Equipe de veille Russie: Ilinka Léger, Enzo Padovan, Arnaud Huss, Nicolas Girard, Corentin Delon, Anastasia K., Erwann Leyral
20/11/2022 : Bombardements de la centrale nucléaire de Zaporijia, les deux parties belligérantes s’accusent mutuellement – Erwann Leyral
Le 20 novembre, l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA) a relevé plusieurs explosions aux abords de la centrale nucléaire de Zaporijia, en Ukraine. Des bombardements ont eu lieu dans la soirée du 19 et la matinée du 20 novembre. Dans un entretien sur la chaîne française BFMTV, le directeur général de l’agence, Rafael Grossi, a déclaré que «l’installation [avait] été touchée» déplorant une situation «intenable» et «gravissime». Il a aussi rappelé le risque d’accident nucléaire occasionné par ces frappes, sans incriminer ni la Russie ni l’Ukraine.
Comme le déclare la BBC, «dans des conditions de guerre, il est impossible de vérifier rapidement les déclarations des parties». En effet, le ministère de la Défense russe, dans un rapport publié quelques heures avant la déclaration de Rafael Grossi, accuse les forces ukrainiennes d’avoir tiré des obus de gros calibre sur la centrale et de perpétuer des «provocations visant à créer une menace de catastrophe d’origine humaine à la centrale nucléaire de Zaporijia». Là où Energoatom, la compagnie nationale de production d’énergie nucléaire d’Ukraine, sur sa chaîne Telegram officielle, fait état de «nombreux bombardements russes», qualifiant ces actions de «chantage nucléaire».
22/11/2022 : Le gouvernement ukrainien perquisitionne un monastère à Kiev soupçonné d’être actif dans le renseignement russe – Corentin Delon
Le 22 novembre, le gouvernement ukrainien a perquisitionné le monastère de la Laure des Grottes de Kiev, situé dans le centre-ville de la capitale. Le journal russe indépendant The Moscow Times a ainsi relayé que les services de sécurités ukrainiens (SBU) menaient des «mesures de contre-espionnage» à l’encontre du monastère, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1990, et lieu de résidence du primat de l’Eglise orthodoxe d’Ukraine. Anciennement sous l’autorité du patriarcat de Moscou, le monastère ukrainien a coupé tout lien avec l’église russe au commencement de l’ “opération militaire spéciale”. Le SBU a indiqué sur son canal Telegram qu’il agissait «pour contrer les activités subversives des services spéciaux russes en Ukraine» et «effectuer des contrôles sur les personnes (…) concernant leur implication dans des activités illégales au détriment de la souveraineté de l’État ukrainien».
Le service de presse du patriarcat de Moscou a, quant à lui, réagi rapidement en dénonçant un «acte d’intimidation» envers les croyants ukrainiens. Ce même service a déclaré que «nous prions pour nos compagnons croyants (…), qui deviennent victimes de l’anarchie, et nous appelons toutes les personnes bienveillantes à faire tout leur possible pour que cette persécution s’arrête». Il est à rappeler que l’actuel patriarche de Moscou et de toutes les Russies est Cyrille, connu pour être un ancien membre du KGB proche du Kremlin. Il avait déclaré, dans son homélie du 6 mars 2022, que «la Russie ne conduit pas en Ukraine un combat physique mais métaphysique contre les forces du mal». Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov à déclaré que «l’Ukraine est depuis longtemps en guerre contre l’Église orthodoxe russe».
22/11/2022 : Le président russe Vladimir Poutine souhaite renforcer le statut de «grande puissance de l’Arctique» de la Russie – Nicolas Girard
Le 22 novembre, le Président russe Vladimir Poutine a assisté par visioconférence à une cérémonie de lever de drapeau sur le navire brise-glace Oural, ainsi qu’au lancement de la construction du navire Yakoutia. D’après le site officiel du Kremlin, cette cérémonie intervient dans le Projet 22220 qui vise à construire et mettre en circulation «les plus grands et les plus puissants brise-glaces du monde». Toujours selon le Kremlin, ces bateaux permettront une navigation en Arctique tout au long de l’année, donnant la possibilité à la Russie de prétendre au statut de «grande puissance de l’Arctique».
Avec le réchauffement climatique et la fonte des glaciers du Pôle Nord, la région de l’Arctique se retrouve au centre d’enjeux géopolitiques, économiques et stratégiques majeurs. La Russie, la Norvège, le Groenland (Danemark) et le Canada se disputent cette région en raison des réserves naturelles potentielles de son sous-sol, mais également des routes maritimes possibles avec la fonte des glaces. Selon le MoscowTimes, journal indépendant, la Russie, au même titre que les autres États de la région, souhaite jouer un rôle déterminant et asseoir son autorité dans cette zone.
22/11/2022 : Accusés d’espionnage, deux citoyens russo-suédois ont été arrêtés à Stockholm – Enzo Padovan
Le 22 novembre, la Säkerhetspolisen (le Service de Sécurité intérieure suédois) a arrêté deux citoyens russo-suédois, à Stockholm. Sur leur site, l’équipe du Service de Sécurité a détaillé les chefs d’accusation comme suit : «L’un des individus arrêté est soupçonné d’activités illégales d’espionnage contre la Suède […]. Le second est soupçonné de l’avoir aidé, en tant que complice». Le journal Dagens Nyheter, un des quotidiens les plus lus en Suède, a révélé des informations additionnelles : dans un article du même jour, il est expliqué que les faits d’espionnage se seraient déroulés entre janvier 2013 et aujourd’hui. De plus, l’arrestation des deux suspects a bénéficié du soutien de la police locale, mais aussi de l’armée.
