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Nouvelle détérioration des droits des migrants d’Asie Centrale en Russie

Publié le 16/10/2025
4 min de lecture
Par Thomas Kerebel
Russie

Depuis plusieurs mois, les migrants d’Asie Centrale travaillant en Russie subissent une xénophobie croissante de la part du gouvernement russe, ce depuis l’attentat du Crocus City Hall à Krasnogorsk le 22 mars 2024. Cet attentat avait tué 150 personnes et blessé 609 autres. Une des conséquences administratives de cette xénophobie tient ainsi au fait que, depuis le 1er septembre 2025, tous les migrants travaillant dans la région de Moscou sont obligés de s’enregistrer sur une application mobile recueillant leur identité et leurs empreintes digitales.

Ce ressentiment, qui existait déjà depuis plusieurs années, a décuplé depuis l’attentat. En effet, l’identification des 4 terroristes a déterminé qu’ils étaient tous originaires du Tadjikistan. Le pays a subi une guerre civile de 1992 à 1997, qui a favorisé l’émergence d’un mouvement islamiste structuré en Asie Centrale dont certains éléments ont été recrutés par le groupe de l’Etat Islamique au Khorassan.

Concrètement, au lendemain de cet attentat, les réactions contre les migrants d’Asie Centrale ont d’abord été sociétales. Ainsi, déjà marginalisées par les Russes depuis plusieurs années, les populations tadjikes en Russie ont subi de fortes discriminations, allant du simple refus de travailler avec eux à des incendies criminels de commerces tadjiks et des agressions physiques de migrants. Le gouvernement russe a également mis en place des mesures de contrôle sévères généralisées à tous les migrants d’Asie Centrale.

Parmi les premières actions de la part de Moscou, le doublement des expulsions de migrants est remarquable, avec le départ de 80 000 personnes en 2024, contre 44 200 en 2023. Les nationalités des migrants expulsés seraient majoritairement «des travailleurs issus des anciennes républiques soviétiques d’Asie Centrale». Les rafles contre ces mêmes populations, préexistantes, ont également augmenté. Plusieurs propositions de loi restreignant leurs droits ont été avancées. Parmi celles-ci, nous pouvons mentionner l’expulsion des migrants ne parlant pas le russe, l’arrêt du regroupement familial ou encore l’interdiction d’accès à certains emplois.

Sur le volet militaire, le gouvernement vise ces communautés dans le cadre de la conscription pour la guerre en Ukraine, en tout cas pour les personnes naturalisées Russes. En Juin 2024, 30 000 ressortissants, de nouveaux citoyens issus des pays d’Asie Centrale, ont été envoyés faire leur service militaire, dont 10 000 déployés vers les territoires occupés.

Plusieurs pays, dont les citoyens ont été concernés par cette flambée de violences, ont réagi diplomatiquement. Ainsi, dès 2024, le Ministre des Affaires Etrangères du Tadjikistan, Sirojiddin Muhriddin, a critiqué le «traitement injuste de ses citoyens par Moscou» ainsi que le fait que «des mesures aussi restrictives ne peuvent être prises que par égard des citoyens Tadjiks».

L’Ouzbékistan, le Kazakhstan et le Kirghizistan ont en revanche réagi beaucoup plus prudemment vis-à-vis de la situation, émettant notamment des avis aux voyageurs vers la Russie.

Moscou a déjà subi la menace de l’islamisme dans son histoire récente. Le Caucase russe reste une zone de pression importante pour le gouvernement, avec l’existence encore récente d’un « Emirat caucasien » dont la plupart des combattants s’affilient à l’Etat Islamique. Par conséquent, il est difficile de savoir dans quel contexte les conditions de vie des migrants d’Asie Centrale pourraient s’améliorer à court terme.

L’absence de réaction tangible de la part des gouvernements de la région face aux violations flagrantes des droits de leurs citoyens constitue un indice du maintien de l’influence russe dans le monde post-soviétique. Si un évènement tel que l’attentat du Crocus City Hall devait se reproduire dans les années qui viennent, les actions de Moscou resteraient-elles encore sans réponse ?

À propos de l'auteur

Thomas Kerebel

Thomas Kerebel

Thomas Kerebel est étudiant en Master de Géopolitique à l'université Paris 8. Passionné par le monde post-soviétique, il souhaite se spécialiser dans la médiation diplomatique en Asie Centrale. Il travaille actuellement sur le Karakalpakstan.

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