Équipe de rédacteurs : Thomas Taochy, Vadim Leduc Argenta, Ines Eugène, Anna Balawender (coordinatrice)
26/11/2022 : La Chine envoie des garde-côtes près des îles Diaoyu/Senkaku, quelques jours après des négociations maritimes avec le Japon -Thomas Taochy-
Le compte officiel des garde-côtes chinois et plusieurs médias japonais ont indiqué que des patrouilleurs chinois ont été aperçus le 25 novembre près des îles contestées de Diaoyu (selon les Chinois) ou Senkaku (selon les Japonais).
Le média Kyodo news recense ainsi quatre navires de garde-côte chinois naviguant près des îles alors que les deux dirigeants chinois et japonais avaient ; à l’occasion du sommet de la coopération économique Asie-Pacifique à Bangkok le 17 novembre, décidé d’établir une meilleure coopération bilatérale et plus de dialogue sur les sujets maritimes et territoriaux.
Selon le SCMP, il s’agissait du 32e déploiement de ce type cette année et que des navires chinois avaient été repérés près des îles contestées pendant 23 jours consécutifs. Cette occupation avait suivi là encore une rencontre en ligne entre les deux pays sur la question maritime. Le Japon avait, suite à cet événement, protesté par voie diplomatique auprès de la Chine.
Le média Japan Times rapporte «que deux navires ont pénétré dans les eaux territoriales vendredi vers 2 h 35. Puis vers 10 h, deux autres navires sont arrivés, dont l’un était équipé d’un canon de 76 mm».
27/11/2022 : Vent de révolte en Chine après l’incendie d’Urumqi – Ines Eugène –
Depuis une semaine, des manifestations sont organisées en Chine pour protester contre la politique zéro-Covid, mise en œuvre depuis bientôt 3 ans par le gouvernement chinois. Le fait déclencheur de ces rassemblements est l’incendie du jeudi 24 novembre où 10 personnes perdirent la vie à Urumqi, capitale de la région autonome du Xinjiang. En effet, selon le South China Morning Post, incapables de fuir à cause des politiques gouvernementales anti-Covid, qui imposent un confinement absolu à près de 4 millions de Chinois, ces personnes se sont retrouvées bloquées dans l’incendie qui ravageait leur immeuble.
Dès le lendemain, des centaines de personnes sont sorties dans les rues pour protester contre la politique du gouvernement chinois. Cet événement, couplé à un «ras-le-bol» généralisé a engendré des protestations, fait d’une rareté notable. En Chine, la défiance ouverte envers le gouvernement est passible de prison ferme. Cette vague de contestation exceptionnelle et parfois très violente, prend place quelques semaines seulement après l’annonce du troisième mandat de Xi Jinping lors du Congrès du Parti Communiste. Fait d’autant plus rare, le gouvernement chinois a donné des gages aux manifestants en annonçant une fin des mesures zéro-Covid «étape par étape». Selon RFI, Pékin a annoncé 20 mesures d’ajustement de la politique zéro-Covid comme une facilitation des voyages vers la Chine ou encore une relance de la vaccination.
Certains observateurs étrangers n’hésitent pas à affirmer que ces émeutes sont les plus importantes que la Chine ait connues depuis les événements de la Place Tian’anmen en 1989. En effet, au-delà de la politique anti-Covid, des pancartes et des slogans appellent aussi à plus de démocratie, à un Etat de droit et à la liberté d’expression.
Bien que les événements soient récents et que les flux d’informations venant de Chine soient restreints, elles sont suffisantes pour questionner la stratégie du gouvernement Chinois envers ce qui pourrait, à terme, devenir véritablement déstabilisant pour le Parti Communiste.
28/11/2022 : L’ambassadeur de la Russie en Chine s’engage à lutter contre «l’hégémonie unipolaire» lors de sa première rencontre avec Wang Yi -Thomas Taochy-
L’envoyé de la Russie Igor Morgulov a rencontré le ministre des Affaires étrangères chinoises Wang Yi le 28 novembre 2022 dans le cadre de sa nouvelle prise de fonction selon le média ChinaDaily.
Au cours de cette rencontre, le SCMP a rapporté que l’ambassadeur russe a réaffirmé son engouement à se battre aux côtés de la Chine contre «l’hégémonie unipolaire», une expression utilisée pour critiquer les sanctions occidentales visant le développement technologique et militaire des deux pays. Par ailleurs, le site du ministère des Affaires étrangères chinois a rapporté les propos de Wang Yi : «Les deux pays s’engagent à défendre le système international avec les Nations unies (ONU) en son cœur et l’ordre international fondé sur le droit international, et rejettent les politiques de puissance».
