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Le soft power du Japon malmené en Russie

Publié le 11/12/2025
5 min de lecture
Par Sergei Naumov
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Le soft power du Japon malmené en Russie

Le soft power du Japon malmené en Russie

Début septembre, le gouvernement japonais a décidé de mettre fin aux activités des six centres d’assistance technique aux réformes en Russie. Ces derniers constituent le fer de lance du soft power du Japon. Décision a aussi été prise de mettre en œuvre ces fermetures au cours de l’automne, avant début décembre 2025. C’est ce qu’a annoncé le secrétaire général du cabinet japonais, Yoshimasa Hayashi. Selon lui, cette décision est liée à l’évolution de la situation en Russie, et à l’état actuel des relations russo-japonaises. Le secrétaire général a souligné que les centres avaient pleinement rempli leur mission.

Les centres d’aide à la réforme ont été créés en Russie en 1994 afin d’organiser des séminaires et des conférences, d’aider à la formation de personnel pour l’économie nationale de la Fédération de Russie, d’offrir des stages au Japon aux étudiants, ou d’organiser des cours de japonais,. La structure de l’organisation comprenait un siège social à Moscou (sur le campus de l’université d’État Lomonosov) et cinq succursales à Vladivostok, Nijni Novgorod, Saint-Pétersbourg, Khabarovsk et Sakhaline. 

En raison de la situation en Ukraine, le Japon a pris une série de mesures de sanctions à l’encontre de la Fédération de Russie. En réponse, la Russie a annoncé le 21 mars 2022 la fin des négociations avec Tokyo sur la conclusion d’un traité de paix, la suspension des voyages sans visa des citoyens japonais vers les îles Kouriles du Sud, ainsi que son retrait du dialogue sur les questions d’activité économique conjointe dans cette région (voir l’article). En effet, depuis fin février 2022, de nombreux programmes culturels et éducatifs organisés par les centres japonais ont été suspendus. 

En janvier 2025, le portail officiel d’information juridique a publié un décret du gouvernement russe mettant fin aux mémorandums conclus avec le Japon régissant la création et le fonctionnement des centres japonais d’assistance technique aux réformes dans le pays. Ces accords ont été signés le 5 septembre 2000 à Tokyo et le 29 juin 2003 à Vladivostok. Commentant cette décision, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a en fait « conseillé » au Japon de fermer ces centres. 

Le communiqué officiel du ministère russe des Affaires étrangères indiquait ce qui suit :

« Les mesures hostiles sans précédent prises par Tokyo à l’égard de notre pays depuis février 2022, notamment les sanctions illégitimes contre les dirigeants russes, les citoyens, les institutions financières et des secteurs économiques entiers, la privation du statut de nation la plus favorisée dans le commerce, la participation, sous quelque forme que ce soit, au pillage des réserves souveraines, sont contraires à l’esprit et à la lettre des mémorandums. Dans le contexte de la poursuite de la politique anti-russe du gouvernement japonais, il est évident que les objectifs et les tâches déclarés dans ces documents ont perdu leur pertinence et que la coopération sur cette base a fait son temps.« 

Après l’annonce de cette décision par la partie japonaise neuf mois plus tard, Maria Zakharova a de nouveau déclaré que cette décision était « logique ». Dans le même temps, Svetlana Zhurova, vice-présidente de la commission des affaires internationales de la Douma (chambre basse du Parlement russe), a exprimé sa surprise face à la décision de Tokyo de fermer tous les centres japonais en Russie. La fermeture de six succursales russes du « Centre japonais » n’est avantageuse ni pour Tokyo ni pour Moscou, mais elle est logique au vu des relations hostiles entre les deux pays, a déclaré Oleg Kazakov, chercheur principal au Centre d’études japonaises de l’Institut de Chine et d’Asie contemporaine de l’Académie russe des sciences, dans une interview accordée à NSN (service national d’information). 

Il convient toutefois de préciser que, depuis plus de 30 ans, les activités des centres japonais en Russie ont été inoffensives du point de vue idéologique ou de la sécurité nationale. Les activités principales de ces centres étaient la formation des hommes d’affaires, les séminaires sur le commerce, les stages au Japon pour les hommes d’affaires russes, le jumelage d’entreprises et les cours de japonais. Les Japonais venaient enseigner le japonais aux Russes, leur expliquer les principes de fonctionnement de grandes entreprises comme Toyota, leur parler du concept du kaizen, dont l’essence est l’amélioration constante des technologies et de tout le reste, dans une quête de la perfection. Il n’y avait là aucune politique ni activité subversive, mais une véritable forme de soft power. La dernière organisation qui organise encore aujourd’hui des événements culturels est la Maison du Japon, une organisation privée appartenant à la société Saison Group. En octobre de cette année, elle a obtenu l’autorisation d’organiser un festival japonais à Moscou.

En fait, la Russie a placé le Japon dans une situation juridique telle qu’il a dû renoncer à l’un de ses derniers leviers de soft power en Russie. C’est pourquoi le Japon n’avait tout simplement pas d’autre choix que de fermer ces centres. Dans le cas contraire, les employés pourraient faire l’objet de poursuites administratives, voire pénales, en raison du financement étranger de leurs activités. Tout cela montre que la tendance à saper le soft power d’autres pays, dont le Japon, à l’intérieur de la Russie n’a pas cessé au cours des trois dernières années.

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