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Le Sommet UE-RU et la visite d’Etat d’E. Macron au Royaume-Uni

Publié le 11/07/2025
6 min de lecture
Par Jay Thénot-Wrobel
Europe

Cinq ans après le Brexit, les relations entre Londres et Bruxelles franchissent un cap décisif. D’un côté, le premier sommet UE-Royaume-Uni, tenu le 19 mai 2025 à Lancaster House, a rouvert la voie d’un dialogue institutionnalisé. De l’autre, la visite d’État d’Emmanuel Macron au Royaume-Uni, du 8 au 10 juillet, a donné un relief symbolique à ce rapprochement naissant. Les deux séquences, étroitement imbriquées, esquissent un « reset » pragmatique : sécuritaire, sectoriel et, pour l’heure, soigneusement calibré pour ne pas heurter les lignes rouges britanniques.

Le sommet du 19 mai 2025 : un nouveau contrat politique

Lorsque Keir Starmer accueille Ursula von der Leyen et António Costa à Londres, respectivement la présidente de la Commission européenne et le président du Conseil, il s’agit du premier sommet européen depuis la sortie effective du Royaume-Uni de l’UE. Les trois dirigeants y annoncent « un nouveau partenariat stratégique », présenté comme la réponse commune à un environnement géopolitique « plus complexe et instable ». Dans la presse, le rendez-vous est décrit comme l’acte inaugural de la réconciliation promise par le chef du gouvernement travailliste dès son arrivée à Downing Street, en juillet 2024.

Trois textes forment l’ossature de ce rapprochement :

yDqkn" target="_blank" rel="noopener">La déclaration conjointe des dirigeants fixe l’ambition d’une relation « ambitieuse et dynamique », tout en réaffirmant le rôle fondamental de l’Accord de retrait et de l’Accord de commerce et de coopération (TCA en anglais) comme garde-fous juridiques.

La Common Understanding, négociée entre la Commission et Londres, décline un agenda de coopération renouvelé : soutien accru à l’Ukraine, perspective d’un accord SPS pour les produits agro-alimentaires, étude d’un lien entre le marché européen de l’électricité et le système britannique, et relance d’initiatives en faveur de la jeunesse ; notamment un visa “youth experience” et la possible ré-adhésion à Erasmus+.

Le Security and Defence Partnership (SDP), signé en marge du sommet, érige la sécurité en moteur de la relation. Le texte affirme que « l’UE et le Royaume-Uni partagent la responsabilité de la sécurité de l’Europe » et prévoit des dialogues semestriels entre ministres, la participation potentielle du Royaume-Uni aux missions de Politique, de Sécurité et de Défense commune (PSDC), ainsi qu’une coopération renforcée dans les domaines cyber, spatial et des infrastructures critiques.

Au-delà de ces piliers, les dirigeants entérinent plusieurs décisions concrètes : accès réciproque aux eaux de pêche jusqu’en 2038, mise en place de sommets annuels et de réunions Justice-Affaires intérieures ou Commerce tous les six mois, et engagement commun à lutter contre la migration irrégulière en renforçant la coopération avec Europol et Frontex.

La tonalité volontariste du sommet est résumée par António Costa : « Les accords que nous avons conclus aujourd’hui marquent un nouveau chapitre ; ils ne sont pas des paroles sur du papier, mais le reflet d’engagements communs ». Pourtant, la portée de ce « reset » reste encadrée : Keir Starmer maintient son refus de revenir dans le marché unique ou l’union douanière et se montre circonspect sur toute remise en cause du contrôle des frontières, rappelant la prudence qui domine encore le débat intérieur au Royaume-Uni.

La visite d’État d’Emmanuel Macron : mettre en scène la réconciliation

Moins de deux mois après le Sommet UE-RU du 19 mai, Emmanuel Macron devient le premier chef d’État de l’UE à effectuer une visite d’État au Royaume-Uni depuis 2020, la sortie effective du RU de l’UE. Le programme, calibré par Buckingham Palace, multiplie les symboles : accueil royal à Windsor, dépôt de gerbes devant les statues de Churchill et de Gaulle à Londres, discours au Parlement de Westminster et dîner d’apparat dans la salle St George’s Hall.

Cette scénographie relève autant de la diplomatie de la mémoire que de la consolidation politique : Paris et Londres veulent montrer que la coopération stratégique scellée le 19 mai est soutenue par les poids lourds européens. Au-delà de l’apparat, trois messages dominent :

Ukraine et sécurité européenne : la visite s’achève sur un sommet de la « coalition des volontaires » à Northwood, co-présidé par Emmanuel Macron et Keir Starmer, afin de coordonner une aide militaire accrue à Kiev, alors que le bouclier protecteur américain paraît moins fiable.

Innovation et transition verte : la seconde journée est dédiée à l’environnement, à la culture et à l’intelligence artificielle, avec une étape à l’Imperial College ; l’objectif est de bâtir un « corridor de l’innovation » franco-britannique.

Migration transmanche et nucléaire civil : Londres et Paris annoncent vouloir « accélérer la recherche de solutions pratiques » pour réduire les traversées illégales et approfondir la coopération sur l’atome, sans toutefois dévoiler de feuille de route détaillée.

Au-delà des sujets bilatéraux, la visite sert la stratégie européenne de Keir Starmer : en recevant le président français avant son homologue américain, le roi Charles III signale que le Royaume-Uni entend désormais traiter l’UE en partenaire prioritaire ; un « discret signal » adressé à Washington, note la presse britannique.

Tendances et points de vigilance

La séquence mai-juillet 2025 confirme une ré-institutionnalisation rapide de la relation UE-RU : sommets annuels, dialogues sectoriels, participation britannique possible aux instruments européens de défense (PESCO – Military Mobility, SAFE). La dimension sécuritaire apparaît comme le principal moteur ; elle fédère Londres, Paris et Bruxelles autour du soutien à l’Ukraine et de la résilience du continent.

Parallèlement, l’UE et le Royaume-Uni testent un alignement réglementaire sélectif : l’accord SPS envisagé pour l’agro-alimentaire et la discussion sur l’électricité pourraient préfigurer un modèle d’« intégration partielle ». Mais tout progrès dépendra de facteurs politiques internes : la montée de Reform UK et la capacité du gouvernement Starmer à convaincre qu’un rapprochement contrôlé ne remet pas en cause la souveraineté gagnée avec le Brexit.

Enfin, le levier “soft power”, Erasmus+, visas jeunesse, culture, sera crucial pour ancrer ce nouveau départ dans l’opinion publique. La réussite ou l’échec des négociations annoncées d’ici fin 2025 servira de baromètre à la durabilité du « véritable espoir » salué par la presse, face au risque d’un simple « affichage sentimental ».

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Jay Thénot-Wrobel

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