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L’intégration européenne de la Bosnie relancée ?

Publié le 13/10/2025
5 min de lecture
Par Maxime Coulet
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Marta Kos donne un discours pour l’intégration européenne de la Bosnie

Marta Kos donne un discours pour l’intégration européenne de la Bosnie

La commissaire européenne à l’Élargissement, Marta Kos, s’est rendue à Sarajevo fin septembre 2025. Cette visite s’inscrivait dans le cadre du suivi de l’intégration européenne de la Bosnie et visait à encourager les autorités bosniennes à adopter le programme de réformes, préalable indispensable pour bénéficier du Plan de croissance de l’Union européenne. La Bosnie était alors le dernier pays des Balkans occidentaux à ne pas avoir validé cet agenda, contrairement à ses cinq voisins qui l’avaient adopté dès décembre 2024.

L’agenda des réformes adopté de justesse

Ce retard tend à isoler davantage la Bosnie-Herzégovine dans un contexte où plusieurs pays voisins avancent à un rythme plus soutenu vers une intégration plus profonde, renforçant leur crédibilité vis-à-vis de Bruxelles. Ce retard a coûté à Sarajevo environ 100 millions d’euros d’aides européennes et empêchait le déblocage des fonds prévus par le Growth Plan. Ce dernier s’inscrit dans la nouvelle stratégie de croissance pour les Balkans occidentaux, lancée en 2024, qui vise à rapprocher progressivement les économies régionales du marché unique européen avant même l’adhésion. D’autre part, la paralysie institutionnelle qui touche le pays depuis de nombreuses années, alimentée par l’usage fréquent du veto au Conseil des ministres, illustre les divisions politiques structurelles du pays. Après plusieurs mois d’impasse, la Bosnie a finalement adopté le programme de réformes, quelques jours avant la date limite fixée au 30 septembre 2025.

La visite de Marta Kos visait à donner un nouvel élan à l’intégration européenne de la Bosnie, mais aussi à exercer une pression politique directe sur les dirigeants du pays. En se rendant à Sarajevo peu avant l’échéance, la commissaire européenne a contribué à débloquer une situation restée figée pendant plus d’un an. Cette intervention semble donc avoir eu un impact tangible, alors que l’objectif était aussi de renforcer le poids politique de l’Union européenne sur le terrain. Au-delà des aides financières, Mme Kos a rappelé que l’enjeu principal résidait dans la mise en œuvre effective des réformes prévues : lutte contre la corruption, indépendance de la justice, éducation, transition numérique et écologique…

Une dynamique encore fragile

Ces chantiers représentent une véritable opportunité de modernisation pour la Bosnie-Herzégovine. Toutefois, c’est un euphémisme de dire que la dynamique reste fragile. Les tensions persistantes entre le gouvernement central et la Republika Srpska constituent le principal frein à l’avancement vers l’Union européenne. Les initiatives séparatistes de Milorad Dodik ont largement ravivé le spectre des divisions ethniques et remettent en question les équilibres issus des accords de Dayton, signés il y a près de trente ans. Et dans les faits, l’introduction d’un véritable État de droit inquiète une partie de la classe politique, qui redoute les poursuites judiciaires et la disparition d’un système fondé sur la corruption, le clientélisme et le chantage.

Cette dépendance institutionnelle profite à certains acteurs politiques qui misent sur la lassitude des citoyens face à la complexité des réformes pour maintenir le statu quo. Une partie importante de la population bosnienne reste pourtant attachée à l’idée européenne, mais exprime une lassitude croissante face à une classe politique perçue comme responsable du blocage des réformes. Ce décalage entre aspirations citoyennes et pratiques politiques constitue l’un des défis majeurs de la trajectoire européenne du pays.

Si la Bosnie parvient à transformer cette adoption tardive en véritable dynamique réformatrice, elle pourrait redonner de la crédibilité à son parcours européen. Mais sans sursaut politique interne, le risque est grand de voir l’élan actuel s’essouffler. L’intégration européenne de la Bosnie-Herzégovine devra, quoi qu’il en soit, dépasser le spectre du séparatisme pour avancer à pas plus sereins.

L’adoption tardive de l’agenda de réformes illustre à la fois les fragilités structurelles de la Bosnie-Herzégovine et la persistance d’un système politique fondé sur la paralysie institutionnelle. Si le pays parvient à enclencher la mise en œuvre effective de ces réformes, il pourrait amorcer un véritable tournant dans sa trajectoire européenne et redonner confiance à une population souvent désabusée.

Cependant, cette dynamique restera tributaire de la volonté politique des élites locales et de la capacité de Bruxelles à maintenir une pression constante sans nourrir de ressentiment. L’Union européenne se trouve elle aussi face à un dilemme : encourager la Bosnie à avancer, sans donner le sentiment d’imposer un modèle. La route vers l’Europe demeure longue et semée d’embûches, mais cette fois, le signal de départ semble enfin donné.

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Maxime Coulet

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