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Russie-Afrique : scandales liés au recrutement de combattants africains en Ukraine

Publié le 19/12/2025
6 min de lecture
Par Enzo PADOVAN
Russie
Russie-Afrique : scandales liés au recrutement de combattants africains en Ukraine

Russie-Afrique : scandales liés au recrutement de combattants africains en Ukraine

Les relations entre la Russie et l’Afrique sont entachées par des scandales liés au recrutement de combattants africains envoyés sur le front ukrainien. Ceux ci seraient originaires du Togo, d’Afrique du sud ou du Kenya.

Echanges entre le Nigéria et la Russie

Le 25 novembre, le Nigéria et la Russie ont fêté les 65 ans de leurs relations diplomatiques. La partie russe s’est dite très satisfaite de l’état des relations entre les deux pays, qui se sont dits prêts à poursuivre leur coopération dans différents secteurs. Le Nigéria est en effet un Etat-partenaire des BRICS depuis janvier 2025, et la Russie voit en Abuja un partenaire vital pour la stabilité ouest-africaine.

En effet, quinze jours après cet anniversaire, l’ambassadeur russe au Nigéria a déclaré que le pays était un « partenaire stratégique », et que ce dernier avait le potentiel de devenir « un des centres globaux de pouvoir ». Le Nigéria représente un acteur majeur sur la scène ouest-africaine, et dont la production agricole mais aussi énergétique suscite l’intérêt des investisseurs russes. De plus, la Russie souhaiterait enrichir les liens entre son armée et son homologue nigériane, qu’elle considère comme un garant de sécurité contre l’instabilité sahélienne. Ainsi, Moscou prend fréquemment position en faveur d’un rapprochement avec Abuja, et d’un traitement d’égal à égal avec ce pays.

Un bon exemple de cette position fut la réaction russe, début novembre, à un commentaire du Président Trump sur le Nigéria. Lorsque le président américain a demandé à son administration d’envisager une « action » au Nigéria, afin d’en protéger les minorités chrétiennes, le gouvernement de Vladimir Poutine a manifesté son désaccord. Maria Zakharova, porte-parole de la diplomatie russe, a ainsi demandé une « adhésion stricte au droit international », appelant donc les Etats-Unis à respecter la souveraineté nigériane. La Russie souhaite bien s’investir dans les actions antiterroristes au Nigéria, mais ne veut pas que l’action d’Etats extérieurs déstabilise son partenaire africain.

Un scandale sud-africain ignoré par la diplomatie russe

Le 28 novembre, Sergueï Lavrov s’est entretenu par téléphone avec son homologue sud-africain, Ronald Lamola. Le chef de la diplomatie russe a félicité son interlocuteur pour avoir organisé la rencontre du G20, à Johannesburg, la semaine précédente. De plus, les deux ministres ont échangé sur diverses questions de coopération économique, et politique.

Néanmoins, si les relations diplomatiques entre les deux pays sont au beau fixe, un scandale lié à la Russie a récemment éclaté en Afrique du Sud. Duduzile Zuma-Sambudla, une parlementaire sud-africaine et fille de l’ancien président Jacob Zuma, a démissionné de ses fonctions le 28 novembre également. D’après la BBC, cette élue est accusée d’avoir recruté 17 Sud-Africains pour le compte de Moscou, qui les oblige désormais à se battre au Donbass. Madame Zuma-Sambudla s’est défendue en proclamant qu’elle-même a été trompée, et que les hommes qu’elle a envoyé en Russie devaient recevoir un simple entraînement militaire, sans être déployés sur la ligne de front. Le gouvernement russe n’a pas commenté ce scandale.

Pour plus de contexte, Duduzile Zuma-Sambudla et son père sont membres du parti uMkhonto weSizwe, créé en 2023 nommé d’après la branche armée du Congrès National Africain de Nelson Mandela. Lors des élections de 2024, le parti a fait campagne sur une position panafricaine et anticoloniale, et souhaite accorder davantage de pouvoirs aux structures ethniques traditionnelles en Afrique du Sud. Ces positions lui ont permis d’obtenir un certain soutien auprès de l’ethnie Zoulou, et aujourd’hui, les membres du parti conservent un discours méfiant vis-à-vis des anciennes puissances coloniales ; à savoir, les principaux adversaires de la Russie.

Si le parti MK a vivement critiqué l’invasion russe de l’Ukraine, cela ne l’a pas empêché d’accuser l’OTAN d’une certaine responsabilité dans le conflit : « L’Afrique du Sud doit fermement s’opposer à l’interférence de l’OTAN en Ukraine, qui n’a servi qu’à l’escalade du conflit », pouvait-on lire dans un communiqué du parti en septembre 2024. « Bien que nous appelions à la fin de la violence, le Parti MK reconnaît les inquiétudes légitimes de la Russie quant à l’expansion de l’OTAN ». La ligne politique du MK, tournée vers le panafricanisme et le refus de l’influence occidentale, peut ainsi être séduite par le récit défendu par le Kremlin, qui souhaite appliquer des « solutions africaines aux problèmes africains ». Il apparaît donc crédible que ce parti puisse entretenir des relations controversées avec la Russie, en lui envoyant des soldats pour combattre ce qu’il perçoit comme une extension de l’influence occidentale, en Ukraine.

Un scandale à l’échelle continentale ?

Néanmoins, les événements en Afrique du Sud ne sont pas limités à ce pays. A travers tout le continent africain, des accusations de recrutements trompeurs circulent, à l’encontre de la Russie. Le journal African Defense Forum, dès août 2025, avait relayé les avertissements d’une ONG togolaise, le Mouvement Martin Luther King, qui prévenait que des étudiants togolais avaient été envoyés en Russie pour y combattre. Attirés par des fausses promesses de bourses d’études, ces étudiants ont ensuite été forcés à participer aux combats sur le front ukrainien.

Dans d’autres cas, comme ceux impliquant des Sud-Africains, les recruteurs ont simplement fait croire à un recrutement pour de la formation militaire ou des postes non-combattants, pas pour des opérations de première ligne. La BBC a rapporté, le 6 décembre, que le ministère des Affaires étrangères kenyan estimait à 200 le nombre de ses citoyens, qui combattaient actuellement en Ukraine pour le compte de la Russie. Des contrats lucratifs ou des promesses d’entraînement militaire sans risque de voir le combat les ont attirés en Russie ; un nombre inconnu d’entre eux aurait déjà perdu la vie. Une grande partie des pays subsahariens sont donc confrontés, malgré eux, à des réseaux de recrutement envoyant des jeunes Africains combattre dans l’armée russe.

Le Kremlin présente certes une rhétorique voulant traiter les pays africains comme des égaux, mais ce scandale prouve une certaine dichotomie entre les discours et les actes. La Russie promet des bourses pour les étudiants africains souhaitant y étudier (2 000 nouveaux boursiers nigérians devraient bientôt être sélectionnés), mais elle voit surtout dans cette jeunesse les futurs cadres de son influence en Afrique ; ou, dans le pire des cas, comme de potentielles recrues pour ses opérations militaires. La Russie ne souhaite pas traiter ses partenaires africains comme de réels égaux, en définitive, mais surtout comme des relais de sa lutte contre l’influence occidentale, au profit de ses propres intérêts.

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