L’Union Européenne agit face à l’imprévisibilité de Donald Trump

Des relations continuellement complexes
Les réseaux sociaux sont le théâtre de l’affrontement diplomatique transatlantique. Sur X, des échanges houleux se sont déroulés le 2 mai dernier.
Marco Rubio, Secrétaire d’État américain aux affaires étrangères, critiquait le service de renseignement intérieur d’Allemagne qui a qualifié l’AFD, comme ayant « des aspirations contre l’ordre fondamental libéral et démocratique ». Monsieur Rubio a parlé de « tyrannie déguisée ». Le compte X du ministère des affaires étrangères de l’Allemagne a rapidement répondu : « C’est ça la démocratie. Cette décision est le fruit d’une enquête approfondie et indépendante visant à protéger notre Constitution et l’État de droit. Ce sont des tribunaux indépendants qui auront le dernier mot. L’histoire nous a appris qu’il faut mettre un terme à l’extrémisme de droite ». De plus, les services de renseignement européens éprouvent une réelle inquiétude vis-à-vis de l’avenir des relations avec les États-Unis, depuis le début du second mandat de Donald Trump. Ursula von der Leyen et Emmanuel Macron ont initié « Choose Europe for Science », sommet qui a eu lieu le 5 mai. La présidente de la Commission européenne a annoncé un financement à hauteur de 500 millions d’euros dans le domaine de la recherche pour la période 2025-2027, « afin de faire de l’Europe un pôle d’attraction ». Indirectement, le but est d’attirer les scientifiques américains, également ceux qui souhaitaient rejoindre les États-Unis. Ils sont empêchés par une réticence globale de la science par l’administration Trump. Le président français a été plus explicite : « Personne n’aurait pu imaginer, il y a quelques années, qu’une des plus grandes démocraties du monde allait supprimer des programmes de recherche sous prétexte qu’il y avait le mot diversité dans ce programme (…) Personne ne pouvait penser que cette très grande démocratie du monde, dont le modèle économique repose si fortement sur la liberté de la science et de l’innovation (…) allait commettre une telle erreur. Mais nous y sommes. (…) Personne ne pouvait penser que cette très grande démocratie du monde, dont le modèle économique repose si fortement sur la science libre, sur l’innovation (…) allait faire une telle erreur. Mais nous en sommes là. » Selon Kyiv Independant, les pays européens tentent de mettre la pression sur l’administration Trump, dans le but d’arrêter « la politique d’apaisement » envers la Russie, appelant plutôt pour une « position résolue ». La déclaration est signée par les présidents des commissions des affaires étrangères de plusieurs pays appartenant à l’UE (France, République tchèque, Lituanie, Lettonie, Estonie) ainsi que de l’Ukraine et du Royaume-Uni. Le 17 avril, Marco Rubio, Secrétaire d’État américain, et Steve Witkoff, envoyé spécial de Donald Trump, étaient à Paris pour rencontrer Emmanuel Macron ainsi que des représentants allemands, britanniques et ukrainiens. « Nous redoublons d’efforts pour la paix en Ukraine et au Proche-Orient. La coordination entre alliés est cruciale » précise le Président français. Un couac a récemment eu lieu. Des discussions prévues à Londres le 23 avril entre les États-Unis, l’Ukraine et des représentants européens, visant à explorer des solutions pour mettre un terme à l’invasion à grande échelle menée par la Russie. Invité, le secrétaire d’État américain Marco Rubio a annulé sa venue et a été remplacé par Keith Kellogg. Cela est dû à des différences de points de vue entre les États-Unis et l’Ukraine, concernant un plan de paix et de possibles concessions territoriales. Dans la continuité de volonté — forcée — d’indépendance face aux États-Unis, les députés européens ont voté un programme de développement de l’industrie de défense, le 24 avril dernier. Le programme s’intitule EDIP, qui a pour but « d’assurer la préparation industrielle de défense en comblant l’écart entre les mesures d’urgence à court terme ». À l’occasion de la cérémonie d’hommage au décès du Pape François, au Vatican le samedi 26 avril, une rencontre s’est déroulée entre Emmanuel Macron, Donald Trump, Volodymyr Zelensky et Keir Starmer. « Échange positif » selon l’Elysée, le président des Etats-Unis a lui évoqué sur Truth social de possibles sanctions à la Russie suite à des bombardements en Ukraine : « Poutine ne veut peut-être pas arrêter la guerre ». Ursula von der Leyen a pu également croiser Donald