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Actualité Géopolitique de Février 2023 au sud-Caucase – Arménie – Azerbaïdjan – Géorgie

Sud-Caucase : l’approfondissement des tensions «russo-occidentales» lié à la nouvelle politique d’alliance de l’Arménie et à la polarisation de la vie politique géorgienne, n’empêchent pas la respiration économique de l’axe Azerbaïdjan-Géorgie.

-Le mois de février 2023 a vu la continuation des manifestations écologistes pro-gouvernementales azerbaïdjanaises dans le corridor de Latchin déclenchées le 12 décembre dernier. Si celles-ci permettent le passage quotidien de véhicules des forces de maintien de la paix russes et du CICR ce sont les échanges habituels d’environ 400 tonnes de marchandises par jour entre la partie de l’exclave du «Haut-Karabakh» encore occupée par une majorité d’Arméniens gouvernée par le régime sécessionniste dit de la «république d’Artsakh» et l’Arménie qui ne sont plus possibles, entraînant une crise humanitaire sérieuse.

La rivalité russo-occidentale s’est considérablement accrue concernant la résolution de ce conflit chaque protagoniste jouant une carte bien différente. Le 20 février a été lancée la mission de l’Union européenne en Arménie (EUMA) dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). La partie russe a clairement dénoncé cette manœuvre, la porte parole du MAE russe Maria Zakharova affirmant : «les représentants de l’Union européenne se trompent en insistant sur le caractère exclusivement civil de la nouvelle mission» et Sergueï Lavrov : «Tous les acteurs, en particulier ceux situés loin du Caucase du Sud, ne sont pas guidés par les mêmes principes et ne travaillent pas «en faveur de quelque chose», mais «contre quelqu’un». Le président de la DoumaViacheslav Volodine a même déclaré le 13 février, lors de sa rencontre avec son homologue azerbaïdjanais : «ceux qui font des déclarations en direction des institutions européennes peuvent tout simplement perdre leur pays».

En effet, l’Arménie s’est nettement rapproché de ses partenaires européens et états-uniens. Il est à noter que les exercices de l’OTSC «Fraternité Indestructible» et dont Nikol Pachinian a tout récemment refusé qu’ils se déroulent en Arménie comme prévu, ont été déplacés au Kirghizstan, le secrétaire du Conseil de sécurité arménien Armen Grigorian déclarant aussi concernant les critiques russes du déploiement de la mission d’observation de l’Union européenne : «Personne ne peut rien nous imposer. Dans ce contexte, l’Occident ne nous a rien imposé. Le déploiement de cette mission était la décision de la partie arménienne».

Tandis que l’Azerbaïdjan a joué aussi la carte du rapprochement européen en misant lui sur les perspectives de développement de l’approvisionnement en gaz de l’UE. Mais il a nettement musclé son opposition à la France, grand soutien arménien, en jouant en tant que président du Mouvement des Non Alignés sur une dénonciation de sa politique étrangère jugée néo-colonialiste, et en ménageant le partenaire russe, à qui il servirait, selon certains analystes, de pont pour faire passer ses exportations énergétiques soumises à sanctions.

La mise en place d’un dialogue direct fin février (24 février et 1er mars) entre l’État azerbaïdjanais et la population arménienne du Karabakh sous médiation des forces de maintien de la paix russe est perçue très différemment par les deux parties. En effet, la partie azerbaïdjanaise entend se délester là encore du poids de la tutelle russe, en développant un dialogue indépendant visant à intégrer la minorité arménienne présente sur son sol au sein de la nation azerbaïdjanaise, dans la droite ligne de l’approche à deux volets prônée par Ilham Aliev le 18 février à la Conférence de Münich, satisfaisant par là le discours de l’Arménie qui entend désormais privilégier les droits de cette population sur ses anciennes prétentions territoriales antérieures à la «guerre de 44 jours». De son côté, la partie arménienne, et particulièrement les autorités auto-proclamées du «Haut-Karabakh» qui ont changé de ministre d’État, Gourguen Nersissian remplaçant officiellement le 1er mars Ruben Vardanian, le «président» Arayik Haroutiounian jugeant qu’ils avaient des «divergences tactiques», ont réitéré leur position radicale, à savoir le droit à l’autodétermination et à l’indépendance de «l’Artsakh», alors qu’avait lieu le 20 février le 35ème anniversaire de la naissance du «Mouvement Karabakh».

Signe de l’emprise toujours forte de la Russie sur la situation, la proposition azerbaïdjanaise de mise en place de points de contrôle frontaliers en commun avec l’Arménie a été balayée de la main par Sergueï Lavrov le 28 février en ces termes : «Il n’y a aucune disposition là-bas pour la création de points de contrôle. Mais il serait possible d’utiliser des moyens techniques pour lever les soupçons existants quant au fait que le corridor est réellement utilisé conformément à sa destination».

