Chine
Economie

Stratégie et tendances économiques chinoises – Point de situation au 11/02/2025

Publié le 10/02/2025
7 min de lecture
Par Raphael Yussourou
Asie de l'est

Compétition sino-américaine dans le secteur de l’intelligence artificielle : Nvidia, OpenAI et DeepSeek

Le 27 janvier 2025 marque une date historique dans les annales de la Bourse. Alors que l’indice boursier Nasdaq connaît une forte croissance depuis deux ans grâce à l’intelligence artificielle (IA), l’annonce de la mise en accès public d’un modèle d’IA chinois, DeepSeek R1, a bouleversé la bourse américaine. Fondée en 2023 par Liang Wenfeng, la start-up chinois DeepSeek vient ébranler l’hégémonie américaine en matière d’intelligence artificielle.

En effet, les États-Unis sont reconnus comme le leader mondial en la matière, et ce notamment grâce à des entreprises comme OpenAi, Broadcom ou encore Meta, dépensant des milliards de dollars dans le développement de leurs modèles. Pour sa part, DeepSeek affirme avoir développé un modèle d’IA qui n’aurait coûté que 6 millions de dollars à mettre en œuvre. De plus, l’entreprise a réussi ce tour de force à l’aide de matériel technologique domestique, prouvant la capacité de la Chine à s’émanciper des technologies de pointe américaines – pour rappel, l’administration américaine a proscrit à Nvidia de vendre ses processeurs dernier cri à la Chine.

L’annonce de ce nouveau modèle d’IA chinois a provoqué une véritable onde de chocs sur les marchés boursiers, entraînant la chute des valeurs des actions américaines.  « Une des raisons de ce stress vient du bruit entourant la start-up chinoise Deepseek dont le modèle DeepSeek-R1 atteindrait des performances comparables à celles du modèle o1 d’OpenAI pour un coût de développement très largement inférieur », rappelle le responsable de l’analyse marchés chez IG France, Alexandre Baradez.

Suite à ce choc, Nvidia a perdu l’équivalent de 590 milliards de dollars de capitalisation boursière, soit l’équivalent des capitalisations de LVMH, TotalEnergies et BNP Paribas réunies : « c’est la plus grande baisse de l’histoire jamais enregistrée », rapporte Le Monde. En l’espace d’une journée, l’action Nvidia a chuté de 20%, passant de 142 dollars à 118 dollars l’unité. Certains analystes économiques tels que Marc Andreessen qualifient l’arrivée de Deepseek de « moment spoutnik », en référence au premier satellite lancé dans l’espace en 1957 par l’URSS, en pleine Guerre froide avec les États-Unis.

Dans ce contexte, Donald Trump, qui menace ses partenaires comme ses concurrents – notamment la Chine -, a déclaré espérer que «le lancement de l’intelligence artificielle (IA) DeepSeek par une société chinoise sera un avertissement pour nos industriels et leur rappellera qu’il faut rester très concentrés sur la concurrence pour gagner ». Le président américain a exhorté les industriels domestiques à produire non seulement plus vite, mais aussi plus efficacement : « au lieu de dépenser des milliards et des milliards, vous dépenserez moins et avec un peu de chance vous parviendrez à la même solution ».

L’ascension de DeepSeek peut s’expliquer par son mode de développement : le modèle utilisé par ses fondateurs s’appuie sur une méthode appelée « reinforcement learning ». Autrement dit, ces derniers ne sont pas seulement appuyés sur le « deeplearning », c’est-à-dire l’emmagasinement de connaissances, mais on fait le choix d’un système qui « se pose lui-même des questions et reçoit des récompenses quand ses solutions sont les bonnes ». En outre, le modèle DeepSeek R1 est légèrement moins rapide que son concurrent ChatGPT, mais consomme significativeent moins d’énergie que lui, et est « jusqu’à vingt-sept moins cher par requête qu’OpenAI o1 », rappelle Le Monde.

Le début des sanctions ou le renforcement de la guerre commerciale sino-américaine

Le président américain les avaient annoncées avant même son investiture : les premières mesures économiques protectionnistes en défaveur de la Chine sont tombées le mardi 4 février. Elles se sont traduites par l’instauration d’une taxe douanière de 10% sur les produits chinois importés en Amérique, en plus des taxations déjà en place. Washington justifie cette hausse ces droits de douane par « des problèmes liés au fentanyl », cette drogue qui ravage les États-Unis et laisse place à des villes zombies. Néanmoins, quelques jours après l’annonce des premiers tarifs douaniers, le président américain a signé un décret présidentiel ajournant les droits de douane sur les « minimis », des colis pour une valeur inférieure à 800 dollars, pour une durée indéterminée. Cette décision d’ajournement va principalement toucher les produits d’entreprises chinoises comme Shein et Temu, qui seront exemptées de cette hausse tarifaire.

En réponse à cette hausse de droits de douane, la Chine a décidé de taxer à 15% le charbon et le gaz naturel liquéfié (GNL) venu des États-Unis, décision entrant en vigueur le 10 février. De plus, Clea Broadhurst, correspondante à Pékin pour RFI, rapporte que Pékin a pris la décision d’augmenter de 10% les taxes à l’importation sur certains véhicules, le pétrole brut et les machines agricoles américains. D’autres mesures ont été annoncées, comme celle d’une enquête anti-monopole dirigée contre l’entreprise Google. Le gouvernement chinois a déclaré dans un communiqué que « Google étant soupçonné d’avoir violé la loi anti-monopole de la République populaire de Chine, l’agence étatique pour la régulation du marché a lancé une enquête [sur le groupe américain] conformément à la loi ».

Par ailleurs, le ministère du Commerce chinois a porté plainte à l’OMC contre Washington et l’imposition de ses droits de douane. Pékin dénonce l’ « imposition unilatérale de droits de douane en violation sérieuse des règles de l’OMC », rapporte 20minutes. La Chine met en avant non seulement sa situation, mais celle du reste du monde en pointant que les taxes mises en place sont « inutiles à la résolution des problèmes des États-Unis, elles sapent aussi une coopération économique et commerciale normale ».

« Il n’y a pas de vainqueurs dans une guerre commerciale ou une guerre de droits de douane » déclarait le ministère des Affaires étrangères chinois, après les déclarations de Donald Trump sur la mise en place les premiers droits de douane à l’encontre de la Chine. Les États-Unis souffrent déjà d’une balance commerciale déficitaire de 260 milliards de dollars entre janvier et décembre pour des transactions équivalentes à 500 milliards de dollars avec à la Chine. Toutefois, le président Trump cherche à affirmer la puissance américaine en rentrant dans un jeu commercial potentiellement dangereux pour une économie déjà affaiblie par son concurrent en 2024.

Par ailleurs, comme annoncée par le ministère des Affaires étrangères chinois, « la Chine espère que les États-Unis vont objectivement et rationnellement regarder et s’occuper de leurs problèmes tels que le fentanyl, plutôt que de menacer à tout bout de champ d’autres pays avec des droits de douane » . Les guerres commerciales ne font « pas de vainqueur », dénonçait la Chine le week-end dernier. Les deux premières économies du monde se sont donc lancées dans une partie de puissance, où l’économie fait loi. L’arrivée de Trump est donc un réel défi pour la Chine, où, à peine arrivée à ses fonctions, l’affrontement a déjà commencé.

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Raphael Yussourou

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