La normalisation des relations entre la Russie et le Japon : faux espoirs ou réalité ?

Sanae Takaichi a reconnu la complexité des relations entre la Russie et le Japon, soulignant qu'il était inutile d'ignorer la réalité.
Sanae Takaichi a été nommée nouvelle Première ministre du Japon le 21 octobre 2025. C’est la première fois dans l’histoire du pays qu’une femme occupe le poste de chef du gouvernement. Elle est également connue pour être une partisane de la politique de l’ancien Premier ministre japonais Shinzo Abe (1954-2022), sous lequel la qualité des relations entre la Russie et le Japon a atteint son plus haut niveau depuis de nombreuses années.
Les déclarations de Sanae Takaichi au Parlement, où elle a désigné la signature d’un traité de paix avec la Russie comme l’une des priorités clés de la politique étrangère, ont particulièrement attiré l’attention du public. Cette déclaration a été inattendue, car le dialogue entre Moscou et Tokyo a cessé presque immédiatement après l’introduction des sanctions japonaises contre la Fédération de Russie en mars 2022. En réponse, la partie russe a suspendu les négociations sur un accord de paix, et déclaré qu’elle ne voyait pas l’intérêt de dialoguer avec un État qui adoptait une position hostile.
Mme Takaichi a reconnu la complexité des relations russo-japonaises, soulignant qu’il était inutile d’ignorer la réalité. Le principal obstacle à la conclusion d’un traité de paix reste le différend territorial concernant l’appartenance des îles Kouriles (voir l’article de notre dossier : Etat des lieux : le conflit en Ukraine dans l’espace eurasiatique). Après la Seconde Guerre mondiale, ces terres sont en fait contrôlées par la Russie, mais Tokyo continue d’insister pour qu’elles lui soient restituées.
Cependant, dès le 11 novembre 2025, la Russie a interdit l’entrée sur son territoire à 30 citoyens japonais, dont des représentants du ministère des Affaires étrangères du pays. Le 13 novembre, le secrétaire du Conseil de sécurité russe, Sergueï Choïgou, a tenu des propos encore plus virulents à l’égard des autorités japonaises, accusant le nouveau Premier ministre japonais de revanchisme. Selon lui, il est difficile de comprendre comment la politique de militarisation de Mme Takaiichi peut être compatible avec ses déclarations sur son intention de normaliser les relations avec Moscou. En conséquence, l’élan donné à l’amélioration des relations s’est évanoui quelques semaines seulement après l’investiture du Premier ministre japonais et la visite du président américain Donald Trump au Japon.
Parmi les tendances positives, il convient de noter que les autorités russes et japonaises discutent déjà de la possibilité de reprendre les vols directs. De plus, malgré l’absence de liaisons aériennes directes, le nombre de touristes russes ayant visité le Japon a augmenté : au cours des neuf premiers mois de 2025, environ 130 000 citoyens russes se sont rendus dans le pays. En 2026, le Japon a l’intention d’ouvrir des centres de visas à Moscou et à Saint-Pétersbourg.
Les événements futurs peuvent évoluer dans deux directions : soit le discours de Mme Takaichi était purement politique, soit elle a réellement l’intention de rechercher un compromis avec Moscou. Le porte-parole du président russe, Dmitri Peskov, a souligné que Moscou saluait la volonté de Tokyo d’engager le dialogue et qu’elle-même était favorable à la conclusion d’un traité de paix. Cependant, la Russie ne fera probablement aucune concession sur les îles, car l’archipel des Kouriles revêt une importance stratégique : il assure un accès à l’océan Pacifique, protège les positions du pays dans la mer d’Okhotsk et donne accès à de riches ressources naturelles.
Quand on parle de la mer d’Okhotsk de ses ressources naturelles, il faut rappeler que c’est l’une des régions les plus poissonneuses au monde. La pêche a toujours été le pilier de l’économie des îles Kouriles du Sud. Selon les prévisions, les îles Kouriles recèlent d’importantes réserves de pétrole et de gaz (environ 386 millions de tonnes au total). La Russie, riche en puits de pétrole, n’a pas encore commencé à exploiter ces gisements, mais le Japon, qui connaît une pénurie de ses propres hydrocarbures, commencera sans aucun doute à les exploiter immédiatement.
Le plus grand gisement de rhénium pur se trouve également sur le volcan de l’île d’Itouroup. Le rhénium est un métal très rare et coûteux utilisé dans la construction de fusées, l’aviation supersonique et d’autres industries de haute technologie. Selon certaines estimations, le gisement des îles Kouriles pourrait à lui seul couvrir jusqu’à la moitié de la demande mondiale en rhénium. Dans ce contexte, la normalisation des relations entre les deux pays a encore du chemin à parcourir.
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Sergei Naumov
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