Selon Meduza, un méda indépendant russophone, les deux individus sont un couple originaire de Russie, Sergeï Skvortsov et Elena Kulkova, âgés respectivement de 59 et 58 ans. Ils se sont installés en Suède en 1997, et ont reçu la nationalité suédoise quelques années plus tard. Spécialisé en informatique et en technologie, le couple est soupçonné d’avoir mené des actions d’espionnage industriel pour le compte de la Russie. Il est intéressant de noter que quelques semaines auparavant, le procès de deux frères d’origine iranienne s’est ouvert en Suède. Le journal Euronews indique que les deux hommes sont accusés d’espionnage aggravé pour le compte du Kremlin, et d’entretenir des liens avec les services de renseignement russes, notamment le GRU. Ils encourent tous deux une condamnation à perpétuité.
23/11/2022 : L’Union européenne qualifie la Russie «d’État promoteur du terrorisme» – Anastasia K.
Après l’appel de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) à «déclarer … (la) Russie comme auteur d’actes terroristes», le 23 novembre, le Parlement européen a voté une résolution (494 pour, 58 contre, 44 abstentions) qualifiant la Russie «d’État promoteur du terorrisme» qui «utilise les moyens terroristes», à la suite des nombreuses frappes russes sur les infrastructures civiles en Ukraine. En effet, ces frappes «délibérées» constituent des «violations graves du droit international et du droit humanitaire» constitutifs de «crimes de guerre». Cependant, cette résolution ne serait qu’un acte politique symbolique, puisqu’à ce jour aucun cadre juridique ne permet à l’Union européenne de désigner officiellement des États comme soutenant le terrorisme.
Pour cette raison, les nombreuses demandes du Président ukrainien Volodymyr Zelensky à reconnaître la Russie comme «État-terroriste» visent particulièrement les États-Unis, puisque la législation américaine prévoit ce statut et permettrait d’adopter des sanctions ciblées dans le domaine de la défense avec l’interdiction de livrer des produits à double usage, dont l’objectif final serait d’empêcher et de condamner des États qui commmercent avec «l’État promoteur du terrorisme». Enfin, le soir du vote, le site du Parlement européen a subi une cyberattaque par déni de service (DDos) revendiquée par un groupe pro-Kremlin KIllnet, selon Eva Kaili, vice-présidente du Parlement européen.
23/11/2022 : Le Kremlin salue les interventions de l’OTSC en 2022 – Nicolas Girard
Le 23 novembre s’est tenu le sommet de l’Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC) à Erevan, en Arménie, selon le Ministère des Affaires étrangères russe. À l’occasion de cette rencontre entre les dirigeants des États-parties à ce traité, à savoir la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, l’Arménie, la Biélorussie et le Tadjikistan (l’Ouzbékistan, l’Azerbaïdjan et la Géorgie ont quitté cette organisation), le président russe a commenté les interventions de l’organisation en 2022. D’après le Kremlin, Vladimir Poutine a salué l’opération de maintien de la paix de l’OTSC, constituée majoritairement de troupes russes, qui s’est déroulée au Kazakhstan en janvier 2022. Ainsi, le président russe souligne que «l’efficacité des mesures [préparation au combat, amélioration du système de commandement et formation militaire] a également été confirmée par l’opération de maintien de la paix de l’OTSC au Kazakhstan». Vladimir Poutine a, de plus, salué le rôle de médiateur de l’Organisation pour la résolution du conflit arméno-azerbaijanais. Enfin, le président russe a mentionné les risques liés à la situation en Afghanistan, pays frontalier du Tadjikistan, l’un des membres de l’Organisation.
24/11/2022 : Le président Russe Vladimir Poutine s’est entretenu avec son homologue Arménien Nikol Pashinyan – Arnaud Huss
Le 24 novembre, le président de Russie, Vladimir Poutine, et le Premier ministre Arménien, Nikol Pashinyan, se sont rencontrés en marge du sommet de l’Organisation du Traité de Sécurité Collective à Erevan, selon l’agence Armenpress et le ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie. Le Premier ministre arménien a fait le bilan de la réunion de l’OTSC : «nous avons tenu une session du Conseil de sécurité collective de l’OTSC. Bien sûr, nous ne sommes pas parvenus à un consensus sur toutes les questions, mais la majorité, 15 sur 17, a été adoptée». Il a également évoqué les relations bilatérales entre la Russie et l’Arménie, en particulier dans le domaine économique. Le Premier ministre, a ainsi déclaré «j’ai remarqué que les exportations de l’Arménie vers la Fédération de Russie ont augmenté de 80 % […], cela crée des opportunités pour la coopération économique», avant d’évoquer la sécurité dans la région du Caucase sud.
Puis, le Président russe a pris la parole pour faire sensiblement les mêmes constats que son homologue Arménien. Il a, en revanche, donné quelques chiffres différents sur les échanges économiques entre les deux Etats : «le chiffre d’affaires a augmenté de 12 % l’année dernière, [et] au cours des neuf premiers mois [de 2022], de 67 %».