Corée du Nord, Myanmar et minerais africains : la diplomatie russe poursuit son pragmatisme politique

Visite Nord-coréenne à Moscou
Le 27 octobre, la Ministre des Affaires étrangères Nord-Coréenne, Choe Son-Hui, s’est rendue à Moscou pour une visite diplomatique. Elle y a été accueillie par Sergueï Lavrov, son homologue russe, dans le cadre de l’accord de partenariat stratégique entre les deux pays, signé en juin 2024.
L’alliance entre Pyongyang et Moscou n’est pas un simple héritage de l’époque soviétique ; au contraire, après la dissolution de l’URSS, la jeune Fédération de Russie avait gardé ses distances avec le régime nord-coréen. Mais sur une scène internationale en pleine polarisation, l’alliance entre les deux pays revêt un intérêt complémentaire pour les deux nations, toutes deux menacées par les sanctions de l’Occident. D’une part, la Russie a besoin de renforts pour sa guerre contre l’Ukraine, en plus de nécessiter de la main-d’œuvre pour l’aménagement de ses régions orientales ; de l’autre, la Corée du Nord voit dans l’allié russe (et aussi dans la Chine) une source d’investissements, d’importations agroalimentaires, et un soutien précieux sur la scène internationale.
Ainsi, la visite de la Ministre Choe Son-Hui confirme et approfondit la coopération entre les deux pays, notamment en matière d’économie. Plusieurs milliers de travailleurs nord-coréens sont actuellement présents dans les régions de l’Extrême-Orient russe, riche en ressources mais en manque d’infrastructures ; pour la Russie, cette main-d’œuvre représente un précieux appui, pour compenser le siphon de la guerre en Ukraine. En outre, la Russie a annoncé la construction d’un mémorial dédié aux soldats nord-coréens morts dans la reprise de l’oblast de Koursk, dont la construction devrait débuter en 2026. Le lien entre Pyongyang et Moscou reste donc fort, et continuera probablement de se développer dans les prochaines années.
Annulation des obligations de visa entre la Russie et le Myanmar
Le 28 octobre, en marge de la 3ème Conférence Internationale sur la Sécurité Eurasienne, à Minsk, Sergueï Lavrov a échangé avec Than Swe, le Ministre des Affaires étrangères myanmarais. La principale information liée à cette rencontre est l’annulation mutuelle, pour les citoyens des deux pays, des nécessités de visa.
La junte militaire au pouvoir, au Myanmar, est alliée avec la Russie pour les mêmes raisons que Pyongyang. Le pragmatisme politique d’un pays isolé sur la scène mondiale, empêtré dans une guerre civile depuis 2021, l’a poussé à se rapprocher de Beijing et de Moscou, notamment pour des raisons économiques. Par exemple, le Myanmar compte beaucoup sur le tourisme russe, ayant lancé en 2023 l’initiation « Welcome Russia », sensée attirer plus de visiteurs sur son territoire. L’annulation mutuelle des nécessités de visa, ainsi que l’ouverture prochaine de nouvelles lignes aériennes directes (en complément de celle reliant Novossibirsk à Naypyidaw, la capitale myanmaraise), sert directement de main tendue au secteur du tourisme à Moscou.
Mais il apparaît que les citoyens russes ne sont pas séduits par la perspective myanmaraise ; l’agence de presse TASS rapporte que les touristes préfèrent, en Asie du Sud-Est, opter pour le Viêtnam, jugé plus sûr et plus stable que la Birmanie. La guerre civile qui ravage cette dernière ne rassure pas les investisseurs russes, le Kremlin craignant lui-même qu’à long terme, la junte militaire ne finisse par être renversée.
Dialogue russo-africain sur les ressources minières
Enfin, le 30 octobre, Sergueï Lavrov a rencontré plusieurs partenaires africains à l’Université Minière de Saint-Pétersbourg, dans le cadre du dialogue russo-africain sur les ressources minières. Le continent africain est un des plus riches en la matière, et la Russie est loin d’être le premier pays à s’intéresser à ce fort potentiel. Moscou elle-même jouit d’un territoire riche en la matière, mais elle se heurte de nouveau aux mêmes problèmes : le manque d’infrastructures dans les régions orientales, et les vastes étendues à parcourir pour acheminer la production des gisements, la rendent dépendantes aux importations de minerais pour sa propre économie.
Ainsi, le pari de la Russie en matière de coopération minière, avec l’Afrique, est double. Tout d’abord, il s’agit bien entendu d’une stratégie pour renforcer sa présence sur le continent, au détriment des pays occidentaux. Le lancement imminent d’un programme de formation russe pour les ingénieurs du secteur minier, au Burkina Faso, est un bel exemple de l’expansion de l’influence russe, dans un pays autrefois aligné sur la France. De plus, la création de ces partenariats lui permettra de s’assurer un approvisionnement stable en minéraux, limitant l’effet des sanctions sur son économie. En parallèle, elle aménage, peu à peu, ses régions orientales pour capitaliser sur leur potentiel, notamment avec l’aide de la Corée du Nord.
Si ces projets vont effectivement avoir des externalités positives pour les nations africaines (qui pourront se former, avec l’expérience des ingénieurs russes), le discours du Kremlin autour d’une reprise de leur souveraineté, pour les Etats africains, n’est avant tout qu’un récit. Elle a des intérêts très concrets à investir en Afrique, qui dépassent la simple bienveillance idéologique. Ces intérêts seront, par ailleurs, fortement mis en avant au Forum du Partenariat Russo-Africain, prévu pour le mois de novembre.
À propos de l'auteur
Enzo PADOVAN
Biographie non renseignée



