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Power of Siberia 2 : un projet stratégique, entre ambition politique et incertitudes structurelles

Publié le 28/07/2025
4 min de lecture
Par Harry Yana
Asie de l'est

Le projet de gazoduc Power of Siberia 2 (PoS‑2), destiné à relier les gisements de Bovanenkovo et Kharasaveï (Yamal) à la Chine via la Mongolie, cristallise les repositionnements énergétiques russo-chinois. D’une capacité prévue de 50 milliards de m³/an et d’une longueur totale de 6 700 km, dont 2 700 km en Russie et 960 km en Mongolie, il doit prolonger l’effort d’intégration engagé avec Power of Siberia 1 et l’axe extrême-oriental à venir en 2027 (RBC).

En mai 2025, à l’occasion de la visite officielle de Xi Jinping à Moscou, les présidents russe et chinois ont donné instruction d’accélérer la mise en œuvre du projet, selon le vice-Premier ministre russe Alexander Novak (TASS). Ce dernier a précisé que l’étude de faisabilité était achevée, que les négociations économiques étaient actives, mais qu’aucun accord contraignant n’avait encore été signé (Reuters).

Le tracé du projet traverserait notamment le kraï de Krasnoïarsk, territoire densément peuplé de Sibérie centrale, qui espère bénéficier d’une gazéification à grande échelle grâce à l’infrastructure. Toutefois, en l’absence d’accord intergouvernemental et de calendrier de construction, Gazprom privilégie pour l’instant des solutions autonomes, fondées sur l’usage de gaz naturel liquéfié pour répondre aux besoins régionaux immédiats (Dela.ru).

Les négociations achoppent principalement sur les modalités financières. Pékin exige que la Russie finance seule l’infrastructure, en excluant tout risque économique e.rbc.ua/news/chinese-pressure-russia-urged-to-finance-1700841536.html">(RBC Ukraine). Les discussions sur le tarif restent bloquées : Moscou espérait un prix proche de ses exportations vers l’Europe (~350 $/1000 m³), tandis que la Chine pousse pour un niveau proche de son marché domestique (~60 $), soit cinq à six fois moins (Trends Research).

La Chine dispose d’alternatives solides : expansion du pipeline d’Asie centrale (Line D), croissance rapide de la production nationale (58 % en 2024), part des énergies renouvelables dépassant les 40 % de la capacité installée, et diversification de ses sources GNL (Columbia SIPA).

En août 2024, la Mongolie a officiellement retiré PoS‑2 de son plan de développement jusqu’en 2028, malgré des accords techniques antérieurs avec Gazprom (Trends Research). Le Premier ministre mongol a toutefois maintenu sa volonté de coopérer si les conditions de Pékin et Moscou convergent à l’avenir (Trends Research).

La question du tracé via le Kazakhstan, initialement écartée par Moscou, revient désormais dans certains scénarios, notamment pour réduire les coûts (estimés à 4–5 milliards USD contre 8–15 milliards pour la voie mongole) et contourner les blocages politiques avec Oulan-Bator. Cette option présente aussi l’avantage d’impliquer le Kazakhstan, ce qui pourrait stabiliser les relations trilatérales face aux tensions régionales croissantes (Columbia SIPA).

Du côté russe, PoS‑2 est perçu comme un outil de réorientation stratégique post-sanctions. Il permettrait à Gazprom de réaffirmer son rôle pivot dans un marché asiatique devenu vital, avec un objectif affiché de 98 milliards de m³ livrés à la Chine par an à terme via les trois axes cumulés (Columbia SIPA).

Mais pour Pékin, le projet reste une carte géopolitique, utilisée comme levier dans sa relation asymétrique avec Moscou. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a rappelé en 2024 que la Chine pouvait couvrir sa demande sans PoS‑2 dans tous les scénarios prospectifs (Columbia SIPA).

Malgré un encadrement politique fort et une visibilité technique avancée, Power of Siberia 2 reste suspendu aux conditions de Pékin. Moscou propose un projet à portée symbolique et structurelle ; la Chine, elle, négocie à son rythme, sur la base de ses besoins, de ses prix, et de ses priorités stratégiques. Un projet clé pour la Russie, un levier secondaire pour la Chine.

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