– En Géorgie, le mois de février a été marqué par le rejet le 6 février de l’appel de l’ancien président Mikheïl Saakashvili demandant sa libération ou le report du reste de sa peine en raison de son état de santé, par le tribunal municipal de Tbilissi, ce qui a été l’objet de nombreuses critiques internationales. Le principal parti d’opposition, le MNA, a appelé à des manifestations massives et boycotté les sessions parlementaires en contestation à la décision judiciaire. La présidente de Géorgie, Salomé Zurabishvili, a encore renvoyé dos à dos la majorité et l’opposition, critiquant la polarisation du pays entre un parti majoritaire à la «clémence incompréhensible envers la Russie» et une opposition qui a soutenu une campagne de soutien préjudiciable à la réputation du pays au lieu de pousser Mikheïl Saakashvili à avouer son crime et quitter la politique. Le Parlement européen a demandé expressément la libération de l’ancien président géorgien le 13 février.

Le 11 février le Premier ministre géorgien a renouvelé ses accusations à l’encontre de l’Ukraine de tentative d’ouverture d’un deuxième front en Géorgie et d’inclure son pays dans la guerre en cours plus à l’ouest et en mentionnant les succès du pays à «une croissance économique sans précédent de 10,1%, à un moment où le monde entier était confronté à la récession, à l’incertitude et à l’imprévisibilité».

Autre sujet de discorde, le projet de loi «sur la transparence du financement étranger», élaboré par les membres de la formation «Pouvoir du Peuple» et décrit comme «pleinement conforme» aux normes des droits de l’homme «contrairement à ses analogues américain et russe» par le chef du parti au pouvoir «Rêve géorgien», mais fortement critiqué par les partenaires «occidentaux» du pays ainsi que par plus de 280 organisations de la société civile locale. Le 2 mars, lors des débats parlementaires préliminaires, une vague d’arrestation de «militants» selon les autorités et de «journalistes accrédités» selon plusieurs médias locaux a eu lieu ainsi que l’interruption de la séance parlementaire par le service de sécurité. Ce projet de loi viserait à faire enregistrer un certain nombre d’entités par l’Agence nationale du registre public et à les contraindre à produire un état financier chaque année : «les agences de gouvernements étrangers ; les personnes qui ne sont pas citoyens géorgiens ; les entités juridiques qui ne sont pas établies sur la base de la législation géorgienne et les organisations (y compris une fondation, une association, une entreprise, un syndicat, etc.) ou d’autres associations de personnes constituées en vertu du droit d’un État étranger et/ou du droit international».

Les co-présidents des Discussions Internationales de Genève qui avaient décidé fin janvier d’annuler la réunion des 21 et 22 février et s’étaient en conséquence vu interdire l’entrée en Abkhazie et en Ossétie du sud par leurs autorités de facto, se sont déplacés à Tbilissi les 6 et 7 février, Toivo Klaar, le représentant spécial de l’UE pour le sud-Caucase, demandant : «pouvons-nous trouver, le gouvernement géorgien peut-il trouver, de nouveaux moyens de tendre la main aux Abkhazes et aux Ossètes ?», regrettant personnellement l’annulation des précédentes rencontres. Le MAE russe avait dénoncé «une continuation de la ligne destructrice adoptée par les représentants occidentaux»Le 111ème mécanisme de prévention des incidents et de réaction (IPRM), s’est, lui, tenu le 2 mars à Ergneti, l’UEMM et l’OSCE appelant à «la levée des restrictions de mouvement avant la période des vacances de Pâques» démarche qui avait connu un certain succès en 2022. Igor Kochiev, chef de la délégation sud-ossète, a renouvelé ses critiques vis-à-vis du «poste géorgien illégal» à Uista,

Des propos assez critiquables de Maria Zakharova en date du 13 février sont à noter évoquant «leur transformation [Abkhazie et Ossétie du sud] en États modernes et autosuffisants» et déclarant «la majorité de la population d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud a la nationalité russe et soutient la politique d’approfondissement de l’alliance avec la Russie», si l’on prend en compte l’extrême dépendance des deux «républiques» en terme d’approvisionnement énergétique et de paiement des fonctionnaires ou la récente opposition populaire abkhaze au projet de transfert de souveraineté de la propriété de la datcha Pitsunda.

