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La Serbie entre UE Russie et Chine : vers un futur État paria ?

Publié le 08/09/2025
4 min de lecture
Par Maxime Coulet
Europe

Dix mois après la tragédie de Novi Sad, la révolte ne faiblit pas en Serbie. En accusant des forces étrangères de vouloir faire tomber le régime, en s’alignant sur les positions sino-russes, Aleksandar Vučić devient problématique pour les ambitions européennes, tant au niveau des partenariats que de son intégration. 

Une situation à l’intérieur problématique pour l’extérieur

Aleksandar Vučić intensifie la répression face aux manifestations, qui continuent de prendre de l’ampleur. Après dix mois d’affrontements, le risque sécuritaire a franchi un cap. La répression a évolué vers le pire. Les manifestations, longtemps pacifiques, sont largement réprimandées par les forces de l’ordre et affrontent régulièrement les partisans du gouvernement. Devant l’absence de réaction ferme des institutions européennes, le président serbe, qui a longtemps joué les équilibristes, se retrouve en difficulté : il doit maintenir une position non conflictuelle vis-à-vis de Bruxelles, tout en refusant de céder le pouvoir et de faire des compromis face à la contestation.

Au contraire, après avoir tenté de contre-attaquer par l’intermédiaire des ćaci (« étudiants » pro-régime), en organisant des contre-manifestations et des marches pacifiques affichant son soutien, il s’est enfermé dans le narratif de la « révolution de couleur » orchestrée par une propagande étrangère. Un discours qui n’est pas sans rappeler ceux de la Russie et de la Chine, dont il se veut un partenaire stratégique. Aleksandar Vučić s’est d’ailleurs rendu à Pékin pour le grand défilé militai

re de Xi Jinping, mettant en avant ses nombreux partenariats avec Moscou comme avec Pékin, et continuant de se dresser face aux pressions européennes.

Belgrade partenaire de l’ « Axe du Bouleversement » ?

Non seulement le rapprochement se poursuit entre Belgrade et l’axe sino-russe, mais il est fort probable qu’une place de choix attende la Serbie au sein de la coalition anti-occidentale. La proximité est d’abord idéologique, avec un président serbe qui fustige le « wokisme » de Bruxelles et se réclame garant des traditions et du conservatisme. La Serbie se présente également comme le chantre de l’orthodoxie européenne auprès de Moscou. Pour Pékin, elle constitue un maillon essentiel des Nouvelles Routes de la Soie et lui offre une position d’influence au cœur même de l’Europe.

L’opposition serbe, de son côté, en appelle à l’Union européenne, qui souhaite intégrer les pays des Balkans occidentaux pour des raisons évidentes de stabilité. Elle demande à Bruxelles de prendre à bras-le-corps le conflit avec les étudiants, après dix mois de manifestations, de blocages et de répression. Mais l’UE se retrouve face à un dilemme : sanctionner l’attitude autoritaire de Belgrade, au risque de pousser la Serbie définitivement dans l’orbite russo-chinoise, ou maintenir le dialogue malgré la dérive illibérale. Au Parlement européen, seules quelques formations, comme les Verts et les Socialistes, se sont insurgées contre les violences policières envers les manifestants. Par ailleurs, l’UE doit composer avec sa dépendance économique, puisqu’elle cherche à sécuriser son approvisionnement en lithium auprès de Belgrade.

Dans ce contexte, il est difficile d’imaginer que la Serbie devienne un véritable État paria. L’UE perdrait beaucoup à voir Belgrade tomber définitivement dans les bras de la Chine et de la Russie. C’est surtout la personnalité d’Aleksandar Vučić qui constitue un problème, d’autant plus qu’il a consolidé un système corrompu à tous les niveaux, renforçant son emprise sur le pays. La timidité des Européens s’explique à la fois par leurs intérêts économiques en Serbie et par leur volonté d’intégrer une région hautement stratégique. Et la stratégie d’Aleksandar Vučić place la Serbie à la croisée des chemins entre l’Union européenne, la Russie et la Chine.

Le bloc qui entend bouleverser l’ordre mondial (« Axis of Upheaval ») trouve un intérêt certain dans le chaos qui règne en Serbie. Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’un processus de déstabilisation semblable est en cours en Bosnie-Herzégovine, où la Republika Srpska remet en cause la politique du Haut-Représentant, garant des fragiles accords de paix de Dayton. Une remise en cause largement soutenue par Aleksandar Vučić et Vladimir Poutine.

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