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Diplomatie russe en Afrique et en Asie – Point de situation au 24/12/24

Publié le 24/12/2024
5 min de lecture
Par Enzo PADOVAN
Russie

Le 18 novembre, la Russie a utilisé son droit de véto afin de contrer une proposition de résolution au Conseil de Sécurité de l’ONU, qui portait sur la situation au Soudan. En effet, les affrontements entre le gouvernement de Khartoum et les Forces de Soutien Rapide, groupe paramilitaire rebelle, se poursuivent principalement dans le sud du pays, entraînant de lourdes conséquences humanitaires pour la population locale (près de 11 millions de réfugiés, selon les Nations Unies).

La résolution avait donc pour principal objectif d’imposer un meilleur contrôle sur les deux belligérants du conflit, et d’assurer un meilleur approvisionnement de l’aide humanitaire dans les zones les plus touchées. De plus, les deux parties devaient être tenues de respecter les engagements contenus dans la Déclaration de Djeddah, qu’elles ont toutes deux ratifiée en mai 2023. Ainsi, le véto russe a provoqué une vague d’indignation chez les délégations occidentales, qui ont accusé Moscou d’ignorer les conséquences humanitaires de la guerre.

Néanmoins, le service de presse des Nations Unies a rapporté la défense russe : le Kremlin s’est justifié en pointant du doigt le choix «absurde» de mettre sur un pied d’égalité les FSR et le gouvernement soudanais, un point sur lequel l’Algérie comme la Chine avaient émis des réserves. La Russie a également déclaré qu’une ouverture des frontières soudanaises pourrait entraîner des conséquences inattendues. En effet, d’après Moscou, les corridors humanitaires pourraient également devenir des

points de passage pour le trafic d’armes, le Soudan étant devenu une plaque tournante de ce commerce illégal, tel que rapporté par Amnesty International.

Le véto russe a rouvert les débats autour d’une potentielle réforme du Conseil de Sécurité, désirée par de nombreux Etats-membres. Mais là où la Russie et d’autres puissances régionales espèrent augmenter le nombre de membres permanents, d’autres pays ont dénoncé la politisation grandissante de ce droit de véto. La Malaisie, par exemple, a déclaré que le droit de véto des 5 membres permanents ne devrait pas être utilisé dans des cas de crimes contre l’humanité ou de génocide (ce qui s’applique au Soudan comme en Israël, un pays qui a souvent bénéficié du véto américain). La délégation sud-africaine, pourtant proche de la Russie, a également critiqué l’usage du véto, qui limite selon elle l’action onusienne dans les zones de conflit en Afrique et au Moyen-Orient.

Si le gouvernement soudanais a vivement remercié l’intervention de son allié russe (tel que rapporté par le média gouvernemental Voice of America), la réaction de ces Etats démontre une certaine limite dans cette décision. La Russie reproche aux occidentaux d’instrumentaliser le Conseil de Sécurité à leur avantage (notamment au sujet de la guerre en Ukraine). Toutefois, elle est également prête à en faire de même afin de servir ses propres intérêts ; une politique que les Etats non-alignés remarquent et critiquent tout autant des deux côtés.

Néanmoins, le Soudan risque de prendre une plus grande importance dans la diplomatie russe, depuis la chute du régime de Bachar Al-Assad le 8 décembre 2024. Un des principaux alliés du gouvernement de Vladimir Poutine, l’effondrement du pouvoir syrien a provoqué des réactions prudentes à Moscou. Le 16 décembre, la diplomatie russe a publié un communiqué de presse invitant le nouveau gouvernement syrien à respecter toutes les minorités présentes dans sa population (notamment les chrétiens orthodoxes), sans pour autant attaquer directement les rebelles. Dans ce communiqué comme dans une conversation entre Sergueï Lavrov et son homologue jordanien, Ayman Safadi, la Russie a indiqué que sa première priorité était un apaisement des tensions intra-syriennes, et un respect des processus de paix définis en 2015 par l’ONU.

Cette position prudente, mais ouverte à la discussion, peut surprendre venant de la Moscou. Pourtant, elle peut être expliquée par la situation difficile dans laquelle se trouvent actuellement les forces russes en Syrie. Il s’agit du seul pays, en-dehors de l’espace post-soviétique, où l’armée russe dispose d’installations militaires (à savoir, la base navale de Tartus, et la base aérienne de Hmeimim), qui servaient jusqu’alors de puissants relais d’influence. Si pour l’instant, les deux bases n’ont pas été évacuées, leur situation demeure plus que précaire. Le journal Euronews rapportait, le 16 décembre, qu’un porte-parole du gouvernement de transition syrien s’était exprimé sur la question en ces termes : «Je pense que la Russie devrait reconsidérer sa présence sur le territoire russe, ainsi que ses intérêts».

Les nouvelles forces à la tête du pouvoir syrien n’ont, jusqu’à présent, manifesté qu’une relative hostilité à l’égard de la présence russe, bien qu’aucun rebelle n’ait pour l’instant attaqué les positions de Moscou. Cependant, cette dernière est en train de redéployer ses troupes sur d’autres théâtres d’opération, principalement l’Afrique. D’après Radio Free Europe, média privé financé par les Etats-Unis, du matériel militaire russe est actuellement en train d’être transporté de la Syrie vers le Mali ou le Soudan, où la Russie construit justement une autre base navale.

Avec la perte de son allié syrien, le Kremlin a donc tout intérêt à conserver des rapports étroits avec ses amis africains, sur lesquels il doit désormais compter s’il veut garder une force militaire en-dehors de sa zone d’influence traditionnelle. Comme pour ses alliés sahéliens, il est donc probable que la Russie continuera de défendre Khartoum auprès des Nations Unies dans les prochains mois.

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