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Au milieu des tensions en Asie du Sud et dans l’espace, la diplomatie russe cherche à se rapprocher du Maroc et de l’Inde

Publié le 24/11/2025
6 min de lecture
Par Enzo PADOVAN
Russie

La Russie s’abstient sur la résolution 2797, à propos du Sahara Occidental

Le 31 octobre, la Russie s’est abstenue de voter sur la Résolution 2797, du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Cette résolution portait sur l’extension supplémentaire, pour un an, du mandat de la MINURSO ; la mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum, au Sahara Occidental. En principe, la Russie ne s’oppose pas à cette extension, mais a justifié son abstention après le vote. D’après son représentant à l’ONU, les discussions n’ont pas permis de prendre en compte tous les amendements présentés, et la formulation de la résolution ne parvenait pas à représenter les intérêts de chaque partie. La Chine et le Pakistan se sont également abstenus.

D’un point de vue plus géostratégique, en revanche, cette position correspond au réalignement progressif de la Russie, sur la question du Sahara Occidental. En effet, la résolution soutient ouvertement le plan d’autonomie marocain, qui assure à cette région contestée un statut particulier sous la souveraineté marocaine. Fortement rejeté par l’Algérie et le Front Polisario, qui lutte pour l’indépendance du Sahara Occidental, ce plan est néanmoins de plus en plus accepté par la Russie.

A la suite de la visite diplomatique du Ministre des Affaires étrangères marocain, Nasser Bourita, la diplomatie russe se rapproche de plus en plus du Maroc. Ses intérêts économiques et énergétiques, pour le Maghreb, s’alignent en effet souvent avec ceux de Rabat. Ainsi, l’abstention russe correspond à un signal envoyé à l’égard de Rabat, lui indiquant une approbation indirecte de son projet d’autonomie. En revanche, ne souhaitant pas s’aliéner son partenaire algérien, le Kremlin conserve une attitude prudente, quant à sa posture sur le Sahara Occidental.

Tentatives de médiation russe en Asie du Sud

En octobre 2025, de courts affrontements ont eu lieu le long de la frontière afghano-pakistanaise, qui furent stoppés par un cessez-le-feu signés le 19 octobre. Pourtant, les tensions restent hautes dans la région : deux attaques terroristes ont, coup sur coup, frappé New Delhi puis Islamabad les 10 et 11 novembre. La Russie a condamné ces deux attaques, se prononçant en faveur d’une coopération internationale accrue dans la lutte contre le terrorisme.

La situation en Asie du Sud revêt une importance particulière pour la Russie, qui souhaite éviter une escalade de la violence dans la région. L’Inde et le Pakistan sont tous deux d’importants partenaires économiques pour Moscou ; quant à l’Afghanistan, le gouvernement de Vladimir Poutine se préoccupe de la menace terroriste venue du pays. En comptant sur le pouvoir des Talibans (que la Russie a officiellement reconnu cette année), le Kremlin souhaite éviter une nouvelle flambée de violence sur les bords de sa zone d’influence. Autrement, cela pourrait avoir des effets indésirables sur ses alliés d’Asie Centrale.

C’est pourquoi, le 16 novembre, la Russie s’est proposée pour assurer une médiation entre le Pakistan, d’une part, et l’Afghanistan de l’autre. Le Kremlin s’est aussi avancé pour une potentielle médiation avec l’Inde, si nécessaire. Dans tous les cas, la Russie veut préserver en Asie du Sud, une guerre pouvant gêner ses intérêts et renforcer l’instabilité de la région.

Visite indienne à Moscou, sur fond de coopération Arctique

Toujours sur le sujet de l’Inde ; le Ministre des Affaires étrangères indien, Subrahmanyam Jaishankar, s’est rendu à Moscou pour un échange entre les Etats-membres de l’OCS (Organisation de Coopération de Shangaï). Il a également rencontré Sergueï Lavrov, le 17 novembre, pour un échange sur diverses questions politiques, mais surtout économiques.

L’Inde est ainsi un partenaire stratégique de la Russie, dans le cadre de plusieurs initiatives économiques. La première, et la plus évidente, est le Corridor de transport international Nord-Sud ; ce vaste réseau de connexions routières reliant Moscou à Mumbai (en passant par l’Azerbaïdjan et l’Iran) aiderait la Russie à contourner les sanctions occidentales, pour sa propre économie.

Mais plus étonnant encore, Moscou souhaite inclure l’Inde dans son partenariat pour la Route Maritime Arctique. Ce projet maritime consisterait à développer l’accessibilité des routes maritimes arctiques, rendues plus praticables par la fonte des glaciers, entre l’Atlantique et le Pacifique. Plus courtes que le trajet par le Détroit de Magellan ou le Canal de Suez, ces voies sont également jugées plus sécuritaires, en raison de la piraterie dans la Mer Rouge ou dans les mers d’Asie du Sud-Est. De plus, cela offrirait des routes alternatives pour le commerce russe, limité encore une fois par les sanctions occidentales.

L’Inde est donc intéressée, pour sa propre économie, par cette initiative. La Russie souhaiterait alors faire rentrer New Delhi au Conseil de l’Arctique, au moins en tant qu’observateur. En quête d’alliés pour ses projets économiques, le Kremlin pourrait compter sur le soutien de son partenaire sud-asiatique, en dépit des inquiétudes écologiques suscitées par son projet arctique.

La Chine et la Russie préoccupées par la sécurité spatiale, en réponse aux projets américains

Le 18 novembre, des consultations ont eu lieu entre la Russie et la Chine, à propos de la question de la sécurité spatiale. Depuis quelques mois, les Etats-Unis parlent de lancer un projet de « Golden Dome », un système de défense antimissile reposant sur un réseau de satellites armés. Loin d’être encore réalisé (rappelons l’Initiative de Défense Stratégique de l’ère Reagan, et son échec), le Golden Dome établirait en revanche un dangereux précédent dans les tensions spatiales, en tant que premier système armé déployé en orbite.

La Russie et la Chine se sont donc dits inquiets d’une potentielle «course à l’armement» dans l’espace, et ont proposé un nouvel accord interdisant le placement d’armes en orbite. Si leurs inquiétudes sont légitimes et compréhensibles, il faut également rappeler que Moscou comme Washington ont envisagé de reprendre, chacun de leur côté, les tests nucléaires. En outre, la Chine continue d’étendre ses stocks d’armement atomique. Si une arsenalisation de l’espace n’est, en définitive, pas souhaitable, le regain d’intérêt pour le nucléaire et les armes de destruction massive est à surveiller, même sur le volet terrestre.

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