionnent la Russie en interdisant toute importation d’or en provenance du pays – Amandine Paillette –
À l’occasion d’un sommet qui s’est tenu du 26 juin au 28 juin, les pays du G7 se sont réunis dans l’hôtel de luxe Schloss Elmau situé en Allemagne. Lors du premier jour, l’Allemagne, le Canada, les États-Unis, la France, l’Italie, le Japon et le Royaume-Uni ont convenu d’une interdiction des importations d’or en provenance de Russie dans le cadre de nouvelles sanctions économiques. Bien que cette nouvelle décision ne vaut que pour les nouvelles extractions du métal, Joe Biden s’est félicité de la mesure sur Twitter écrivant que « le bannissement de cette source d’exportation majeure privera la Russie de milliards de dollars ».
Alors que le Kremlin poursuit son intervention militaire en Ukraine, l’embargo sur l’or représente une nouvelle tentative d’isolement de Moscou du système financier international. En effet, derrière la Chine, la Russie se hisse à la deuxième place des producteurs aurifères mondiaux et quant à l’or, il représente le deuxième produit le plus exporté par le pays. Le métal russe représente 15 milliards d’euros, 90% de ce commerce est à destination des pays du G7 dont notamment le Royaume-Uni qui abrite l’un des principaux centres mondiaux financiers d’échanges de matières premières. Par cette décision, les membres du G7 souhaitent sanctionner fermement le pays tel l’a déclaré Boris Johnson «ces mesures frapperont directement les oligarques russes».
L’or étant considéré comme une valeur sûre en cas de crise économique, son prix pourrait drastiquement augmenter face à l’inflation en cours. Pour l’heure, le cours d’une once d’or était de 1930 euros à la date du 28 juin.
27/06/2022 : Bloomberg rapporte un défaut sur les obligations en devises étrangères en Russie, pour la première fois en 100 ans – Olga Shevchuk –
Bloomberg a rendu compte du défaut de paiement des dettes en devises étrangères de la Russie, car dans la nuit du 27 mai, le délai pour le paiement d’un montant d’environ 100 millions de dollars a expiré. Bloomberg note que la valeur par défaut est symbolique. Les investisseurs, selon Bloomberg, ont le droit de déclarer le défaut et d’attendre que les sanctions soient levées de la Russie.
Les autorités russes n’admettent pas que l’État ait fait face à un défaut de paiement. «Ces allégations de défaut de paiement dans cette affaire sont absolument injustifiées, car en mai dernier, le paiement nécessaire en devises étrangères a été effectué. Le fait que cet argent ait été retenu et n’ait pas atteint les destinataires n’est plus notre problème. Autrement dit, il n’y a aucune raison de qualifier la situation de défaut», a déclaré Dmitry Peskov, attaché de presse du président.
La Russie ne peut pas effectuer de paiements sur des obligations en dollars en raison des sanctions occidentales. Les autorités ont décidé de payer les investisseurs en roubles, mais cela peut également être considéré comme un défaut, car les conditions de l’émission obligataire n’impliquent pas de changement de devise.
28/06/2022 : Ilya Yachin arrêté à Moscou -Lauren Lemaire-Hec-
L’opposant politique et député du district municipal de Krasnoselsky critiquant l’invasion russe en Ukraine, Ilya Yachin a été arrêté le 28 juillet alors que ce dernier se promenait dans un parc. Irina Babloyan, une journaliste qui l’accompagnait, relate les faits sur sa chaîne Telegram : «Je marchais avec mon ami Ilya Yachin dans le parc, à Khamovniki. La police est arrivée et a emmené Ilya, personne ne sait où». Lors de son jugement au tribunal de Khamovnichesky, les rapports de police indiquaient qu’Ilya Yachin avait été arrêté pour vérifier ses papiers, ce à quoi il aurait «répondu par un refus grossier et catégorique», aurait également poussé les policiers et les aurait attrapés par leur uniforme. Ilya Yachin et son amie Irina Babloyan contestent tous les deux ces accusations. Les policiers qui ont procédé à l’arrestation ne se sont pas rendus au tribunal et le juge a refusé de les convoquer, «parce qu’il existe des rapports et des explications détaillés de l’affaire». Malgré les réfutations de l’accusé et du témoin, Ilya Yashin est accusé de désobéissance à un ordre de la police, en vertu de l’article 19.3 du Code des infractions administratives de la Fédération de Russie.
L’avocat du député, Vadim Prokhorov, n’a pas été autorisé à voir le détenu. En effet, il a expliqué sur Facebook : «ils ne me laisseront pas entrer malgré ma carte d’identité et mon mandat».
