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Alliance Croatie – Kosovo – Albanie : Vrai Pacte ou Provocation ?

Publié le 27/03/2025
6 min de lecture
Par Maxime Coulet
Europe

Les trois pays ont signé le 18 mars dernier à Tirana une alliance définie comme défensive, visant à accroître leurs capacités militaires par le biais de la coopération industrielle, de la formation, d’exercices en commun, ou encore de partage d’information. Le texte mentionne également le soutien à la perspective du Kosovo de rejoindre l’OTAN, dont la Croatie et l’Albanie font déjà partie.

Les réactions ne se sont pas faites attendre, notamment en Serbie, où l’on voit cette alliance comme une provocation pointée vers Belgrade. Le président serbe Aleksandar Vučić l’a qualifié de « course aux armements dans la région ». Le ministre des Affaires étrangères serbe y voit lui une stratégie visant à isoler la Serbie. Plusieurs médias serbes ont d’ores et déjà évoqué une contre-alliance avec la Hongrie et la Slovaquie.

De son côté, l’OTAN a annoncé ne pas avoir été impliqué dans un quelconque processus de consultation concernant cette déclaration.

Quelle analyse peut-on faire, à chaud, de cette annonce ?

La réaction serbe à cette alliance n’a rien de surprenant. Les trois pays savaient pertinemment que leur initiative susciterait la méfiance, d’où leur insistance à la présenter comme purement défensive. On peut douter d’une prétendue naïveté face à l’ampleur des réactions côté serbe.

Cette alliance incarne aussi la nouvelle dynamique des relations internationales depuis le début de la guerre en Ukraine, avec des nations qui envisagent et se préparent au pire, redoutant que leurs voisins, avec lesquels elles entretiennent des relations tumultueuses depuis des décennies, ne cherchent à saper leurs intérêts. Cette façon de traiter les affaires internationales, axée sur une certaine « paranoïa » (paranoïa qui peut s’expliquer et se comprendre selon le contexte) n’est pas propre aux Balkans ; elle se retrouve partout dans le monde.

Tandis que le dialogue entre Pristina et Belgrade est au point mort et que la Republika Srpska affiche de son côté des ambitions sécessionnistes en Bosnie, les tensions dans les Balkans ne cessent de croître. Pourtant, on peut espérer que le souvenir de la guerre des années 90 agira comme un frein pour empêcher la région de sombrer dans le chaos. Pour le moment, les tensions restent verbales, mais une éventuelle contre-alliance, évoquée dans les médias, entre la Serbie, la Hongrie et la Slovaquie pourrait renforcer les logiques de bloc et compromettre encore les tentatives de dialogue.

À ma connaissance, ni les États-Unis ni l’Union Européenne n’ont encore réagi à cette alliance, qui n’est pour l’instant qu’un document politique et ne semble pas avoir d’effet contraignant pour les parties. L’Union Européenne marche de toute façon sur des œufs concernant les pays de Balkans Occidentaux, par peur de saper l’ « unité » qu’elle cherche à insuffler dans la région. L’administration américaine, elle, ne devrait s’émouvoir de la situation que lorsque les intérêts personnels de ses membres seront remis en question.

À quels défis de sécurité les Balkans sont-ils confrontés ?

Bien que la paix soit revenue dans les Balkans, les tensions demeurent palpables, notamment entre Serbes et Bosniaques musulmans, ainsi qu’entre Serbes et Albanais. Les tentatives de dialogue, dans un but précis, qui est celui d’intégrer l’Union Européenne, sont nombreuses mais souvent désordonnées. Les pays des Balkans Occidentaux sont également pris dans la confrontation entre Bruxelles et Moscou, la Serbie restant le seul d’entre eux à se positionner contre les sanctions européennes envers le Kremlin.

La question du Kosovo reste évidemment centrale, avec le soutien de la Russie à la Serbie, contrairement aux membres de l’UE (sauf cinq d’entre eux) et aux États-Unis. Surveillons aussi la position de la Hongrie, symbolisée par la forte entente entre Viktor Orban et Aleksandar Vučić, alors que Budapest, qui a reconnu l’indépendance du Kosovo en 2008, a clairement fait savoir en 2023 qu’il voterait contre l’adhésion de Pristina à l’Union Européenne.

La situation en Bosnie est également très préoccupante, alors que la Republika Srpska a récemment accéléré ses tentatives sécessionnistes, au risque de replonger le pays dans le chaos. Enfin, il faut noter que le document signé le 18 mars vise aussi à se protéger des ingérences étrangères (principalement russes), dans un contexte géopolitique tendu et dans une région où les étincelles se sont parfois transformées en brasier.

Quelles sont les conséquences directes de cette alliance ?

Selon le ministre de la Défense du Kosovo, Ejup Maqedonci, cette alliance vise à envoyer un message de dissuasion à ceux qui menaceraient la sécurité et la stabilité dans les Balkans Occidentaux. Qui vise-t-il en prononçant ces mots, sinon la Serbie et ses partenaires ?

Les Serbes, quant à eux, accusent cette alliance de violer les termes de l’accord de Florence de 1996, qui limitait le nombre de matériels et véhicules d’artillerie et permettait leur inspection par les signataires. Cependant, l’Albanie n’est pas partie à cet accord parmi les signataires de la nouvelle alliance.

La vraie conséquence, c’est que cette annonce refait émerger les tensions entre Serbes et Croates, après plusieurs années de politiques de réconciliation, notamment par le biais de l’accord bilatéral de coopération militaire entre les deux pays en 2010. Ces dernières heures, Aleksandar Vučić a d’ailleurs limogé son ambassadrice en Croatie sans explication. On peut imaginer que qu’elle n’a pas su prévenir le président à temps de l’imminence de cette annonce. Le ministre croate de la défense a lui prévenu que « le temps où nous demandions à Belgrade ce que nous allions faire est passé. »

Concernant la mise en place de cette alliance, il arrive souvent que ce type d’accord entre en conflit avec d’autres accords déjà signés et plus contraignants. En tant que membres de l’OTAN, la Croatie et l’Albanie devront sans doute se conformer à l’harmonie des décisions prises au sein de celle-ci. Quant à l’OSCE (Organisation for Security and Cooperation in Europe), elle aura certainement son mot à dire, étant en charge de la mise en œuvre des programmes régionaux de maîtrise des armements depuis la fin de la guerre.

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Maxime Coulet

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