Le 06 Juin dernier, une explosion survenue sur le barrage de Kakhovka a provoqué de graves inondations dans l’ensemble de l’estuaire du Dniepr. Alors que les autorités russes et ukrainiennes se rejettent la responsabilité de cet acte de guerre, les estimations des dégâts matériels s’approchent des 1,5 milliards de dollars. Ces inondations sont la principale cause de bouleversements humains, environnementaux mais aussi militaires que nous a allons tenter de détailler dans cet article.
Dans la matinée du 6 Juin, une explosion a endommagé le barrage de Kakhovka, sur le Dniepr. Construit en 1956, ce barrage faisait 30 mètres de haut et 3,2 kilomètres de long. Le réservoir de Kakhovka était le deuxième plus grand réservoir d’Ukraine en termes de superficie (2 155 km²) et le premier en termes de volume d’eau (18,19 km³). Les autorités russes et ukrainiennes se sont accusées mutuellement de cette destruction, plaçant sur l’autre partie les responsabilités de la catastrophes humanitaires en cours.
Après un nouveau Conseil de Sécurité et de Défense tenu le même jour entre Zelensky et ses équipes, le président ukrainien a déclaré : « La catastrophe de la centrale hydroélectrique de Kakhovka causée par des terroristes russes n’arrêtera pas l’Ukraine et les Ukrainiens. Nous continuerons à libérer l’ensemble de notre territoire ». L’Ukraine va porter cet acte de guerre devant le Conseil de Sécurité des Nations-Unies. De son côté, la Russie a, elle aussi, fait une demande similaire auprès du Secrétariat.
Les autorités de la partie russe occupée de l’oblast de Kherson ont été les premières à accuser les Ukrainiens d’avoir détruit le barrage en le bombardant. Ce discours a été repris par la représentation officielle de la Fédération de Russie aux Nations-Unies par la voie de Vasily Nebenzya, insistant sur la volonté du « régime de Kiev » de terroriser la population. Côté ukrainien, on a rappelé, à l’occasion de cette réunion du Conseil de Sécurité du 6 Juin 2023 n°9340E, qu’il était physiquement impossible d’entreprendre une telle action en insistant sur le fait que l’armée russe était en possession de l’ouvrage depuis plus d’un an.
Une voiture piégée installée par les forces russes pourrait avoir servi de lieu de stockage des explosifs sur le barrage. Cette thèse a pris de l’ampleur après la publication de photographies aériennes datant du 28 mai dernier, où l’on peut apercevoir un véhicule endommagé garé sur le barrage. Les secousses provoquées par l’explosion survenue entre deux heures et demi et trois heures du matin ont été détectées par des capteurs sismiques en Ukraine et en Roumanie, et des images satellites provenant des services de renseignement américains auraient détecté une production éclair de chaleur à cette heure précise.
Les estimations de la valeur des dégâts s’approchent maintenant des 1,5 milliards de dollars. Selon le ministre ukrainien de l’Environnement Ruslan Strilets, le niveau de l’eau encore présent dans la retenue,loin des 16 mètres enregistrés en temps normal est devenu critique pour la survie de la biodiversité. Oleksandr Prokudin, le gouverneur ukrainien de l’oblast de Kherson, a déclaré le 08 juin au matin que l’eau était montée de 5,6 mètres dans les alentours de Kherson.
Dans un article datant du 07 juin, les Nations Unies ont déclaré que près de 17000 personnes auraient été évacuées en une journée. Selon l’agence TASS, le bilan datant du 05 juillet fait état de 53 personnes décédées, dont 41 côté russe, et d’un total de 134 hospitalisations de part et d’autre. Les autorités officielles russes des territoires occupés ont déclaré l’état d’urgence. En temps normal, le barrage de Kakhovka fournissait de l’eau potable pour plus de 70 000 personnes, ce qui explique pourquoi la partie russe fait reposer sur les autorités ukrainiennes la responsabilité de cette catastrophe. D’après le Bureau de la Coordination Humanitaire des Nations Unies en Ukraine, le niveau du barrage a diminué de près de 70%, provoquant des pénuries pour les habitants de la région. Les autorités russes ont quant à elles été accusées de bloquer l’arrivée de l’aide humanitaire. D’après Denise Brown, coordinatrice de l’aide humanitaire apportée par les Nations Unies en Ukraine, « le gouvernement de la Fédération de Russie continue de refuser toute demande d’accès aux territoires contrôlés par les militaires [russes] ».
Les autorités ukrainiennes ont également exprimé leur inquiétude au sujet de la production d’électricité en provenance de la centrale nucléaire de Zaporizha située en amont du barrage. D’après l’autorité de la centrale installée par le pouvoir russe, « il n’y a pas de menace pour la sécurité de la centrale nucléaire de Zaporijjia. Cinq blocs sont arrêtés à froid, l’un est à ‘l’arrêt à chaud’. Le niveau de l’eau du bassin de refroidissement n’a pas changé ». L’Agence Internationale de Sûreté Atomique (AEIA) a confirmé les dires des autorités russes, déclarant que le site restait sous surveillance, mais qu’il n’y avait « pas de danger nucléaire immédiat ».
L’écocide, un crime de guerre en Ukraine ?
Le terme “écocide“, composé du préfixe “eco-“, provenant du grec ancien oikos (ou du latin oeco), qui signifie « maison » et du suffixe “-cide”, qui dérive du verbe latin “caedere, « tuer », signifie la « mise à mort » de l’environnement. Cette notion souffre encore d’un manque de reconnaissance officielle dans le droit international public. Il a été utilisé pour la première fois par le biologiste Arthur W. Galston, au début des années 70, afin de dénoncer les conséquences de la guerre sur la faune et la flore du Vietnam.
Les conséquences des actions militaires perpétrées en Ukraine ont relancé une nouvelle fois un débat international autour de ladite notion. Le 29 mars dernier, les eurodéputés ont voté en faveur de la reconnaissance de la notion d’écocide dans le droit européen. Conformément au droit européen, les États membres doivent dorénavant intégrer cette nouvelle disposition dans leur législation nationale.
Vous devez souscrire à un abonnement EurasiaPeace pour avoir accès au contenu - Prendre votre abonnement