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Diplomatie russe en Afrique et en Asie – Point de situation au 10/02/25

Publié le 11/02/2025
5 min de lecture
Par Enzo PADOVAN
Russie

Le 3 février 2025, le Ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a donné un discours en honneur du 75ème anniversaire des relations russo-indonésiennes. Etablies en 1950, quelques semaines à peine après l’indépendance de Jakarta, les relations russo-indonésiennes ont toujours été cordiales, malgré la participation très active de l’Indonésie au mouvement des Non-Alignés.

Aujourd’hui, les échanges entre Moscou et Jakarta prennent une importance plus stratégique : en janvier 2025, l’Indonésie est devenue le 10ème membre des BRICS+, et les deux Etats travaillent sur un accord de libre-échange entre Jakarta et l’Union Economique Eurasiatique. L’Indonésie n’est d’ailleurs pas le seul pays d’Asie du Sud-Est à s’être rapproché des BRICS+, la Malaisie et la Thaïlande étant devenues des Etats-partenaires l’année dernière (au même titre que le Kazakhstan). Pourtant, cette partie de l’Asie est traditionnellement en bons termes avec l’Occident, notamment les Etats-Unis, contredisant la position ouvertement anti-occidentale d’Etats tels que la Russie ou l’Iran.

Le Moscow Times est revenu sur l’intérêt, pour l’Asie du Sud-Est, d’un tel rapprochement. Depuis octobre 2024, le président Prabowo Subianto dirige Jarkata ; cet ancien militaire, gendre du dictateur Suharto, est accusé de nombreux crimes de guerre au Timor oriental et en Papouasie occidentale. Cet homme politique controversé a même été interdit de séjour, entre 2000 et 2020, sur le territoire américain, pour son implication dans les exactions commises par l’armée indonésienne. Le Président Subianto comme son homologue russe, Vladimir P

outine, partagent une vision forte du pouvoir, et espèrent se bâtir une influence plus importante à l’échelle internationale. Accéder aux BRICS+ signifie, pour l’Indonésie, obtenir une place au sein du cercle fermé des puissances émergentes à l’échelle mondiale, tout en accédant à des initiatives économiques telles que la Nouvelle Banque de Développement.

Quant à la Russie, se rapprocher de l’Indonésie lui permet d’étendre un peu plus son influence dans l’Indopacifique, et de concurrencer la Chine comme les Etats-Unis dans cette région. Si pour l’instant, cette influence reste assez symbolique, les efforts de la diplomatie russe auprès de la puissance principale de l’ASEAN (également, le pays musulman le plus peuplé) finissent peu à peu par porter leurs fruits.

Toujours le 3 février, Sergueï Lavrov a rencontré les ambassadeurs de la Communauté des Etats Indépendants (CEI), à Moscou. Alors que la Russie a transféré la présidence de la CEI au Tadjikistan, pour l’année 2025, de nombreux défis s’imposent pour cette organisation. Les relations de la Russie avec son «étranger proche» (à savoir, les pays ayant autrefois fait partie de l’espace soviétique, que Moscou considère comme sa sphère d’influence traditionnelle) sont, en effet, de plus en plus contestées. La Moldavie a clairement affiché son souhait de quitter l’organisation, l’Arménie prend ses distances avec Vladimir Poutine, et l’influence des Etats du Golfe comme de la Chine s’étend en Asie Centrale. En définitive, bien que la Russie garde de très bons liens avec la plupart des membres de la CEI, l’influence grandissante des puissances étrangères explique et justifie la nécessité de nouveaux partenariats, notamment en Asie du Sud-Est et en Afrique.

Enfin, le 6 février, Sergueï Lavrov a rencontré Badra Gunda, président de l’Abkhazie par intérim. Ce pays non-reconnu dans le Caucase, officiellement localisé en Géorgie, connaît depuis novembre 2024 une rude crise politique. L’origine de cette crise réside dans un accord commercial entre le pays non-reconnu et Moscou, qui devait permettre aux entreprises russes d’acheter des terres et des capitaux en Abkhazie à des tarifs préférentiels. Qualifié d’ingérence étrangère par l’opposition, cet accord a provoqué de grandes manifestations dans le pays, forçant le Président Aslan Bjania à démissionner. Depuis, la Russie n’a pas hésité à limiter ses aides à l’Abkhazie, entraînant des pénuries électriques en plein milieu de l’hiver.

D’après le journal Eurasianet, les nouvelles élections présidentielles auront lieu en février 2025. L’entrevue entre Sergueï Lavrov et Badra Gunda, un des candidats à cette élection, n’est donc pas le fruit du hasard : Moscou espère bien voir le président par intérim être officiellement élu, afin de garder un certain contrôle sur cet Etat semi-indépendant, en dépit de la colère des manifestants. L’Abkhazie, véritable levier de pression sur le voisin géorgien, héberge également sur son territoire la 7ème Base Militaire russe, qui lui assure un contrôle partiel sur la Mer Noire. Il paraît donc très peu probable que le gouvernement de Vladimir Poutine prenne le risque de voir un candidat anti-Moscou l’emporter à Soukhoumi.

En parlant des bases militaires russes à l’étranger, le sort des installations en Syrie demeure incertain. Au début du mois de février, le Washington Post a publié un article relayant les propos du Ministre de la Défense syrien : ce dernier a déclaré que des négociations avec la Russie était en cours. Le nouveau gouvernement de Damas pourrait, dès lors, accepter de laisser l’armée russe garder ses bases, à condition d’en tirer un certain bénéfice. Vitales pour l’influence de Moscou à l’étranger, ces installations militaires pourraient donc être au cœur d’un accord entre les rebelles syriens, et le gouvernement de Vladimir Poutine, en dépit de son alliance historique avec le régime de Bachar el-Assad. Encore une fois, il est possible que cette alliance ne puisse pas rivaliser avec le pragmatisme politique russe.

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