Les relations entre les États-Unis avec les pays de l’Indo-pacifique – Point de situation au 24/02/2025

La deuxième campagne électorale de Donald Trump, à l’image de la première, est axée sur le commerce et le retour à l’emploi aux États-Unis. Pour le nouveau Président, sa mission semble claire, il s’agit de rétablir la puissance, notamment économique, des États-Unis. Un programme électoral empreint d’un fort protectionnisme et dans lequel les tarifs douaniers ont une place prépondérante visant à «sanctionner» les nations qui «profiteraient» de l’économie américaine.
Après un mois à la tête de la Maison Blanche, Donald Trump a d’ores et déjà imposé des droits de douanes importants vis-à-vis du Canada, du Mexique et de la Chine. Ce signal d’alerte inquiète de nombreux autres pays qui dépendent largement des États-Unis dans le domaine commercial. Les pays de l’Indo-pacifique, en particulier ceux de l’Asie du Sud-Est, sont aujourd’hui au cœur de l’économie mondiale et pourraient être les prochains visés par cette nouvelle politique visant à réduire les déséquilibres commerciaux et rapatrier les emplois, notamment manufacturés, aux États-Unis.
Alors que la suspension des aides humanitaires pendant 90 jours semble avoir déjà un impact important dans les pays de la région sur leur programme de développement, les pays de l’Indo-pacifique observent avec attention chacun des pas du Président américain. Si Donald Trump venait à imposer et poursuivre sa politique d’augmentation des droits de douanes de 10 à 20%
Une inquiétude d’autant plus grande que tous les membres de l’ASEAN bénéficient actuellement d’un excédent commercial avec les États-Unis, rendant la situation préoccupante à l’échelle régionale. À ce jour, la Thaïlande et le Vietnam possèdent les plus importants déséquilibres commerciaux avec les États-Unis, ce qui les placent en première ligne si ces mesures venaient à être mises en place.
Malgré tout, les pays d’Asie du Sud-Est et membres de l’ASEAN tentent de garder une posture commune face à ces nouveaux enjeux. Le ministre des affaires étrangères malaisien, Mohamad Hasan, a déclaré en septembre 2024, lors de la 79ᵉ session du débat général de l’Assemblée générale des Nations Unies que la Malaisie oeuvrera à «renforcer la centralité de l’ASEAN face à l’émergence d’accords multilatéraux impactant la région. Il s’agit d’une étape clé pour éviter que la région ne soit prise au piège de rivalités géopolitiques inutiles ou d’une possible escalade […]. Nous le ferons ensemble. La diversité de notre région, loin d’être un obstacle, symbolise au contraire notre capacité à bâtir des ponts». Cette déclaration illustre ainsi la volonté des pays de l’Indo-Pacifique de trouver des solutions face à une éventuelle détérioration de la situation économique.
Néanmoins, tous les pays ne sont pas au même niveau. Certains d’entre eux, comme Singapour ou la Corée du Sud, semblent être à l’abri des risques au vu de leurs accords de libre-échange avec les États-Unis. Bien que les déclarations des divers ministres laissent entendre une volonté de véritable coopération entre les pays de l’Indo-pacifique, un scénario alternatif pourrait néanmoins conduire à une concurrence accrue entre ces nations, plutôt qu’à une défense des intérêts communs.
Par ailleurs, la plupart des pays de la région reçoivent des investissements majeurs de la Chine, sous l’égide de son projet Belt Road Initiative et la Chine semble prête à investir davantage pour combler le manque à gagner des entreprises.
La reprise d’une « guerre économique » entre les États-Unis et la Chine pourrait non seulement intensifier les tensions commerciales, mais aussi exacerber les enjeux politiques et sécuritaires dans la région. Certains pays craignent que Donald Trump n’exploite cette situation comme un levier stratégique. La plupart des États de la zone bénéficient d’un accord de défense avec Washington, mais aux yeux de Donald Trump, ceux dont les dépenses militaires restent limitées sont perçus comme des « profiteurs ». Dès lors, l’imposition de droits de douane pourrait être présentée comme une contrepartie à cette assistance militaire. Par ailleurs, l’augmentation des tensions dans la région pourrait également avoir un impact négatif sur les investissements étrangers, dissuadant les capitaux de se diriger vers des marchés jugés instables.
Autrement dit, les nouvelles ambitions de l’administration de Donald Trump en faveur d’une politique protectionniste forte et des droits de douane importants pourraient avoir des effets dévastateurs sur le commerce et les investissements dans la région de l’Indo-pacifique, mettant de nouveau en lumière la contradiction entre la doctrine « America First » et le multilatéralisme que les États-Unis prétendent défendre.
Il faut également garder à l’esprit que depuis son premier passage à la Maison Blanche, et malgré le fait que les pays de l’Indo-pacifique aient été en grande partie en faveur de l’administration de Donald Trump, les gouvernements de la région ont également connu de nombreux changements politiques ses dernières années. Les politiques étrangères ne sont plus les mêmes qu’auparavant et semblent plus actives. Enfin, l’indifférence apparente de de Donald Trump envers l’Asie du Sud-Est, l’instabilité des projections futures, combinées à des choix de politique étrangère discutables tels que sa proposition concernant Gaza et la suppression de l’USAID, compromet la crédibilité des États-Unis au sein de cette région.
À propos de l'auteur
Sidonie Ayroles
Diplômée en Relations Internationales, Sécurité et Défense, Sidonie a une forte appétence pour l’analyse géopolitique et les enjeux stratégiques. Spécialisée dans l’évaluation des risques sécuritaires, elle s'intéresse aux dynamiques de défense et aux menaces contemporaines, alliant veille stratégique et réflexion prospective sur les équilibres internationaux.