Israël accusé de génocide à Gaza par les Nations Unies, une onde de choc diplomatique

La Commission internationale indépendante d’enquête des Nations Unies sur le Territoire palestinien occupé a franchi un seuil inédit. Dans un rapport rendu public le 16 septembre 2025, elle affirme que « des actes constitutifs de génocide » ont été commis par Israël dans la bande de Gaza depuis octobre 2023. Cette conclusion, immédiatement contestée par Tel-Aviv, ouvre une séquence diplomatique majeure aux implications régionales et mondiales.
Une accusation d’une gravité exceptionnelle
Créée par le Conseil des droits de l’homme en 2021, la Commission dispose d’un mandat permanent pour examiner les violations du droit international humanitaire et des droits humains en Israël et dans les territoires palestiniens occupés. Son rapport, fondé sur des milliers de témoignages, images satellites et analyses médico-légales, évoque une « intention d’extermination partielle du peuple palestinien de Gaza ».
La présidente de la Commission, Navi Pillay, souligne que la campagne militaire israélienne a entraîné une « destruction systématique » des infrastructures vitales telles que l’eau, l’électricité et les hôpitaux, couplée à des déclarations de responsables israéliens « démontrant une intention génocidaire ».
Une pression judiciaire internationale accrue
Cette enquête onusienne s’inscrit dans un contexte où la Cour internationale de Justice (CIJ) est déjà saisie. Depuis janvier 2024, l’Afrique du Sud accuse Israël de génocide au titre de la Convention de 1948. À ce jour, quinze États, du Brésil à l’Irlande, ont officiellement demandé à se joindre à la procédure, marquant un basculement du Sud global et de plusieurs pays européens vers un front judiciaire commun.
La CIJ a déjà ordonné des mesures conservatoires exigeant à Israël de prévenir tout acte relevant du génocide, mais l’instruction pourrait durer des années. L’addition de la conclusion de la Commission d’enquête renforce cependant la crédibilité du dossier et accroît la pression pour des sanctions préventives.
Répercussions diplomatiques et économiques
L’accusation de génocide place Israël face à un isolement grandissant. Plusieurs capitales latino-américaines, La Paz ou encore Bogotá ont annoncé la suspension d’accords de coopération militaire. En Afrique, l’Union africaine condamne fermement les actions d’Israël.
Au sein de l’ONU, la perspective d’un vote à l’Assemblée générale sur des sanctions ciblées se précise, même si un veto américain au Conseil de sécurité reste certain. Les agences humanitaires font déjà face à une aggravation de la crise. La bande de Gaza, ravagée par près de deux ans de guerre, compte plus de deux millions de déplacés internes, plus de 70 000 morts civils et un système de santé au bord de l’effondrement.
La position française : dénonciation mais prudence
La France, qui avait déjà qualifié en août 2025 la campagne israélienne de destructrice et dénuée de logique militaire, salue la rigueur du rapport onusien tout en rappelant que seule la CIJ est compétente pour établir juridiquement le crime de génocide.
Paris soutient l’ouverture d’une enquête du procureur de la Cour pénale internationale, mais insiste sur la nécessité de préserver les canaux de dialogue avec Israël et l’Autorité palestinienne. Le Quai d’Orsay plaide pour un cessez-le-feu immédiat, la protection des civils et la reprise d’un processus politique crédible.
Sur le plan économique, la France se déclare favorable à l’initiative européenne, relayée par la Commission et plusieurs États membres, qui prévoit notamment la suspension de certaines dispositions de l’accord d’association UE-Israël et des restrictions sur les exportations de biens à usage militaire, sous réserve d’une coordination européenne étroite afin de préserver l’efficacité et la portée humanitaire de ces mesures.
Bruxelles prépare une proposition de sanctions graduées, incluant la mise en veille de l’accord d’association UE-Israël. L’Allemagne et la Hongrie freinent encore, arguant d’un risque de rupture stratégique au Moyen-Orient. Mais l’Irlande, l’Espagne et la Belgique, rejoints par la France, estiment que l’inaction minerait la crédibilité de l’Europe en matière de droit international.
La Haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères, citant le rapport onusien, a appelé Israël à « cesser immédiatement les opérations à Gaza et à autoriser un accès humanitaire total ». Un vote du Conseil des ministres des Affaires étrangères est attendu début octobre.
Vers un tournant géopolitique ?
L’accusation de génocide contre Israël n’est pas seulement un débat juridique; elle redéfinit l’équilibre diplomatique mondial. Elle renforce la fracture entre un bloc occidental prudent, États-Unis, Canada, Royaume-Uni et une coalition Sud global avec l’Europe du Sud prête à recourir à des instruments de sanction.
Pour l’ONU, l’enjeu dépasse le seul conflit israélo-palestinien, il s’agit de prouver que le droit international peut s’appliquer même à des alliés de puissances majeures. Si la CIJ venait à confirmer l’existence d’un génocide, le précédent serait historique, comparable au jugement rendu contre la Serbie pour Srebrenica en 2007, mais dans un contexte de rivalités régionales bien plus explosif.
À propos de l'auteur
Nans AMAIL
Passionné par les relations internationales, la diplomatie multilatérale et la géopolitique, je m’intéresse particulièrement au rôle global des Nations Unies face aux enjeux sécuritaires contemporains. Au sein d’EURASIAPEACE, je travaille sur la thématique : « Les Nations Unies face aux menaces contemporaines et hybrides », en apportant une analyse critique sur l’évolution des formes de conflictualité et la capacité d’adaptation des institutions internationales.