Politique d’élargissement et soutien européen à l’Ukraine – Point de situation au 20/02/2025

Alors que Donald Trump souhaite mettre fin au conflit en Ukraine, il accélère le processus de négociation sans tenir compte des intérêts de l’Ukraine et de l’Union européenne. Concernée par le conflit et ses conséquences, l’UE fait face à une succession d’événements en l’espace de quelques jours, la plaçant dans une situation de crise où elle a perdu le contrôle. Dès lors, comment tente-elle d’y remédier et quelles sont ses limites ?
Le retour du dialogue entre les États-Unis et la Russie : un revers pour l’Ukraine et l’Union européenne
Le mercredi 12 février dernier, Donald Trump a déclaré avoir eu un appel “long et très productif” avec Vladimir Poutine et annoncé que les négociations commenceraient “immédiatement”. De plus, il a précisé, le même jour, que les discussions entre les responsables des affaires étrangères russes et états-uniens débuteraient à Riyad, en Arabie Saoudite, le lundi 17 février, en l’absence de représentants ukrainiens et européens. Ces déclarations ont provoqué la sidération des Européens, pris de court par cette annonce.
Dès le lendemain, jeudi 13 février, s’est tenue une réunion des ministres de la Défense des pays de l’OTAN à Bruxelles. À l’issue de celle-ci, Kaja Kallas, la Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a critiqué
Divergences à la Conférence de Munich sur la sécurité
Organisée du 14 au 16 février, la Conférence de Munich sur la sécurité a été le théâtre d’oppositions marquées entre Européens et les Etats-Unis. Alors que l’Union européenne espérait un retour en arrière des Etats-Unis concernant l’absence des Européens et de l’Ukraine à la table des négociations, c’est bien le contraire qui s’est produit. Keith Kellogg, l’envoyé spécial pour l’Ukraine et la Russie, a confirmé que les Européens n’auraient pas leur place aux discussions. De plus, le vice-président des Etats-Unis, James David Vance, a surpris les Européens en déclarant que : “la menace qui me préoccupe le plus vis-à-vis de l’Europe n’est ni la Russie, ni la Chine, ni aucun autre acteur extérieur. Ce qui m’inquiète, c’est la menace qui vient de l’intérieur : le recul de l’Europe par rapport à certaines de ses valeurs les plus fondamentales, des valeurs partagées avec les Etats-Unis d’Amérique”. Il faisait notamment référence à la liberté d’expression dans le contexte des élections en Roumanie et en Allemagne, ainsi qu’à l’insécurité liée à l’immigration, rappelant qu’un attentat a été commis deux jours plus tôt par un demandeur d’asile afghan à Munich, faisant 30 blessés.
En revanche, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a insisté sur les conséquences d’un abandon de l’Ukraine : “l’échec de l’Ukraine affaiblirait l’Europe, mais aussi les Etats-Unis”. Inquiète de l’absence de garanties de sécurité promises par Washington à Kiev, elle a annoncé vouloir renforcer une “Europe de la défense” en proposant d’activer la “clause de sauvegarde” pour les investissements des États membres dans le domaine militaire. Ce mécanisme du Pacte de stabilité et de croissance de l’UE permet aux États membres de la zone euro de dépasser les plafonds de la dette (60 % du PIB) et de déficit (3 % du PIB) en cas de dépenses exceptionnelles. En facilitant les dépenses militaires, la Commission européenne espère répondre aux reproches de Donald Trump concernant le faible engagement financier des Européens au sein de l’OTAN et ainsi tenter de se faire entendre à la table des négociations.
Sommet informel européen à Paris : une unité fragile face au conflit
Alors que les premières négociations entre les responsables des affaires étrangères russes et états-uniennes ont eu lieu à Riyad le mardi 18 février, Emmanuel Macron a convoqué un sommet informel en urgence à l’Elysée afin d’élaborer une coordination commune sur la sécurité de l’Europe. Étaient présents : la Pologne, l’Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la France, le Danemark, l’Espagne, ainsi que les présidents du Conseil européen et de la Commission européenne et le secrétaire général de l’OTAN. Cette réunion exceptionnelle avait pour objectif de débattre d’un plan de paix pour l’Ukraine et notamment de l’envoi de troupes européennes à ses frontières avec la Russie et le Bélarus.
Après plus de trois heures de discussions, aucune décision commune n’a été prise. L’envoi de troupes en Ukraine divise profondément les Européens. D’un côté, la France et le Royaume-Uni soutiennent cette idée, tandis que le Danemark ne l’exclut pas. À l’inverse, l’Allemagne et l’Espagne ne sont pas favorables à un tel déploiement, tandis que l’Italie et la Pologne s’y opposent pour le moment. En dehors de ce sommet à l’Elysée, la Belgique, la Roumanie, la République tchèque et la Suède ne rejettent pas totalement cette proposition, alors que la Hongrie s’y oppose fermement.
En cherchant à établir des forces de maintien de la paix en Ukraine, Paris tente de rallier plusieurs pays européens autour de cette initiative déjà évoquée lors de la Conférence de soutien à l’Ukraine en mars 2024. De plus, en démontrant un engagement collectif des Européens pour assurer la paix en Ukraine, la France espère convaincre Washington de les inclure dans les négociations.
L’absence d’unanimité sur l’envoi de troupes en Ukraine illustre les divergences stratégiques et politiques entre Européens. L’Allemagne et la Pologne, par exemple, sont en pleine période d’élections fédérales et présidentielles, rendant toute prise de décision majeure particulièrement complexe.
Dans la continuité de ce sommet, Paris a organisé une autre réunion à l’Elysée le mercredi 19 février, réunissant les dirigeants des pays baltes, de la Grèce, de la Roumanie, de la République tchèque, de la Suède, de la Belgique, de la Norvège et du Canada (tous deux membre de l’OTAN) afin d’examiner les solutions envisageables pour l’issue du conflit. Emmanuel Macron prévoit d’échanger avec l’ensemble des dirigeants européens d’ici la fin de la semaine. Les jours et semaines à venir seront donc déterminants, tant pour l’Ukraine que pour l’Europe.
À propos de l'auteur
Vladimir KRSMANOVIC
Diplômé d’un Master 2 en Études européennes à l’Université Sorbonne Nouvelle, Vladimir Krsmanovic a acquis une expérience professionnelle variée au sein d’une collectivité territoriale, d’un cabinet d’affaires publiques et de relations presse, ainsi que dans un think tank à Bruxelles en lien avec les institutions européennes. Passionné de géopolitique, il partage ses analyses sur des thématiques telles que le soutien de l’Union européenne à l’Ukraine dans le contexte de la guerre avec la Russie, la politique étrangère du Bélarus et l’activité de l’opposition démocratique bélarusse.