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La Turquie et l’Afrique du Sud consolident leurs liens

Publié le 27/10/2025
5 min de lecture
Par Eren Gokdemir
Asie de l'ouest et Monde arabe
La Turquie et l’Afrique du Sud consolident leurs liens

La Turquie et l’Afrique du Sud consolident leurs liens

Le 31 juillet, le président américain Donald Trump a signé un décret (Executive Order) intitulé Further Modifying the Reciprocal Tariff Rates, introduisant une surtaxe de 30 % sur plusieurs produits importés depuis certains pays du groupe des BRICS, dont l’Afrique du Sud. Face à cette évolution, Pretoria a réaffirmé sa volonté de diversifier ses partenariats économiques afin de limiter sa dépendance au marché américain. Dans cette optique, la Turquie s’est imposée comme un partenaire stratégique potentiel, en raison de son positionnement industriel, de sa capacité d’investissement et de son rôle croissant au sein du Sud global.

C’est dans ce contexte de redéfinition des équilibres commerciaux que s’inscrit la visite officielle de Paul Mashatile à Ankara, du 15 au 17 octobre 2025. Celle-ci a permis une relance institutionnelle majeure des relations bilatérales entre la Turquie et l’Afrique du Sud. Pour la première fois depuis la création du mécanisme en 2012, la Commission bilatérale Turquie–Afrique du Sud (Bi-National Commission – BNC) s’est réunie, élevant la coopération au niveau vice-présidentiel, sous la coprésidence de Cevdet Yılmaz et Paul Mashatile. Cette montée en gamme diplomatique traduit la volonté des deux pays d’ancrer leur partenariat dans un cadre régulier et structuré : la BNC se réunira désormais tous les deux ans, afin d’assurer le suivi des projets et l’évaluation des résultats.

Dans la continuité de cette dynamique, plusieurs accords économiques et commerciaux ont été signés. Parmi ceux-ci figurent une Déclaration commune sur la création d’une Commission économique et commerciale conjointe (JETCO) instrument de dialogue permanent entre les ministères du Commerce visant à lever les obstacles au commerce bilatéral ainsi qu’un protocole d’accord sur la coopération entre zones franches, destiné à encourager l’investissement industriel, la logistique et le transfert de savoir-faire. Des accords sectoriels ont également été conclus dans les domaines du sport et de l’enseignement supérieur, afin de renforcer les échanges universitaires et culturels. Selon les deux délégations, ces instruments constituent des outils de pérennisation et de protection de la coopération économique face aux aléas politiques.

Sur le plan commercial, Ankara et Pretoria partagent un objectif clair : porter le volume des échanges de 2 à 5 milliards de dollars à moyen terme. Les deux parties ont estimé que le potentiel reste largement sous-exploité. Plusieurs secteurs prioritaires ont été identifiés, dont les énergies renouvelables, les infrastructures, l’automobile, les machines agricoles, les industries minières, les technologies de l’information, la santé et le tourisme. Ces domaines devraient servir de leviers à une coopération économique plus équilibrée et durable.

Le volet économique de la visite s’est poursuivi à Istanbul, où Paul Mashatile a participé au 5ᵉ Forum Turquie–Afrique (TABEF). Devant un auditoire composé d’entreprises et d’institutions économiques, le vice-président sud-africain a présenté son pays comme une “Une porte d’entrée pour les entreprises turques vers le continent africain”, soulignant les opportunités d’investissement dans l’Afrique australe. De son côté, le ministre turc du Commerce Ömer Bolat a mis en avant le rôle central du JETCO dans la consolidation des liens commerciaux et l’encouragement des investissements croisés.

Enfin, la visite a pris une dimension diplomatique et symbolique notable. Ankara a réitéré son soutien à l’action de l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de Justice (CIJ), relative aux violations présumées du droit international humanitaire à Gaza.

Sur le plan stratégique, la visite du vice-président sud-africain à Ankara a consacré la mise en place d’un cadre de coopération structuré entre la Turquie et l’Afrique du Sud, marquant le passage d’une relation bilatérale ponctuelle à un partenariat institutionnalisé et durable. Cette dynamique s’est traduite par le lancement d’une feuille de route économique centrée sur la diversification des échanges, la facilitation des investissements croisés et la valorisation des complémentarités industrielles entre les deux économies.

Au-delà des aspects économiques, la rencontre a également confirmé l’émergence d’un partenariat politique et diplomatique, fondé sur des principes partagés de justice internationale, de souveraineté et d’équité entre les nations. Ankara et Pretoria apparaissent ainsi comme des acteurs complémentaires au sein du « Sud global », cherchant à promouvoir un modèle de coopération équilibré, indépendant des pôles traditionnels de puissance.

Dans cette perspective, la Turquie consolide son positionnement comme acteur clé en Afrique australe, capable de s’appuyer sur une puissance régionale stable et influente. De son côté, l’Afrique du Sud renforce son rôle d’allié stratégique d’Ankara au sein du BRICS, contribuant à faire de cette relation bilatérale un levier de projection diplomatique et économique dans un contexte mondial en recomposition.

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