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Macron et Trump à l’ONU, deux visions diamétralement opposées de la diplomatie internationale

Publié le 25/09/2025
6 min de lecture
Par Nans AMAIL
Monde

Le 22 et le 23 septembre 2025, respectivement lors de la 80ᵉ Assemblée générale des Nations unies, Emmanuel Macron et Donald Trump ont prononcé leurs discours annuels devant l’ONU, offrant deux visions radicalement différentes de la diplomatie internationale et de la place de la France et des États-Unis dans l’ordre mondial. Ces allocutions permettent d’analyser des stratégies, des styles et des philosophies géopolitiques opposées, en particulier dans leur rapport au droit international, aux institutions multilatérales et aux crises mondiales.

Une approche fondée sur le droit international versus une posture populiste et spectaculaire

Le discours d’Emmanuel Macron s’inscrit dans une tradition diplomatique classique et tournée vers une vision multilatéraliste du droit international. En reconnaissant officiellement l’État de Palestine

, le président français a réaffirmé le droit du peuple palestinien à disposer de lui-même, tout en rappelant que cette reconnaissance ne constitue ni une punition contre Israël ni un soutien au Hamas. Fait marquant, le président français a souligné l’échec de la communauté internationale à instaurer la paix au Proche-Orient, tout en condamnant avec force le massacre du 7 octobre 2023, un acte terroriste qualifié d’impardonnable, dont le traumatisme dépasse les frontières israéliennes. La France, par cette reconnaissance, a entraîné plus de dix autres pays à suivre le même chemin, consolidant un mouvement international en faveur de la solution à deux États

À l’inverse, Donald Trump a adopté une posture populiste, frontale et spectaculaire, fondée sur l’auto-glorification et la dénonciation des institutions internationales. Il a ouvert son discours en tournant l’ONU en ridicule, affirmant que « la seule chose que m’a apporté l’ONU est un escalator en panne et un prompteur qui ne marche pas », pointant du doigt avec légèreté une organisation chargée de gérer des crises globales majeures. Loin de s’arrêter, il a revendiqué avoir « réglé 7 guerres en 7 mois » en ajoutant que l’ONU « ne [l’avait] jamais contacté ni n’[avait] jamais aidé sur quoi que ce soit ». Cette affirmation largement contestée, constitue une double problématique : d’une part, elle amplifie de manière mensongère ses réalisations diplomatiques et, d’autre part, elle diffuse une diffamation implicite sur le rôle de l’ONU, minimisant son rôle qui n’est pas fondé que sur le maintien de la paix mais également les actions diplomatiques et humanitaires, vitales pour des millions de gens.

Neutralité et diplomatie classique contre rhétorique frontale et auto-promotion

Le président français lors de son discours est resté dans une ligne directrice visant à maintenir une diplomatie équilibrée. En reconnaissant la Palestine tout en affirmant le respect pour Israël, il cherche à préserver un positionnement neutre, proche des principes classiques de la diplomatie multilatérale dont la forme du discours semble vouloir se rapprocher des interventions historiques françaises au sein des Nations Unies, tel que le discours de Dominique de Villepin à l’ONU en 2003 contre l’invasion de l’Irak. Cependant, cette reconnaissance reste symbolique tant qu’elle n’est pas accompagnée de mesures concrètes. Pour qu’elle ait un impact réel, des actions telles que l’imposition de sanctions ciblées contre les responsables israéliens impliqués dans les violences à Gaza, l’interdiction du commerce lié aux colonies israéliennes et le soutien aux actions de la Cour internationale de justice sont nécessaires. Ces mesures permettraient de renforcer la crédibilité de la France sur la scène internationale et de contribuer à une paix durable au Proche-Orient.

Trump, à l’inverse, privilégie une communication spectaculaire et personnelle, basée sur des hyperboles et des affirmations auto-glorifiantes. Il critique l’ONU et ses membres, attaque les pays européens sur la question migratoire et rejette les efforts environnementaux mondiaux, tout en dénigrant les alliances comme l’OTAN. Sa stratégie consiste à valoriser ses hauts-faits personnels et à ridiculiser ses adversaires et les institutions internationales, au détriment de la coopération multilatérale. Si cette rhétorique peut renforcer sa base interne, elle soulève des questions sérieuses sur la capacité des États-Unis à jouer un rôle de leadership responsable dans un ordre international fondé sur des règles, laissant la place à des entités qui apparaissent comme un moindre mal, tel que la Chine ou l’Inde, alors que Washington ne se soucie guère de son image à l’international.

Les implications pour l’ONU et la diplomatie internationale

L’opposition entre ces deux discours illustre la tension actuelle entre deux conceptions de l’ordre mondial : celle qui repose sur le droit international, le multilatéralisme et l’utilisation constructive des institutions existantes, et celle qui privilégie la souveraineté nationale, l’auto-promotion et le mépris des organisations internationales. Le discours du président Emmanuel Macron, bien qu’historique et porteur de reconnaissance pour la Palestine, reste dépendant de sa capacité à traduire ses paroles en actes concrets. Le discours de Trump, lui, met en évidence le risque que représente la personnalisation extrême de la diplomatie, l’utilisation à outrance de la post-vérité et l’usage de l’ONU comme tribune pour des attaques et exagérations ciblées contre des personnalités qu’il n’apprécie pas, fragilisant la crédibilité de l’institution et le dialogue international.

Ces deux discours soulignent à la fois l’utilité et la fragilité des Nations Unies. Celui de Macron montre que l’ONU peut encore servir de cadre légitime pour avancer sur des dossiers sensibles, mais révèle combien ses décisions restent dépendantes d’actions concrètes des États membres. Celui de Trump expose, à l’inverse, l’incapacité de l’organisation à contrer le mépris ou les contre-vérités d’un dirigeant majeur. L’ONU demeure un forum indispensable, mais sa crédibilité tient à sa capacité à faire appliquer ses résolutions et à résister aux usages purement symboliques ou opportunistes de sa tribune. Ensemble, ces discours soulignent les défis actuels de l’ONU, comment maintenir la crédibilité et l’autorité des institutions internationales face à des leaders qui oscillent entre multilatéralisme respectueux et posture personnelle déstabilisante.

À propos de l'auteur

Nans AMAIL

Nans AMAIL

Passionné par les relations internationales, la diplomatie multilatérale et la géopolitique, je m’intéresse particulièrement au rôle global des Nations Unies face aux enjeux sécuritaires contemporains. Au sein d’EURASIAPEACE, je travaille sur la thématique : « Les Nations Unies face aux menaces contemporaines et hybrides », en apportant une analyse critique sur l’évolution des formes de conflictualité et la capacité d’adaptation des institutions internationales.

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