Diplomatie russe en Afrique et en Asie – Point de situation au 16/02/25
Le 11 février, la Russie a fêté le 75ème anniversaire de ses relations avec le Viêtnam, soulignant les liens forts et historiques qui unissent leurs deux nations. L’Union Soviétique avait été l’un des deux premiers pays à reconnaître l’indépendance du Viêtnam (en même temps que la République Populaire de Chine), en 1950, avant même que la guerre d’Indochine ne soit terminée. Sergueï Lavrov, Ministre des Affaires étrangères russe, a commémoré cette relation en rappelant l’étroite coopération entre les deux pays, notamment du point de vue scientifique et économique. 2025 marque en effet le dixième anniversaire de l’accord de libre-échange entre Hanoï et l’Union Economique Eurasienne.
Comme vu dans le précédent point de situation, la diplomatie russe s’intéresse de plus en plus à l’Asie du Sud-Est. Depuis l’été 2024, Moscou courtise le Viêtnam, qui a été officiellement invité à rejoindre les BRICS en tant qu’Etat-partenaire ; l’utilisation de la diplomatie mémorielle, bien illustrée par la célébration de cet anniversaire, est justement un des outils que le Kremlin emploie afin de renforcer ses liens historiques avec le Viêtnam. Déjà, en août 2024, la Russie avait inauguré un monument à la mémoire de trois volontaires vietnamiens de l’Armée Rouge, morts en défendant Moscou contre la Wehrmacht, à l’hiver 1941-1942.
Néanmoins, la Russie mise également sur des actions concrètes afin d’étendre ses relations avec le Viêtnam. Le 14 janvier 2025, le Premier Ministre russe, Mikhaïl Michoustine, s’était justement rendu à Hanoï pour une visite diplomatique. Le journal ietnam-and-russia-sign-agreement-to-expand-nuclear-energy-cooperation" target="_blank" rel="noopener">Euronews a rapporté qu’un accord avait été signé à la fin de la visite. Signé entre Rosatom, l’entreprise d’Etat russe en charge de l’énergie nucléaire, et son homologue Electricité du Viêtnam, cet accord permet des échanges de technologie nucléaire entre les deux pays. De plus, Rosatom s’est engagée à aider la construction de nouveaux réacteurs nucléaires vietnamiens. Ainsi, comme pour l’Indonésie et la Thaïlande, la Russie déploie de nouvelles initiatives au Viêtnam afin d’étendre son influence dans la région.
Mais l’indécision d’Hanoï quant à sa participation ou non aux BRICS peut s’expliquer par d’autres facteurs, notamment sa balance commerciale. La Chine est certes son principal partenaire économique, mais le commerce entre les Etats-Unis et le Vietnam représentait 111 milliards de dollars, en 2023 ; la même année, les échanges avec Moscou ne représentaient que 3,6 milliards de dollars, en comparaison. Il est très probable que le risque de prendre une position trop hostile à l’Occident, en rejoignant les BRICS dominés par la Chine et la Russie, soit encore trop grand pour Hanoï.
Le 12 février, Sergueï Lavrov a rencontré son homologue soudanais, Ali Youssef Al-Sharif, à Moscou. Le Kremlin soutient le gouvernement de Khartoum, qui semble reprendre le dessus dans la guerre civile en cours au Soudan (les rebelles ont récemment abandonné le siège de Khartoum). Si les deux ministres ont échangé sur divers sujets, le résultat principal reste l’annonce, par le Soudan, que la Russie pourrait établir une base navale sur son territoire.
Confirmée par le journal The Guardian, la construction de cette base serait une réelle victoire stratégique pour Moscou. Après la chute de Bachar el-Assad, le statut des bases russes en Syrie reste pour l’instant incertain. Etablir une présence militaire sur la Mer Rouge offrirait une solution de repli à la Russie, dans le cas où les bases syriennes devraient être abandonnées, tout en concurrençant les installations militaires américaines et françaises à Djibouti. Pour l’instant, la guerre civile soudanaise rend l’évolution du projet russe incertaine, mais l’accord signé cette semaine représente une avancée historique dans l’alliance entre Khartoum et Moscou.
Enfin, le 13 février, des négociations ont eu lieu entre la Russie et le Tadjikistan, qui occupe actuellement la présidence de la Communauté des Etats Indépendants. A l’issue de ces négociations, les deux pays ont signé un Programme de Coopération pour deux ans, qui maintient entre autres la présence militaire russe au Tadjikistan. Alors que l’Ouzbékistan et le Kazakhstan semblent diversifier leurs partenariats, Douchanbé reste très ancré dans la sphère d’influence russe, malgré les conséquences de l’attentat du Crocus City Hall sur la communauté tadjike en Russie.
À propos de l'auteur
Enzo PADOVAN
Biographie non renseignée