Diplomatie russe en Afrique et en Asie – Point de situation au 25/03/25
Le 6 mars, Sergueï Lavrov a reçu son homologue zimbabwéen, le Ministre Amon Murwira. Leur discussion a porté sur la coopération, historiquement forte, entre les deux pays, notamment en matière d’économie, d’énergie et d’éducation supérieure. Néanmoins, l’information la plus importante de cet échange réside dans la signature, par la Russie et le Zimbabwe, d’une «Déclaration sur les Manières et les Outils pour Contrer, Limiter et Réparer les Effets Indésirables des Mesures Coercitives Unilatérales».
Concrètement, cette déclaration critique les différents régimes de sanctions que des puissances étrangères, principalement occidentales, ont imposé à la Russie et au Zimbabwe. «Le recours, par tous les Etats, à des mesures coercitives unilatérales est illégal, contraire à la Charte des Nations Unies et du droit international, et implique une responsabilité internationale», affirme l’accord dès son premier article. De par cette déclaration, qui condamne le gel d’actifs nationaux (article 5) ou les restrictions sur les déplacements des individus (article 9), les gouvernements zimbabwéen et russe espèrent pouvoir limiter les sanctions de ce type à l’avenir. Si cet accord n’a pour l’instant qu’une fonction déclarative, il traduit une impulsion de plus en plus forte chez les pays du Sud Global, qui contredit l’influence occidentale et la légitimité des cours internationales. Le droit des Etats à la non-ingérence, que la Russie défend farouchement, sert ainsi à alimenter un discours de plus en plus hostile aux puissances occidentales.
Le 7 mars, le Ministère des Affaires étrangères russe " rel="noopener">a publié un communiqué, portant sur des affrontements autour des régions de Tartus et de Lattaquié, où la Russie dispose de bases militaires au futur incertain. Ces zones présentent également des bastions pro-Assad, notamment en raison d’une forte présence de la communauté alaouite (dont est issu l’ancien président Bachar al-Assad). D’après la BBC, 70 personnes avaient été tuées dans ces heurts, qui menacent directement les intérêts russes dans la région. De fait, la publication du Ministère a très clairement demandé un arrêt des hostilités, et le respect de toutes les minorités syriennes. Le Ministère n’a pas essayé, néanmoins, de désigner un responsable des pertes civiles, sûrement par crainte pour ses bases sur place.
Une semaine plus tard, le 14 mars, la diplomatie russe a publié un autre communiqué, portant cette fois sur les élections en Abkhazie. Après plusieurs mois de tensions, l’ancien vice-président et candidat favori du Kremlin, Badra Gunba, a remporté les élections. La Russie l’a officiellement félicité dans son communiqué, et a levé les restrictions de déplacement sur la république séparatiste. Néanmoins, le journal The Moscow Times rapporte que la Russie a ouvert une enquête en Abkhazie, qui porte sur des «attaques contre des citoyens russes», pendant la campagne électorale. Ainsi, l’élection de Badra Gunba comme cette enquête témoignent du contrôle étroit exercé par Moscou sur cette république séparatiste. Le droit à la non-ingérence promu par la Russie s’arrête souvent là où commencent ses propres intérêts.
Une autre actualité importante de ces dernières semaines fut l’écriture, le 13 mars, d’un premier accord de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. La Russie, qui a vu un certain refroidissement de ses relations avec Yerevan, a suivi avec attention l’évolution des négociations, félicitant ses deux partenaires pour cette étape dès le lendemain. Le 20 mars, une rencontre diplomatique entre Arméniens et Russes est venue confirmer ce rapprochement des deux nations. Si les diplomates ont principalement échangé sur la situation au Sud-Caucase, et du progrès des accords de paix, la politique étrangère arménienne, qui semblait se tourner vers l’Occident, traverse une nouvelle mutation. Il est probable qu’avec le rapprochement entre Moscou et Washington, ainsi que l’isolement diplomatique de plus en plus important de l’Europe, Yerevan cherche à équilibrer ses relations, pour ne pas se retrouver dans une posture désavantageuse avec le partenaire russe.
Enfin, le vice-ministre des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov a participé, le 21 mars, à l’investiture de Netumbo Nandi-Ndaitwah, la nouvelle présidente de la Namibie. Cette dernière a un lien particulier avec la Russie ; TV5 Monde a ainsi rapporté que pendant la guerre d’indépendance namibienne, Netumbo Nandi-Ndaitwah était en exil à Moscou, et a toujours gardé une sympathie pour la Russie. Il apparaît donc très probable que la Namibie va poursuivre ses bonnes relations avec le Kremlin, notamment via des échanges commerciaux accrus et une meilleure coopération énergétique. En définitive, l’influence russe continue de s’étendre en Afrique, un continent où les Européens ont aujourd’hui des difficultés à maintenir leur présence.
À propos de l'auteur
Enzo PADOVAN
Biographie non renseignée