Nouvelle escalade dans la guerre sino-américaine / Visite de Xi Jinping en Asie du Sud-est

Escalade dans la guerre commerciale sino-américaine
Le 2 avril 2025, l’annonce de la mise en place de droits de douane par l’administration Trump a bouleversé les marchés financiers mondiaux. Après le discours du président américain à la Maison Blanche, l’indice S&P 500 a chuté de 4,84 %, et le Nasdaq a quant à lui perdu 6 %. Autrement dit, la Bourse américaine a connu sa plus forte baisse depuis mars 2020 et la crise du Covid-19. «On aurait presque dit un scénario d’apocalypse», a déclaré Dan Ives, journaliste du Wall Street Journal.
Si la frénésie s’est calmée avec la trêve de 90 jours sur les droits de douanes réciproques pour 75 pays déclarée par le président Trump le 9 avril, cette accalmie n’a pas la même répercussion en Chine, qui n’est pas concernée par la trêve. Après une augmentation progressive des droits de douane jusqu’à un pic à 145% du côté américain, la Chine a elle aussi décidé d’impiser des droits de douane à 125% sur les importations américaines. Pékin a même annoncé à plusieurs reprises ne pas avoir peur des États-Unis et se déclare «prête à aller jusqu’au bout dans la bataille commerciale avec l’Amérique », rapporte Touteleurope.
Suite aux mesures de rétorsion prises par la Chine en réponse aux barrières douanières décrétées par les États-Unis, Washington a menacé Pékin de droits de douane pouvant s’élever jusqu’à 245%. En réponse à ces menaces, le ministre des Affaires étrangères chinois a déclaré ne pas jouer au «jeu des chiffres» avec son concurrent commercial. Depuis, la mesure est rentrée en vigueur, chiffre qui, d’après le ministère des Affaires étrangères chinois n’a plus de sens et «ne fait plus guère de différence, si ce n’est qu’elle démontre une fois de plus que les États-Unis utilisent les droits de douane comme une arme pour contraindre et intimider les autres».
De plus, la Chine a demandé à ses compagnies aériennes de «stopper tout achat d’équipements et de pièces détachées pour avions auprès d’entreprises américaines », rapporte l’agence de presse Bloomberg, qui dénombre 50 Boeing en construction touchés par cette décision. Par ailleurs, les compagnies aériennes Air China, China Eastern Airlines et China Southern Airlines ont reçu l’ordre de ne pas réceptionner 45, 53 et 81 appareils censés être livrés par la compagnie américaine entre 2025 et 2027.
Outre les conséquences économiques directes touchant le constructeur américain, ces mesures affecteront l’efficacité et la sécurité des appareils chinois. Le Point rapporte qu’en cas de rupture du stock de pièces de rechanges – que les entreprises chinoises achetaient jusqu’alors aux États-Unis – certains avions chinois devront être maintenus au sol.
Les grandes entreprises américaines subissent déjà les conséquences de la guerre commerciale lancée avec la Chine, à l’image d’Amazon et Apple et Nvidia, qui ont respectivement perdu 12% et 14% de leur valeur en bourse depuis le 2 avril.
Le concepteur de micro-processeurs Nvidia a plongé de 7% supplémentaires en préouverture de la Bourse le 16 avril en raison d’une estimation de perte s’estimant à 5,5 milliards de dollars à cause des limitations sur la vente des puces en Chine.
La tournée de Xi Jinping en Asie du Sud-est
Alors que les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine s’amplifient quotidiennement, le président chinois a entamé une tournée vers les pays d’Asie du Sud-est le lundi 14 avril 2025.
En effet, les pays de l’Asie du Sud-est, la plupart regroupés dans l’Association des Nations de l’Asie du Sud-est (ASEAN), sont devenus des acteurs majeurs pour le développement économique de la région. Que ce soit par le biais des relations bilatérales, de projets conjoints avec la Chine avec le développement des «Nouvelles routes de la soie», l’Asie du Sud-est est une région connaissant une croissance importante de son commerce extérieur. De ce fait, la relation bilatérale entre la Chine et l’ASEAN a connu un sursaut majeur puisque l’ASEAN est devenu le premier partenaire commercial avec la Chine en 2024, devant l’UE (13%) et les États-Unis (11%).
Afin de pallier les conséquences des mesures de rétorsion américaines sur l’économie chinoise, Xi Jinping a entamé sa tournée par le Vietnam, allié communiste de Pékin. Malgré une relation complexe marquée par des droits antidumping sur l’acier chinois imposés par Hanoï, la visite du président chinois s’inscrit dans une logique de front anti-américain.
