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Diplomatie russe en Afrique et en Asie – Point de situation au 04/03/25

Publié le 05/03/2025
5 min de lecture
Par Enzo PADOVAN
Russie

Le 24 février, Sergueï Lavrov s’est rendu en Turquie pour une visite diplomatique, portant sur différentes questions d’actualité en Eurasie. Tout d’abord, la coopération bilatérale entre le Kremlin et Ankara, notamment en matière énergétique. Malgré la présence de la Turquie dans l’OTAN, cette dernière s’est toujours refusée à imposer des sanctions contre Moscou, notamment en raison des projets communs entre les deux pays. A titre d’exemple, la société russe Rosatom participe à la construction de la centrale nucléaire d’Akkuyu, et les deux nations sont reliées entre elles par le gazoduc TurkStream.

Trois jours plus tard, la Turquie a accueilli la seconde réunion entre les délégations russes et américaines, à la suite de leur rencontre en Arabie Saoudite. Depuis l’invasion de l’Ukraine, en février 2022, le gouvernement d’Erdogan a toujours cherché un rôle de conciliateur dans ce conflit ; c’est notamment la Turquie qui avait hébergé les négociations pour l’initiative céréalière de la Mer Noire, une région où elle concentre des intérêts sécuritaires et économiques importants. Comme pour l’Arabie Saoudite et la Chine, qui souhaitent également prendre part aux discussions russo-américaines, la Turquie espère tirer un bénéfice de sa participation. Sa posture nuancée, justifiée à la fois par sa présence dans l’OTAN et ses échanges bilatéraux avec Moscou, lui offre un avantage de choix pour contribuer aux négociations de paix sur l’Ukraine.

Pour toutes ces raisons, la coopération entre les gouvernements russe et turc revêt une importance stratégique. Cela ne signifie pas, en revanche, que leurs intérêts sont nécessairement alignés dans tous les domaines ; au

Sud-Caucase, l’influence turque concurrence sérieusement celle de la Russie. En Syrie, la chute du régime de Bachar el-Assad a grandement bénéficié à la Turquie, proche des rebelles désormais à la tête de Damas.

Ce rééquilibrage des rapports de force en Syrie amène d’ailleurs un certain nombre de questions, notamment de par la présence d’autres puissances majeures dans la région. Israël, par exemple, se méfie vivement de l’implantation des islamistes soutenus par la Turquie à Damas ; lors d’une visite en Moldavie, Gideon Sa’ar, Ministre des Affaires étrangères israélien, a déclaré qu’il fallait surveiller de près les actions turques au Proche-Orient. «La Turquie est actuellement la puissance dominante en Syrie, elle aspire à devenir le leader de l’Islam sunnite dans la région».

De fait, Israël voit dans la Russie une possibilité de contrebalancer l’influence turque. D’après le journal The Kyiv Independent, Tel Aviv a insisté auprès des Etats-Unis, pour que ces derniers ne contestent pas le possible maintien des bases russes en Syrie. La présence de troupes étrangères (aussi bien russes qu’américaines) dans le pays limiterait, toujours d’après Israël, le poids politique de la Turquie. Ainsi, malgré les relations cordiales entre Moscou et Ankara, le chevauchement de leurs zones d’influence présente des défis complexes, qui ont une forte influence sur le Proche-Orient comme le Caucase.

Toujours sur la question syrienne, le 26 février, Sergueï Lavrov a rencontré l’Emir du Qatar, Tamin ben Hamad Al-Thani. Leurs discussions ont principalement porté sur la situation à Damas, où les deux hommes d’Etat se sont accordés sur quelques points, et ont «noté l’importance d’une stabilisation rapide de la situation politique interne dans ce pays, sous la forme d’un processus de résolution complet impliquant toutes les forces politiques syriennes, ainsi que tous les groupes ethniques et religieux».

Le Qatar est effectivement proche du nouveau régime syrien : l’Emir Al-Thani fut le premier chef d’Etat invité à Damas après la chute de Bachar el-Assad. Par cet échange, la Russie entend bien normaliser ses relations avec ce nouveau régime, et se montrer ouverte au dialogue afin de protéger ses intérêts dans la région. Au mois de mars, une Commission Russo-Qatarie sur le Commerce, l’Economie et la Coopération Technologique aura lieu à Doha, ce qui devrait renforcer un peu plus la politique conciliante du Kremlin à l’égard du monde arabe.

Enfin, le 4 mars, plusieurs sources journalistes (dont Bloomberg et le Kyiv Independent) ont rapporté que Vladimir Poutine s’était engagé à aider les Etats-Unis dans les négociations autour du nucléaire iranien. Après le retrait des Etats-Unis, en 2018, de l’accord sur ce programme nucléaire, cette épineuse question est restée en suspens à l’échelle internationale. L’intervention de la Russie, devenue une des plus précieuses alliées de Téhéran, pourrait amener à une certaine détente des relations avec le Président Trump, dont le premier mandat avait marqué une franche hostilité à l’égard des Iraniens.

Quelques jours plus tôt (le 25 février), Sergueï Lavrov avait rencontré son homologue iranien, Abbas Araghtchi, pour un échange sur différentes thématiques. Alignés tant sur les questions géopolitiques (tels que les conflits actuels au Proche-Orient), qu’au sein des grandes instances internationales (BRICS+, OCS), l’alliance entre la Russie et l’Iran semble solide. Si un nouvel accord était trouvé sur le nucléaire iranien, avec l’intervention du Kremlin, cela représenterait une victoire très importante pour Vladimir Poutine. En plus d’inciter les Américains à accepter des concessions, cette victoire prouverait au reste du monde qu’une alliance avec la Russie peut porter ses fruits. Avec pour objectif de faire de Moscou la première puissance mondiale, Vladimir Poutine sait que l’alliance avec les pays émergents est un facteur très important.

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