29/06/2022 : La Douma russe inclut désormais les entités sous «influence étrangère» à la catégorie d’«agents de l’étranger» -Lauren Lemaire-Hec-
Le 29 juin, la Douma d’Etat a adopté en troisième lecture une loi sur la réglementation des activités des agents étrangers en Fédération de Russie. A présent, le statut d’agent de l’étranger s’étendera à toute personne morale russe ou étrangère, quelle que soit sa forme organisationnelle et juridique, une autre association de personnes ou un individu, quelle que soit sa nationalité, qui reçoivent un soutien étranger ou sont sous contrôle étranger.
Les agents de l’étranger faisaient auparavant déjà face à des problèmes liés à leur statut en Russie. Aujourd’hui, le document de la Douma indique qu’ils ne pourront pas recevoir de financement de l’État pour leurs activités, ni enseigner dans les établissements d’enseignement publics et municipaux, ni mener des activités éducatives en relation avec les mineurs, ou de participer à la conduite d’expertises environnementales étatiques ou publiques. Enfin, les agents étrangers ne pourront pas produire d’informations pour les mineurs ou agir en tant qu’organisateurs d’un événement public.
Comme l’a expliqué le co-auteur des amendements (le président du Comité sur la sécurité et le contrôle de la corruption) Vasili Piskarev, l’ancienne législation sur les agents de l’étranger contenait des dispositions éparses, tandis que la nouvelle loi vise à les systématiser et à rendre transparente la procédure de contrôle des activités des personnes et des organisations sous influence étrangère. «Toute personne qui chante à partir de la voix de quelqu’un d’autre et qui est payée pour cela devrait comprendre : un agent étranger est la chose la plus démocratique que les autres pays acceptent dans ces cas-là. Les condamnations pénales, les emprisonnements et autres sont partout si l’on pense à la façon dont leurs enfants et petits-enfants vivront dans leur propre pays. Si ces décisions ne sont pas prises, c’est clair : il n’y aura pas d’État», a-t-il expliqué.
30/06/2022 : La Douma d’Etat a adopté une loi sur la fermeture extrajudiciaire des médias pour les «fausses informations» et «discrédit» de l’armée -Lauren Lemaire-Hec-
La Douma d’État a adopté le 30 juin en troisième lecture un projet de loi qui donne au bureau du procureur général le droit de fermer les médias pour publication de «fausses informations», «manque de respect envers les autorités», «discrédit de l’armée» et «appels à des sanctions».
Cette loi donnera plus de contrôle à l’Etat sur ces médias. En effet, le bureau du procureur général sera habilité à révoquer les licences de diffusion si les médias partagent «des informations illégales et dangereuses», ainsi que des messages exprimant «un manque manifeste de respect pour la société et la Constitution de la Fédération de Russie». La loi précise également la possibilité d’interdire les médias étrangers en Russie «lorsqu’il est établi que des décisions hostiles ont été prises par des États étrangers en ce qui concerne les médias russes distribués à l’étranger» – ce qui est directement en lien avec la nouvelle loi, adoptée un jour avant, concernant les agents de l’étranger.
Pour une première violation, le bureau du procureur exigera du Roskomnadzor qu’il suspende les activités des médias jusqu’à trois mois, et pour une deuxième violation, jusqu’à six mois. Mais si pendant ces périodes les médias éliminent lesdites violations, ils pourront reprendre leurs activités sur décision du Roskomnadzor.
En cas de récidive, l’enregistrement officiel d’un média pourra être invalidé.
01/07/2022 : Tensions diplomatiques entre la Bulgarie et la Russie – Simon Bouclier
Le 1 Juillet, la Bulgarie ne s’est pas conformée à la demande de la Russie de ne pas expulser 70 envoyés diplomatiques russes. Ces employés de mission diplomatiques russes sont accusés par les autorités bulgares d’utiliser leur poste comme couverture pour mener d’autres activités. L’ambassadrice russe en Bulgarie, Eleonora Mitrofanova a déclaré que «malheureusement, notre appel au ministère bulgare des Affaires étrangères a été ignoré. À cet égard, j’ai l’intention de poser immédiatement une question aux dirigeants de mon pays sur la fermeture de l’ambassade de Russie en Bulgarie, qui entraînera inévitablement la fermeture de la mission diplomatique bulgare à Moscou». Le ministère des affaires étrangères bulgare souhaite réduire le nombre de diplomates russes en Bulgarie pour qu’il ne dépasse pas le nombre de diplomates bulgares travaillant en Russie. Cela signifie que 50 diplomates russes devraient continuer à travailler en Bulgarie.