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Yémen : déclin des Houthis, ascension d’AQPA et enjeux régionaux.

Publié le 30/06/2025
5 min de lecture
Par Lucas Calmon Miranda
Asie de l'ouest et Monde arabe

Depuis le début de l’escalade des tensions entre l’Iran et Israël, tout semble incertain au Moyen-Orient. Au Yémen, les Houthis ont été affaiblis économiquement et politiquement par les frappes américaines de l’opération Rough Rider. Militairement, leur capacité aérienne a été complètement détruite à la suite de la destruction de leurs derniers avions de combat, en réponse aux missiles envoyés sur l’aéroport de Ben Gourion. Ils ne peuvent pas non plus compter sur le soutien de leur allié iranien, depuis que Téhéran s’est enlisé dans une guerre totale contre Tel-Aviv et Washington. A partir du début de la guerre de 12 jours et malgré l’obtention d’un cessez-le-feu, l’axe de la résistance chiite semble plus que jamais en déclin. L’idée d’une transition politique dans les mois ou les années à venir au Yémen paraît de plus en plus probable. La fragilisation du pouvoir houthi ouvre la voie à un retour possible de la guerre civile, dans une dynamique rappelant les bouleversements qui ont suivi le Printemps Arabe.

En 2011, comme dans de nombreux pays arabes, le Yémen connut une période de révolte populaire, visant, dans ce cas, la fin de l’ingérence américano-saoudienne et de la corruption gouvernementale. Les Houthis, mécontents de la gestion de l’État, entamèrent une offensive en 2014 contre la présidence. Au cours de cette période de forte instabilité, Al-Qaïda en profita pour accroître son influence et multiplier les attaques sur le sol yéménite. En 2016, le groupe contrôlait un territoire côtier de 600 kilomètres, de Mukalla à Zinjibar, le long du golfe d’Aden, selon Reuters

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Aujourd’hui, alors que les Houthis sont affaiblis dans le nord face à l’Occident, et que le sud est en proie à une crise humanitaire alarmante, le Yémen, fragilisé sur tous les fronts, est menacé de retomber entre les mains des groupes terroristes, notamment Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA). Bien qu’affaiblie par les opérations de la coalition saoudo-émiratie en 2015 et par sa rivalité avec les Houthis, l’organisation salafiste reste active dans les régions d’Al-Bayda, de Marib et du Hadramawt.

Plusieurs sources révèlent que la collaboration entre les groupes sunnites et le groupe chiite s’est accrue. En effet, AQPA avait aussi entamé une alliance opportuniste avec leur rival houthi, dans l’objectif de faire face à la présence pro-occidentale dans la région. En 2022, ils ont signé un pacte de non-agression, afin de se concentrer sur leur trafic d’armes et d’attaquer conjointement le gouvernement yéménite. 

Le 7 juin, AQPA a publié une vidéo intitulée “incitez les croyants”, dans laquelle le chef du groupe terroriste appelle les musulmans à attaquer le gouvernement des Etats-Unis et la population américaine, mais aussi les pays arabes complices des crimes commis à Gaza, tels que l’Egypte, la Jordanie et les pays du golfe. La prise de parole de Al-Awlaki constitue un appel à la révolte dans le monde arabe et à l’assassinat des dirigeants qu’il juge responsables du maintien de la présence occidentale dans le Moyen-Orient. Profitant du chaos régional et de l’affaiblissement des Houthis, AQPA cherche à retrouver une légitimité auprès des populations locales. Pour cela, l’organisation intensifie sa rhétorique contre les ennemis déclarés de l’islam. Elle partage également une alliance discrète avec Al-Shabaab, la filiale d’Al Qaïda en Somalie. L’ONU déclare que l’organisation terroriste somalienne aurait reçu plusieurs munitions et explosifs depuis le Yémen, au cours de l’année 2025. Ansar Allah aurait construit un réseau de trafic d’armes dans le golfe d’Aden. Ils visent à alimenter l’instabilité politique dans la Corne de l’Afrique en finançant Al-Shabaab tout en exploitant le corridor afin d’importer des armes iraniennes au Yémen, à travers le marché noir.

Alors que les houthis apparaissent plus que jamais isolés. Les forces gouvernementales reconnues internationalement et le Conseil de transition du Sud (STC), avec le soutien des Emirats Arabes Unis, seraient susceptibles de profiter de leur récente alliance pour essayer de récupérer Sanaa. Ce scénario peut paraître spéculatif et lointain, mais il est nécessaire de rappeler que le déclin du régime Houthi menace de raviver la guerre civile. AQPA pourrait se repositionner en acteur territorial à l’est du pays, dans le cadre de la recrudescence du conflit entre les deux partis. Parallèlement, Al-Shabaab aurait la possibilité d’affaiblir les houthis, en s’attaquant au trafic d’arme mis en place en Somalie.

Il est important que la communauté internationale prévienne la chute du régime en place à Sanaa, afin d’éviter l’aggravation de la fragmentation ethnico-politique au Yémen. La menace djihadiste pèse discrètement sur le pays, tandis que les espoirs de l’avènement d’une paix durable diminuent.

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Lucas Calmon Miranda

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