De son côté, Hanoï est ciblé par des droits de douane américains à hauteur de 46%. La Chine s’est appuyée sur ce ciblage pour appeler son partenaire à s’opposer aux États-Unis et faire front contre son unilatéralisme. Au terme de la visite présidentielle, 45 accords ont été signés, portant notamment sur l’intelligence artificielle, l’économie numérique, l’économie verte ou encore les chaînes d’approvisionnements.
Le vice-ministre permanent des Affaires étrangères vietnamien, Nguyên Minh Vu, s’est félicité de l’avènement d’une «nouvelle coopération stratégique». De plus, le vice-ministre a souligné «l’approfondissement du partenariat de coopération stratégique globale pour faire progresser la construction d’une communauté de destin Vietnam – Chine à portée stratégique», rapporte le journal Le Courrier du Vietnam.
Après avoir quitté la capitale vietnamienne, Xi Jinping a continué sa tournée en allant en Malaisie. Pékin est le premier partenaire commercial du pays (25% du commerce extérieur malaisien est en direction de la Chine) mais aussi un exportateur important, avec 100 milliards US$ de biens chinois exportés annuellement vers le territoire malaisien. La Chine représente par ailleurs 60% des investissements direct étrangers (IDE). D’un point de vue de la stratégie chinoise, sécuriser le partenariat avec la Malaisie apparaît également essentiel, puisque le pays borde le détroit de Malacca – hub d’une importance cruciale pour commerce maritime mondial, et tout particulièrement pour les exportations chinoises. La Chine a profité de cette visite pour dénoncer l’imposition des droits de douane américains sur les produits malaisiens, relevés à 24% début avril. Le dirigeant malaisien Anwar Ibrahim a pour sa part déclaré que «notre attitude est de coopérer avec ceux qui nous traitent bien» avant d’ajouter «bien que la Chine soit une grande puissance dotée d’une économie forte et d’une puissance militaire redoutable, nous n’avons jamais ressenti de difficultés ni de pression de sa part», rapporte Courrier international.
Lors de sa visite en Malaisie, Xi Jinping a fait la promotion de l’ONU, des institutions internationales et du droit international dans le but de «promouvoir une gouvernance mondiale plus juste et plus équitable», message adressé à l’administration Trump. Les visites du président chinois servent de prétexte pour dénoncer les politiques américaines tout en renforçant ses liens économiques et diplomatiques avec les pays de la région. Xi Jinping a également déclaré qu’il était prêt, aux côtés de l’ASEAN, à «combattre les courants sous-jacents de la confrontation géopolitique et de la logique des camps», ainsi que les «contre-courants de l’unilatéralisme et du protectionnisme».
Enfin, le président chinois est arrivé le jeudi 17 avril au Cambodge, pays avec lequel des relations diplomatiques sont établies depuis 67 ans. Pour rappel, Phnom Penh est également visé par des droits de douanes américains à hauteur de 49%.
Comme dans le cas de la Malaisie, Pékin est le premier partenaire commercial du pays membre de l’ASEAN, et possède plus d’un tiers de sa dette extérieure – s’élevant approximativement à onze milliards de dollars.
Meas Soksensan, porte-parole du ministère cambodgien des Finances, espère pouvoir compter sur une «coopération accrue, notamment en matière de développement des infrastructures» avec la Chine, alors que Pékin est déjà le premier créancier du pays, à travers les nombreux projets d’infrastructures routières et aéroportuaires. Pékin n’a toutefois fait aucune annonce d’investissements au Cambodge, mais a incité Phnom Penh à dénoncer l’hégémonisme et le protectionnisme américains, comme il a pu déjà le faire en début de semaine.
Ainsi, en multipliant les voyages à travers son cercle proche, la Chine cherche à se montrer avant tout comme une puissance stable face à l’imprévisibilité américaine. En renforçant ses liens économiques et diplomatiques avec les trois pays membres de l’ASEAN (Vietnam, Malaisie et Cambodge), la Chine cherche à renforcer son influence dans la région, déjà marquée par le renforcement des échanges commerciaux en 2024 avec l’ASEAN. La Chine, qui profite des revirements brusques de la Maison Blanche, cherche à s’imposer comme une puissance réfléchie et maître dans sa propre maison pour concurrencer les États-Unis.
À propos de l'auteur
Raphael Yussourou
Biographie non renseignée