Enfin, Igor Morgulov a saisi l’opportunité de cette rencontre bilatérale pour souligner davantage l’amitié sino-russe comme l’évoque le site Xinhua : «Les liens entre la Russie et la Chine ne peuvent être brisés, et l’amitié entre les deux pays peut surmonter n’importe quel défi».
30/11/2022 : Une rencontre virtuelle sino-kazakh pour renforcer la coopération aux dépens de la Russie -Anna Balawender-
Le 30 novembre s’est tenu un entretien virtuel entre le Premier ministre chinois Li Keqiang et son homologue kazakh Alikhan Smailov. A l’occasion de cet échange dématérialisé, les deux représentants ont célébré les 30 ans des relations bilatérales et ont affirmé leur volonté de renforcer leur coopération, dans le domaine de l’énergie notamment.
SCMP rappelle qu’en septembre dernier, à l’occasion du sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) organisé du 14 au 16, le gain d’influence de la Chine dans les pays d’Asie centrale, permis par le reflux de l’influence russe, était manifeste. À l’occasion de ce sommet, des accords touchant à des domaines sensibles avaient été signés, notamment des accords sur l’investissement dans les infrastructures «retardés en raison de l’opposition russe» – comprenant un couloir de transport international transcaspien ainsi qu’une ligne de chemin de fer reliant le Xinjiang, le Kirghizistan et l’Ouzbékistan. Li Lifan, spécialiste de la Russie et de l’Asie centrale à l’académie des Sciences sociales de Shanghai, avait affirmé à l’issue du sommet que le reflux de la Russie représentait une «fenêtre d’opportunité» pour la Chine.
Mais la Chine n’est pas la seule à être attirée par le vide laissé par la Russie en Asie centrale. Le 29 novembre, Kassym-Jomart Tokayev a été reçu à l’Élysée par le président français Emmanuel Macron. Michaël Levystone, chercheur à l’Ifri, rappelle que le Kazakhstan possède un sous-sol riche en ressources, et notamment en pétrole, gaz et uranium. Cette dernière ressource est particulièrement importante pour la France, en ce que l’uranium kazakh représente actuellement 40% du carburant des centrales nucléaires françaises.
Paris s’active à renforcer les liens avec l’Asie centrale, en avançant une coopération sur le nucléaire et la construction de nouvelles routes commerciales. Ces dernières semaines, l’Elysée a également reçu les chefs d’Etat tadjik et ouzbek. Mais malgré les efforts européens pour encourager leur découplage avec la Russie, les gouvernements régionaux s’efforcent de maintenir le dialogue avec le Kremlin : la veille de sa visite à l’Elysée, le Président kazakh s’était rendu à Moscou pour y rencontrer Vladimir Poutine.
30/11/2022 : Décès de Jiang Zemin, l’héritier et l’artisan de la dynamique d’ouverture de la Chine -Anna Balawender-
Le 30 novembre s’est éteint Jiang Zemin, Président de la République populaire de Chine de 1993 à 2003, souffrant de leucémie et suite à une défaillance d’organes. Héritier de la politique de «réforme et d’ouverture» initiée par Deng Xiaoping en 1978, Jiang Zemin a poursuivi l’allègement de la censure, le desserrement des politiques de contrôle sur la société et sur l’économie chinoises, ouvrant à la voie à la naissance d’un pluralisme au sein de la société civile dans les années 2000.
Au lendemain de son décès, les journaux nationaux chinois ont présenté une page d’accueil en noir et blanc, affichant l’hommage national officiel, et couvrant le rapatriement de sa dépouille de Shanghai à Pékin. Mais l’événement prend une couleur particulière en ce qu’il advient en alors que la société chinoise est traversée de crises multiples : les restrictions liés à la gestion du Covid pèsent de plus en plus lourdement sur l’économie ; la compétition technologique et commerciale avec les Etats-Unis pose des défis sans précédent à son gouvernement ; et enfin, une partie de la population des mégalopoles chinoises est descendue dans la rue pour remettre explicitement en cause la légitimité du gouvernement. Les hommages rendus au défunt ancien dirigeant sont doublés de regrets d’une époque où la société jouissait d’une plus grande liberté ; ils sont, comme les subtils messages partagés sur les réseaux sociaux ces derniers jours – tels qu’un extrait de discours, une citation d’auteur, ou encore une chanson comme Get up, Stand up de Bob Marley – un moyen détourné de critiquer la politique du gouvernement chinois actuel.