Trump (ce dernier l’a qualifié de « fantastique »). En Turquie, la semaine du 12 mai, des discussions sur un cessez-le-feu proposées par l’Occident ont eu lieu, avec des représentants russes et ukrainiens, première fois depuis trois ans. Volodymyr Zelensky s’est déplacé, au contraire de Vladimir Poutine, pour discuter avec le président turque, Erdogan. De plus, le Secrétaire d’État Marco Rubio était présent et a notamment consulté des représentants allemands et français, concernant sur l’Ukraine mais aussi sur le nucléaire iranien. Jean-Noël Barrot a rencontré le sénateur américain Lindsey Graham et a déclaré sur X : « nous sommes prêts à intensifier les sanctions si la Russie continue à faire obstacle à la paix ». À plusieurs reprises, les dirigeants européens, Emmanuel Macron, Friedrich Merz, Donald Tusk ou encore Keir Starmer et Volodymyr Zelensky ont eu ensemble, à Kiyv et en Albanie, Donald Trump au téléphone. Ils ont dénoncé notamment le manque de volonté russe concernant un cessez-le-feu. Les appels sans Georgia Meloni auraient déplu à la dirigeante italienne, selon The Telegraph. Malgré tout, le président Trump a eu au téléphone Vladimir Poutine, le lundi 19 mai, au terme d’un appel de deux heures. Suivi de cela, un debrief du président américain avec celle de la Commission européenne, accompagnée des dirigeants français, allemand, italien et finlandais, a eu lieu. Ce débriefing collectif visait à renforcer la cohésion entre les différents acteurs. Hors Ukraine, d’autres divergences sont toujours à signaler. Les Européens, présents en 2015 lors de l’accord sur le nucléaire iranien, semblent être mis de côté des discussions autour des négociations nucléaires de l’Iran. Par contre, les États-Unis deviennent les principaux interlocuteurs des iraniens. Également au Moyen-Orient, une déclaration française, britannique et allemande presse Israël à autoriser le retour de l’aide humanitaire à Gaza. Le pays hébreu, de manière coordonnée avec les États-Unis, la bloque depuis quelques semaines. L’administration Trump semble souhaiter une division de l’Union Européenne, privilégiant les accords bilatéraux qu’au multilatéralisme. Il faut remarquer une certaine prudence des dirigeants européens, qui évitent de citer Donald Trump. Connaissant le tempérament du dirigeant américain, ils souhaitent garder les liens transatlantiques. La première ministre italienne, Giorgia Meloni, aux États-Unis jeudi 17 avril, a proposé un sommet Union Européenne – États-Unis à Donald Trump. Mais la relation étroite qu’elle entretient avec Donald Trump suscite une certaine réserve parmi ses partenaires européens. D’ailleurs, le ministre français de l’Industrie, Marc Ferracci, a exprimé son souhait de préserver une approche concertée, soulignant que des initiatives bilatérales pourraient fragiliser la dynamique de coopération actuellement en place. À Rome, le dimanche 18 mai, La première ministre italienne a réuni JD Vance et Ursula von der Leyen. Elle entend « apporter sa contribution pour relancer le dialogue entre l’Union européenne et les États-Unis : deux entités appelées à affronter ensemble les grands défis mondiaux ». Le vice-président américain confirme ce propos : « L’une des propositions de la Première ministre [Giorgia] Meloni, que le président [Donald Trump] et moi-même avons volontiers acceptée, est que l’Italie joue un rôle de pont entre l’Europe et les États-Unis ». Quant au nouveau chancelier allemand, Friedrich Merz, officiellement depuis le 6 mai – après un second vote au Bundestag, le premier a échoué de façon inédite -, a continué les prises de positions de distance des Etats-Unis : « Je voudrais encourager et encourager le gouvernement américain à laisser la politique intérieure en Allemagne comme politique intérieure et à rester largement en dehors de ces considérations politiques partisanes », suite à une interview au média allemand, ZDF. Friedrich Merz a critiqué indirectement la position de Donald Trump concernant la résolution du conflit entre l’Ukraine et la Russie : « Nous ne sommes pas un tiers non impliqué ou un médiateur entre deux adversaires. Nous nous tenons sans équivoque du côté de l’Ukraine ! ». Il a d’ailleurs rencontré Emmanuel Macron, le mercredi 7 mai à Paris. Alors que l’Allemagne est sous parapluie nucléaire américain depuis des décennies, le chancelier allemand Merz dit « parler avec la France et le Royaume-Uni […] comme complément à ce que nous avons déjà avec nos partenaires