Balkans
UE

Crise Politique en Bosnie, Virage Diplomatique en Macédoine du Nord : Mutations et Secousses dans les Balkans Occidentaux

Publié le 12/03/2025
5 min de lecture
Par Maxime Coulet
Europe

Virage diplomatique en Macédoine du Nord

C’est la nouvelle tendance des relations internationales. Le virage diplomatique redéfinit sans cesse la scène mondiale. Avec l’émergence des politiques nationalistes, le clivage symbolisé par la guerre en Ukraine et la lutte entre conservateurs et progressistes, les différents acteurs continuent de renverser leurs positions, même historiques.

Dernière en date, la Macédoine du Nord semble également amorcer ce tournant diplomatique en s’éloignant progressivement de l’Union européenne. D’abord co-signataire de la lettre intitulée “Promotion d’une paix globale, juste et durable en Ukraine” présentée à l’ONU le 24 février 2025, dans laquelle l’Ukraine était présentée comme le pays agressée, elle a rejeté (aux côtés des États-Unis et de la Russie) la proposition d’amendement au texte américain “Le chemin vers la paix”. Cette proposition française visait à remplacer les termes « conflit russo-ukrainien » par « invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Fédération de Russie.»

Le gouvernement de Hristijan Mickoski affiche donc une posture plus autonome sur la scène internationale, proche du Trumpisme, dans laquelle la guerre doit s’arrêter au plus vite, sans garantie durable ni sanction envers la Russie.

Parallèlement, les rapprochements avec la Hongrie de Viktor Orbán et la Turquie de Recep Tayyip Erdoğan se multiplient, notamment au travers d’accords économiques et politiques. Le Président du Gouvernement Macédonien adopte une stratégie souverainiste, cherchant, à l’image de la Serbie, un équilibre bancal entre Washington et Bruxelles, tout en renforçant ses liens avec le bloc conservateur international.

Un recentrage diplomatique qui pourrait ralentir encore le processus d’intégration européenne, dans un contexte de fatigue générale autour de ce même processus. Avec ses difficultés à peser dans les négociations américano-russo-ukrainienne, l’Union Européenne semble aussi perdre du terrain dans certaines régions des Balkans Occidentaux.

Toujours pas de gouvernement au Kosovo

Albin Kurti, vainqueur des législatives du 9 février au Kosovo avec son mouvement Vetëvendosje ! (Autodétermination !), peine à rassembler une majorité parlementaire. Arrivé en tête avec 48 sièges sur 120, donc sans majorité, il exclut pour le moment toute alliance avec l’opposition albanaise de centre-droit (PDK et LDK), qui refuse également de coopérer avec lui. Il mise donc sur le soutien des minorités non-serbes (Bosniaques, Gorans, Ashkalis, Roms, Turcs…), mais même en bénéficiant de ces appuis, il lui manquerait encore plusieurs voix pour atteindre les 61 sièges nécessaires.

Dans ce contexte, différents scénarios peuvent émerger, notamment la négociation individuelle avec des députés de l’opposition, ou encore une union de l’opposition contre Vetëvendosje, mais une telle coalition serait très hasardeuse au vu des tensions entre les différents partis Albanais. Selon ces scénarios, les différends avec la partie Serbe, qui boycotte les institutions du pays, devraient continuer, alors qu’Albin Kurti a plusieurs fois été repris par la communauté internationale pour son manque de compromis envers cette minorité qui entend toujours dépendre de Belgrade.

La Bosnie de nouveau à l’épreuve du séparatisme

Il y a quelque temps, nous avions publié une interview d’Alen Gudalo, coordinateur de programme pour le suivi de l’Intégration Européenne de la Bosnie-Herzégovine. Il nous avouait que le déclenchement de la Guerre en Ukraine avait repoussé les risques de guerre civile en Bosnie, sur fond de séparatisme de la Republika Srpska. Aujourd’hui, il semble que ces risques ressurgissent, alors même que l’on tente de négocier la paix en Ukraine.

En cause, le verdict condamnant Milorad Dodik, le Président de la Republika Srpska à un an de prison pour être allé à l’encontre du Haut-Représentant, l’Allemand Christian Schmidt, ce qui est considéré comme un acte criminel. Ce verdict a conduit Milorad Dodik à promulguer plusieurs lois polémiques visant à interdire le fonctionnement des institutions sécuritaires et judiciaires au niveau de l’État. Ces lois sont vues comme une tentative de sécession de la Republika Sprska, tentative que l’administration Biden avait dénoncé en révélant l’existence d’un groupe de travail destiné à préparer un plan de « sécession pacifique. »

Les États-Unis, par la voix du Secrétaire d’État Marco Rubio, et l’Union Européenne, ont largement critiqué la volonté de Milorad Dodik de vouloir saper la paix issue des accords de Dayton de 1995, tandis que le Président Serbe Aleksandar Vučic, en proie à d’historiques protestations dans son pays, s’est tenu aux côtés du Président de la Republika Srpska pour fustiger le fait que les Serbes n’avaient reçu qu’un “flot d’insultes pathologiques à leur demande de pourparlers à la population de Sarajevo.”

Cette situation marque une nouvelle étape dans la difficulté de dialogue entre les populations serbes d’un côté, croates et bosniaques de l’autre, et ravive surtout les fantômes du passé, avec le risque d’une instabilité qui pourrait conduire à un conflit à grande échelle.

À propos de l'auteur

Maxime Coulet

Maxime Coulet

Biographie non renseignée

Auteur vérifié

Articles à lire dans cette rubrique

En savoir plus
Albanie
Balkans
+ 1
il y a 13 jours

Une ministre virtuelle en Albanie !

Aucun extrait disponible

En savoir plus

Recevez nos analyses géopolitiques directement dans votre boîte mail

Pas de spam, désabonnement en un clic