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Rapports

NOS RAPPORTS

Le sud-Caucase, zone montagneuse tampon entre l’Europe et l’Asie, est depuis toujours soumis aux manœuvres des Empires qui l’environnent, fragilisé par de nombreuses dissensions internes et marqué par des alliances géopolitiques à géométrie variable l’empêchant de se projeter à long terme dans un avenir commun. La guerre en Ukraine lancée en février par la Russie n’est pas sans conséquences sur cette complexe mosaïque politique et ethno-linguistique. La suspension des discussions internationales de Genève et du groupe de Minsk sont des exemples de coopération « russo-occidentales » plus ou moins opérantes remises en cause par le conflit en cours aux portes de l’Europe. La question de l’adhésion à l’Union européenne et à l’OTAN de la Géorgie mérite un examen approfondi des raisons profondes du blocage auquel on assiste et de ses implications dans le contexte international qui se dessine actuellement. Il s’agit de voir comment le conflit du Donbass et de la Crimée font échos à ceux qui se déroulent à proximité concernant d’autres entités disputées comme l’Abkhazie, l’Ossétie du sud ou le Haut-Karabakh. Mais aussi de voir pour chacun des trois pays sud-caucasiens, quelles sont les cartes qu’ils ont en main et quels sont leurs positionnements vis-à-vis de ce conflit qui les place tous dans des conflits de loyauté plus ou moins importants. La situation de ces trois pays appelle un décryptage afin de dégager les tendances complexes à l’œuvre six mois après le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine – 45 pages + cartographie. 

L’éclatement de l’URSS en 1991 a provoqué un profond remaniement identitaire dans l’ensemble des ex-républiques socialistes soviétiques du Caucase et de l’Asie centrale, auquel n’a pas échappé l’Azerbaïdjan, riche d’une longue histoire multiculturelle, situé au carrefour des mondes européen et asiatique, et formant une zone tampon entre le monde turco-iranien au sud et russe au nord. Ce pays largement sécularisé depuis le 19ème siècle, au cours duquel s’est constitué la nation azerbaïdjanaise, s’est ainsi extirpé du bloc soviétique et de sa répression contre toutes les formes d’expression religieuse, au moment de l’échec de la Perestroïka, dans un contexte de conflit territorial avec l’Arménie qui s’est réactivé en 1988, et de développement économique sans précèdent grâce à ses ressources pétrolières et à la signature en 1994 du « Contrat du Siècle » avec un consortium de compagnies occidentales.

La disparition d’un pan entier de la modernité marqué par l’athéisme scientifique et le matérialisme dialectique a inauguré une période de recherche de nouveaux modèles identificatoires et de renouement avec les racines culturelles ancestrales. Cette riche période de restructuration du paysage religieux de l’Azerbaïdjan est ainsi caractérisée par l’opposition d’acteurs se disputant le sens des pratiques et du message coranique et leurs interactions avec une population à 97 % musulmane présentant la singularité à la fois d’être composée de deux tiers de chiites et d’un tiers de sunnites et de souhaiter se réapproprier les idéaux modernes déçus par la chute de l’URSS. Cette zone frontière a été, parallèlement à l’arrivée de nouveaux courants islamiques étrangers provenant d’Iran, de Turquie et du monde arabe, bousculée par des enjeux internationaux cruciaux que l’on pense aux événements du 11 septembre 2001 et des guerres « contre l’axe du mal » en Irak et en Afghanistan portées par l’idéologie du « choc des civilisations », à la « crise des caricatures » de la fin des années 2000, puis des « Printemps Arabes » au début des années 2010, et enfin du conflit en Syrie. Ce contexte global a évidemment interagi avec une situation de reconstruction du système politique azerbaïdjanais autour d’un fonctionnement clanique et d’une succession dynastique du pouvoir au sein de la famille Aliev dès 2003.

Suite à une longue période de survie de l’ « islam populaire » azerbaïdjanais dans la sphère familiale privée et s’organisant autour des lieux saints qui parsèment le pays, et alors que l’on fête les 30 ans de l’indépendance politique, économique et socio-culturelle du pays, il est nécessaire de dresser un court bilan de l’évolution des relations entre le politique et le religieux dans ce pays du sud-Caucase en focalisant sur sa religion principale, l’islam, dans la diversité de ses courants, et d’apporter des éléments de compréhension des déterminants et des caractéristiques de la politique de sécularisation des autorités post-soviétiques d’Azerbaïdjan – 35 pages + lexique