Tournée asiatique du roi de Jordanie : Entre espoirs d’investissements et coopération militaire.

Ouverture du Forum d'affaires Jordanie-Vietnam le 13 novembre 2025.
Le roi de Jordanie Abdallah II a effectué une tournée dans cinq pays d’Asie (Japon, Vietnam, Singapour, Indonésie et Pakistan) du 10 novembre au 16 novembre. Elle avait pour objectifs principaux d’attirer les investissements étrangers privés et publics, de favoriser les exportations nationales vers les marchés asiatiques, et de discuter de questions sécuritaires et défensives.
Une économie fragilisée mais résiliente.
Le pays souffre de conditions économiques détériorées, en particulier depuis les attaques du 7 octobre 2023 qui ont drastiquement fait chuter le nombre de visiteurs. De plus, les États-Unis ont annoncé en janvier 2025 geler une partie de leur aide économique (USAID) jugée non-essentielle, soit environ 430 millions de dollars. Aussi, le pays s’est vu imposer des droits de douane avoisinant les 20% par l’Administration Trump, alors que Washington compte pour près d’un quart des exportations jordaniennes.
L’économie jordanienne a néanmoins su résister à ces chocs exogènes. Le nombre de visiteurs repart lentement à la hausse, et a augmenté de 15% sur la période juillet-octobre par rapport à l’an passé. La Jordanie a su renforcer l’aide financière européenne lui permettant de combler celle de l’USAID. Les investissements directs étrangers (IDE) ont une place importante dans l’économie du pays, qui jouit d’une certaine confiance de la part des pays du Golfe et occidentaux. Durant la première moitié de l’année 2025, les IDE vers la Jordanie ont donc atteint les 1,3 milliard de dollars, un record qui porte leur part à 4% du PIB jordanien.
La Jordanie à la pêche aux investissements étrangers est-asiatiques.
Les IDE en provenance des pays d’Asie non-arabes ne représentent que 2,5% du total, la monarchie y voit ainsi une opportunité de développement.
Au Japon, le roi a rencontré les représentants de la Chambre de Commerce de l’industrie devant lesquels il a mis en avant « la place stratégique de la Jordanie, ses relations commerciales et sa base industrielle en pleine croissance ». Il a aussi discuté du projet d’usine de dessalement de l’eau à Aqaba avec Tanaka Akihiko, président de l’Agence japonaise de coopération internationale. En effet, la JICA fournit une aide financière d’environ 4 millions d’euros pour ce qui devra être l’une des plus grandes usines de ce genre au Moyen-Orient, qui fournirait de l’eau potable à plus de 25% de la population du 2e pays le plus pauvre en eau au monde.
Au Vietnam, Abdallah II a participé à l’ouverture du Forum d’affaires Vietnam-Jordanie. Il a déclaré à cette occasion son souhait de « construire un pont économique entre l’Asie du Sud, l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique ». Il a ensuite rencontré des représentants d’entreprises spécialisées dans le textile, ce secteur étant le premier en termes d’exportations pour la Jordanie (2,4 milliards de dollars en 2024). Le roi a mis en avant les avantages dont pourraient bénéficier ces entreprises, notamment l’installation au sein de zones industrielles spécialisées.
En Indonésie, Abdallah II a participé à une réunion avec le président Subianto et les représentants du jeune fonds souverain national au cours de laquelle il a souligné « l’importance d’établir des partenariats […] avec le fonds, dont les priorités correspondent aux objectifs de la Vision de modernisation économique de la Jordanie ». Ce fonds qui devrait à terme gérer 900 milliards de dollars d’actifs financiers, représente une manne d’investissements importants pour le royaume.
Il convient de noter que le président indonésien, en exercice depuis 1 an, est un ami de longue date d’Abdallah, et a vécu en exil en Jordanie pendant 10 ans (1998-2008). Ces relations personnelles pourraient ainsi bénéficier aux relations économiques bilatérales.
Coopération sécuritaire et militaire renforcée.
Les questions de défense et de sécurité ont été l’autre sujet important de cette tournée, alors que le prince héritier Hussein a annoncé en août dernier le retour du service militaire pour tous les hommes de plus de 18 ans, déclarant que les « jeunes jordaniens doivent être prêts à défendre leur pays », alors que la situation incertaine en Syrie et l’hostilité croissante du gouvernement israélien envers le royaume mettent en péril la stabilité interne du pays.
Par conséquent, la Jordanie et l’Indonésie ont approfondi leur coopération militaire par le biais d’un programme bilatéral de développement de drones. A cette occasion, Abdallah II a assisté à un exercice militaire conjoint impliquant des drones de fabrication jordanienne. Par ce programme, la Jordanie cherche à montrer sa présence dans le secteur de l’armement et à attirer de potentiels partenariats avec d’autres pays de la région.
Dans la foulée, un accord avec Singapour a été signé afin de « renforcer la coopération en cybersécurité et en technologies numériques avancées », selon Sami Smeirat, le Ministre de l’économie numérique et de l’entreprenariat.
Le roi a terminé sa tournée au Pakistan, allié historique de la Jordanie, notamment sur le plan militaire. En effet, Islamabad avait été un soutien militaire important de la monarchie lors de « Septembre Noir » en 1970-71 et les relations n’ont cessé d’être cordiales depuis. De ce fait, après avoir discuté de la situation à Gaza et réaffirmé le refus de quelconque déportation de ses habitants, Abdallah II a assisté à un autre exercice militaire auprès du Premier ministre pakistanais Shahbaz Sharif, symbole d’une coopération solide et continue avec une puissance nucléaire.
Cette tournée asiatique confirme la volonté jordanienne d’attirer de nouveaux investissements est-asiatiques pour soutenir son économie mise à l’épreuve, tout en réaffirmant son image de partenaire fiable malgré un environnement sécuritaire tendu. Cet élan reste cependant à concrétiser : peu d’accords bilatéraux formels ont été signés et les engagements demeurent pour l’instant surtout déclaratifs. Enfin, la coopération militaire mise en avant constitue un signal politique, destiné à afficher la capacité défensive du royaume face aux risques de déstabilisation régionale.
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Boris Delaporte



