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Yémen–États-Unis : l’évolution de l’offensive états-unienne contre les Houthis.

Publié le 30/04/2025
4 min de lecture
Par Lucas Calmon Miranda
Asie de l'ouest et Monde arabe

Le retour d’Ansar Allah sur la liste des groupes terroristes de la Foreign Terrorist Organization (FTO) a marqué un tournant dans l’engagement de Washington au Yémen. Le 15 mars, le président Trump a annoncé sur X, le renforcement des frappes américaines sur le nord-ouest du pays, en réponse à la menace croissante des Houthis pour les routes commerciales de la mer Rouge. Il a ordonné à l’armée américaine de bombarder massivement les positions houthistes dans le nord du pays, estimant que l’opération entamée par le président Biden en décembre 2023 était trop faible. Le président a averti directement l’Iran, dans le même tweet, que tout soutien à la riposte houthie entraînerait des représailles. Dans une interview accordée à CBS, le Secrétaire d’État américain a accusé l’organisation terroriste d’avoir « frappé ou attaqué 174 navires de guerre américains » au cours des 18 derniers mois. Il a ajouté que le message du président était également adressé à l’Iran : « Ne continuez pas à les soutenir, car alors vous serez aussi responsables de ce qu’ils font en attaquant des navires de guerre et le commerce maritime mondial. »

A la suite de ces déclarations, une conversation confidentielle entre Tulsi Gabbard, JD Vance, Marco Rubio et Michael Waltz a fuité.  Par inadvertance, le conseiller à la sécurité nationale avait ajouté Jeffrey Goldberg, journaliste pour The Atlantic, dans un groupe Signal consacré à l’organisation et à l’avancement de l’offensive sur le Yémen. Le «

Signalgate » a ainsi révélé non seulement le déroulement des bombardements dans les détails, mais aussi le scepticisme du Vice-Président et du Secrétaire d’Etat à l’égard de cette guerre. Vance affirme dans le groupe que seulement « 3 % du commerce américain passe par le canal de Suez [contre] 40 % du commerce européen » puis, dans le même message, suggère « que le président [n’est pas] conscient de l’incohérence de cette décision avec son message actuel sur l’Europe. »

Du côté des Houthis, le 8 avril, le média Yemen News Agency (saba), contrôlé par le régime, a communiqué l’assassinat du colonel en chef Abdul Nasser Sarhan al Kamali, directeur du service de renseignement. Le bilan mortuaire du lundi 14 avril, établi par le « ministère de la Santé » houthi, faisait état de 123 morts depuis le début de l’offensive états-unienne au Yémen. Le nombre de victimes a encore augmenté après le raid américain du 18 avril sur le port pétrolier de Ras Isa: Al Jazeera a fait état de plus de 80 morts dès le lendemain de l’attaque. Al Arabia rapporte que le bilan actuel s’élève à plus 500 tués pour l’ensemble de l’opération. Malgré les nombreuses pertes humaines, les Etats-Unis ont frappé deux points vitaux de la puissance houthie en un mois: le renseignement et l’oléoduc le plus important de leur territoire.

La capacité des Etats-Unis à infliger de lourds dégâts à la milice pro-iranienne ne fait aucun doute, mais plusieurs doutes concernant les explications données par le président et le Secrétaire d’État américain subsistent. La légitimité et le prétexte de cette guerre sont remis en question au sein même du gouvernement, notamment par son propre Premier ministre. Les derniers échanges entre Téhéran et Washington à propos de la non-prolifération des armes nucléaires semblent indiquer que le conflit s’inscrit dans une démarche de dissuasion militaire américaine, directement adressée à l’Iran. Cette offensive dépasse le cadre de l’opération “Prosperity Guardian” lancée en décembre 2023, mais dans une démarche géopolitique plus globale : une stratégie visant à contrer l’influence régionale de l’Iran. Pendant qu’Israël combat le Hamas et le Hezbollah dans le Croissant fertile, les Etats-Unis s’emploient à réprimer le groupe houthi, officiellement au nom de la défense du commerce international. Le mode opératoire est le même : des frappes de précision et stratégiques, mais au détriment de victimes civiles innocentes sur place.

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