Au plan géopolitique, le décès d’un chef d’Etat n’est pas non plus sans écho. Alors qu’un grand nombre de gouvernements et représentants politiques ont transmis leurs condoléances à Pékin, le South China Morning Post relève que Washington, New Dehli et Londres sont restés muets à ce sujet. Ce silence s’inscrit, il est probable, dans la droite ligne des gouvernements anglo-saxons traduisant leur défiance vis-à-vis de Pékin en action (politiques protectionnistes, interdiction de réceptions de dons, coupure de l’investissement ou bannissement de certaines entreprises chinoises, entre autres). On peut noter également que le décès de Jiang Zemin est intervenu le jour même d’un sommet organisé par l’Agence chinoise de coopération internationale pour le développement sur la coopération dans l’Océan indien ; 17 représentants étatiques avaient été conviés à cette conférence, mais aucun en provenance de New Dehli.
30/11/2022 – Intrusion d’avions de combat russes et chinois dans l’espace aérien Sud-Coréen – Vadim Leduc Argenta –
Des avions de «guerre stratégiques» russes et chinois (notamment des bombardiers longue portée Tupolev-95 russes ainsi que des bombardiers chinois H-6) ont pénétré la zone de défense aérienne Sud-Coréenne lors d’un exercice conjoint.
The Guardian mentionne que ce mercredi 30 novembre, l’Etat Sud-Coréen a annoncé avoir détecté 2 avions de combat chinois et 6 russes. Plus précisément, l’état-major interarmées de Séoul a affirmé que ces avions sont entrés et sortis à plusieurs reprises dans la zone d’identification de défense aérienne coréenne. Les forces Sud-Coréennes ont ainsi réagis et ont répondus en brouillant ces avions de combat.
Une zone de défense aérienne est une zone où les pays exigent seulement que les aéronefs étrangers prennent des mesures spéciales pour s’identifier. Ainsi, SCMP explique que Moscou assure être dans son droit : «les avions russes et chinois ont agi strictement conformément aux dispositions du droit international». Moscou ne reconnaît donc pas la zone de défense aérienne de la Corée. Quant à Pékin, la zone n’est pas un espace aérien territorial et tous les pays devraient pouvoir jouir d’une liberté de mouvement.
Dès lors, ces manœuvres inquiètent la Corée du Sud mais aussi le Japon et ses forces d’autodéfense qui ont dépêché des avions de chasse après que les bombardiers chinois, rejoints par deux drones russes, ont survolé de la mer de Chine orientale vers la mer du Japon.
Ces évènements ne sont pas sans rappeler le 24 mai dernier où la Chine et la Russie avaient déjà fait voler 6 bombardiers au-dessus des eaux territoriales du Japon. Le ministre japonais de la Défense a déclaré à l’époque que cet exercice était ce qu’il croyait être une protestation contre un sommet du QUAD, impliquant le Japon, les États-Unis , l’Australie et l’Inde , qui s’était tenu le même jour à Tokyo.
01/12/2022 : Visite du Président du Conseil européen à Pékin -Anna Balawender-
Le Président du Conseil européen, Charles Michel, s’est rendu à Pékin le 1er décembre pour y rencontrer le Président de la République populaire de Chine, Xi Jinping. Alors que le gouvernement chinois fait face à une remise en cause de sa légitimité inégalée depuis trois décennies, le haut-représentant européen n’a pas modifié ses projets malgré l’appel le matin même à la répression des contestations par le Commission des Affaires légales du Parti – car «lorsqu’on est convié par le Président chinois, peut-on dire ‘non’ ?», a commenté un officiel européen cité par Euronews. A son arrivée, le dirigeant chinois tenu à donner sa propre explication de la cause des mouvements populaires : les manifestants «protestent car ils sont frustrés après trois années de Covid». Omicron étant moins mortel que le variant Delta du virus Covid19, la Chine pourrait envisager selon Xi Jinping «plus de souplesse dans les restrictions».
Le cœur de la discussion a porté sur l’état des droits humains au Xinjiang, mais aussi et surtout sur le conflit en Ukraine : le Président du Conseil européen espérait pousser le chef d’Etat chinois à user de son influence pour faire infléchir la politique russe en Ukraine. Charles Michel a également évoqué les questions de commerce bilatéral. Ce sujet précis est d’autant plus chaud que les parlementaires étatsuniens viennent d’adopter une loi visant à lutter contre l’inflation, mais également tourné contre la Chine ; néanmoins les clauses de cette loi se traduisent par une série de mesures protectionnistes qui auront immanquablement un impact sur l’économie européenne. Et malgré les affiliations stratégiques reliant les Etats-Unis et l’Europe, la visite du Président français Emmanuel Macron à Washington n’a pas permis de faire infléchir la décision du gouvernement Biden.
Lors de cette rencontre bilatérale, Xi Jinping a déclaré : «Résoudre la crise ukrainienne via des moyens politiques correspond à l’intérêt de l’Europe ainsi que l’intérêt commun de tous les pays d’Eurasie. […] Sous les conditions actuelles, nous devons éviter une escalade des tensions et l’extension du conflit.» France24 indique que le Président chinois a déjà fait des déclarations similaires par le passé.