américains au sein de l’OTAN ». Concernant l’issue de la guerre en Ukraine, le chancelier précise que « La guerre en Ukraine ne prendra pas fin sans encore plus d’engagement politique et militaire des Etats-Unis, les Européens ne peuvent pas s’y substituer ». Si cessez-le-feu, il « devrait être garanti par une participation des Etats-Unis ». Face à la pression de Donald Trump, l’Union Européenne tente de diversifier ses relations commerciales. Plusieurs récents exemples. En avril dernier, l’Union Européenne a réalisé son premier sommet avec des pays de l’Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan, Turkménistan et Ouzbékistan). Le but est de développer les relations économiques, militaires et donc commerciales. La récente élection de Mark Carney à la tête du Canada, pays menacée par les Etats-Unis, est qualifiée d’opportunité pour l’Union Européenne. Ursula von der Leyen l’affirme sur X : « l’occasion idéale de réaffirmer la force du lien Union Européenne / Canada et les nombreuses opportunités qui s’offrent à nous. Nous avons discuté de la manière de tirer parti du succès du CETA et avons convenu d’explorer une coopération plus approfondie en matière de défense et de sécurité économique. ». Le 15 mai, un Conseil des affaires étrangères avec des représentants des pays de l’Union Européenne sur les relations commerciales transatlantiques a eu lieu. « Nous nous réunissons à mi-parcours de la pause décidée à la fois par l’UE et les États-Unis pour réfléchir aux aspects potentiellement difficiles de nos relations commerciales. Nous sommes déterminés à tirer le meilleur parti du temps qui nous reste. L’Europe, c’est construire des ponts, pas des murs. Notre approche consiste à négocier, mais aussi à préparer un plan B » a expliqué Michał Baranowski, sous-secrétaire d’État au ministère polonais chargé des questions commerciales. Rajouté à cela, l’UE et le Royaume-Uni se sont largement rapprochés, lié à plusieurs rencontres, dont un sommet le 19 mai permettant partenariats et accords. En effet, il existe une volonté de continuer l’aide à l’Ukraine et de faire face aux excès de la politique de Trump. Malgré tout, le Royaume-Uni et les États-Unis ont récemment signé un accord de libre-échange. D’ailleurs, Emmanuel Macron a plaidé pour une harmonisation de la réglementation financière européenne avec celle des États-Unis et du Royaume-Uni. Lors de leur entrevue au Vatican fin avril, la cheffe de l’exécutif européen et le président américain ont convenu de se rencontrer au « bon moment ». Logiquement, une clarification des positions sur les tarifs douaniers et commerciaux ainsi que sur la guerre en Ukraine est à prévoir. La Présidente de la Commission Européenne a rencontré JD Vance, le dimanche 18 mai et affirmait que « ce qui nous unit, c’est que nous voulons tous deux un bon accord pour les deux parties ». Suite au revirement de Donald Trump sur les droits de douanes, Washington et Bruxelles discutent sur de possibles accords. La Commission européenne envisagerait des mesures pouvant concerner jusqu’à 100 milliards d’euros de biens en provenance des États-Unis, si les négociations n’aboutissent pas. Continuité des pourparlers de paix au sujet de la Guerre en Ukraine
Des rencontres et déclarations, sans véritables actes à cause de l’ambiguïté américaine
Prise de positions de plusieurs leaders européens au sujet de l’administration Trump
L’atlantiste Frederic Merz souhaite l’indépendance de l’Union Européenne face aux Etats-Unis
Évolution des relations commerciales de l’Union Européenne
Quid des droits de douane ?
À propos de l'auteur
Thibaut Eudier
Je suis diplômé de plusieurs Masters (administration publique, communication, relations internationales) et j'ai plusieurs expériences professionnelles (en relations presse, chez Keolis et France Médias Monde). J'ai également effectué de nombreux travaux universitaires : ingérences étrangères, stratégies de communication en Occident, relations diplomatiques entre l'Union Européenne et les Etats-Unis sous l'ère de G.W.Bush,...
Articles à lire dans cette rubrique
La Serbie entre UE Russie et Chine : vers un futur État paria ?
Aucun extrait disponible
Les hommes de 18 à 22 ans peuvent-ils enfin quitter l’Ukraine ?
Aucun extrait disponible
Le Sommet UE-RU et la visite d’Etat d’E. Macron au Royaume-Uni
Aucun extrait disponible
Newsletter
Recevez nos analyses géopolitiques directement dans votre boîte mail
Pas de spam, désabonnement en un clic