Le 20 février, le «ministre des Affaires étrangères» abkhaze Inal Ardzinba a tenu des consultations à Moscou avec des représentants du ministère russe des Affaires étrangères et des députés de la Douma au sujet de l’entrée en vigueur des accords relatifs à l’octroi de la double nationalité pour les habitants d’Ossétie du sud, rencontre pour laquelle il a dû rappeler : «La base du système constitutionnel de la République d’Abkhazie, en tant qu’État souverain, démocratique et de droit, historiquement établi par le droit du peuple à la libre autodétermination, est inscrite dans la loi et n’est pas sujette à discussion». Le lendemain, le « président abkhaze » Aslan Bzhania s’est rendu au Bélarus où il a rencontré son «homologue» Alexandre Loukashenko afin d’intensifier la coopération bilatérale, un intérêt certain ayant été exprimé pour le parc de haute technologie biélorusse. Sa visite à Moscou a concerné «la formation de contacts entre les ministères de la Défense et les services spéciaux des deux pays» qui devrait se concrétiser par la mise en œuvre d’«un grand projet conjoint dans le district d’Ochamchira en Abkhazie, dont les travaux sur le site débuteront au plus tard en avril 2024».  Une délégation du ministère de l’Intérieur d’Abkhazie s’est également rendue en Ossétie du sud  dans le cadre d’un atelier sur la coopération interdépartementale afin de prendre des mesures conjointes de lutte contre la criminalité et mener une réflexion concernant des questions d’amélioration du niveau de sécurité.

Il est à noter que l’ «Agence de presse d’État RES» sud-ossète, de façon corrélée avec l’adoption d’un appel de la Douma aux parlements mondiaux concernant «l’activité biologique américaine en dehors de son territoire », pointait de nouveau du doigt le Centre Richard Lugar pour la recherche en santé publique de Tbilissi le 11 février.

– Lors de sa visite le 29 janvier en Hongrie, Ilham Aliev a renforcé les liens entre les deux pays en matière énergétique, son homologue Viktor Orban déclarant :  «L’Azerbaïdjan est notre arme secrète pour la diversification dans le domaine de l’énergie». Le premier ministre roumain, Klaus Iohannis, était en visite en Azerbaïdjan le 2 février, Ilham Aliev soulignant les «très bonnes opportunités pour approfondir la coopération entre les ports de Bakou et de Constanta» et le dirigeant roumain évoquant «Le corridor gazier sud, ainsi que le futur câble sous-marin de transport d’énergie électrique produite en Azerbaïdjan à partir de ressources renouvelables». Le lendemain, il assistaient à la 9ème réunion ministérielle du Conseil consultatif du corridor gazier sud et à la 1ère réunion ministérielle du Conseil consultatif de l’énergie verte, Kadri Simon, la commissaire européenne à l’énergie déclarant : «Les résultats du dernier test de marché contraignant pour le Trans Adriatic Pipeline marquent le début du doublement de la capacité actuelle. […] Alors que nous augmentons les approvisionnements en GNL, le corridor gazier sud restera l’une des rares sources stables et compétitives de gazoduc livré à l’UE. […] Notre intérêt pour les énergies renouvelables signifie que nous voulons étendre la coopération avec nos partenaires de confiance au-delà du gaz».

Le Premier ministre géorgien Irakli Garibashvili a fait la promotion de son pays au  Sommet mondial des gouvernements aux Émirats Arabes Unis, le 13 février, soulignant les accords de libre échange avec la Chine, les pays de la CEI et de l’Association Européenne de Libre Echange (AELE) et la Turquie et évoquant le  développement des infrastructures tels que le câble de transport d’électricité sous-marin de la mer Noire, le corridor de transport pétrolier euro-asiatique, le corridor gazier sud, la modernisation des chemins de fer, l’expansion des aéroports, la construction de l’autoroute est-ouest ainsi que le développement du Anaklia Deep Sea Port, projet pour lequel le ministère géorgien de l’Économie et du Développement durable a annoncé le 20 février un appel à manifestation d’intérêt pour une participation de 49 %, l’État devant détenir 51 % des actions.

Le 27 février, le MAE azerbaïdjanais a annoncé avoir lancé un arbitrage interétatique contre l’Arménie en vertu du traité sur la charte de l’énergie (TCE) demandant ainsi «réparation et compensation financière pour la violation par l’Arménie des droits souverains de l’Azerbaïdjan sur ses ressources énergétiques pendant la crise arménienne».

-A l’occasion du vote de l’Assemblée Générale de l’ONU du 23 février qui a condamné à 141 voix «pour», 7 «contre» et «32 abstentions», l’agression russe contre l’Ukraine, et exigé le retrait «immédiat» des troupes russes, la Géorgie à voté «pour», l’Arménie s’est abstenue et l’Azerbaïdjan était absent.

Concernant le tremblement de terre en Turquie, les trois pays sud-caucasiens ont apporté une aide humanitaire. Il est à noter que les autorités de facto de l’Abkhazie, quant à elle, se sont adressées uniquement à la «nation fraternelle syrienne». L’Arménie a également offert son aide à la Syrie où réside une importante minorité arménienne, notamment dans le secteur d’Alep particulièrement touché par cette catastrophe naturelle.

 

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