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Les relations des États-Unis avec les pays de l’Indopacifique – Point de situation au 30/03/2025

Publié le 30/03/2025
6 min de lecture
Par Sidonie Ayroles
Asie de l'est

À l’heure où la fiabilité des alliances avec les États-Unis est remise en question, dans un contexte marqué par la persistance des conflits en Ukraine et au Proche-Orient, les incertitudes s’étendent désormais à l’Indopacifique. Bien que les pays de la région privilégient une posture de non-alignement, comme l’a affirmé le Premier ministre japonais Shigeru Ishiba le 3 mars en déclarant : «Nous n’avons pas l’intention de prendre parti. Le plus important est de maintenir l’unité», la dépendance aux États-Unis comme principal soutien militaire est en pleine réévaluation.

L’implication des États-Unis en Indopacifique suscite des interrogations, notamment en Australie, où les retards dans la livraison des sous-marins nucléaires prévus par l’accord AUKUS ravivent les débats. Dans ce contexte d’incertitude, la Chine a intensifié sa présence militaire dans la région, menant des exercices en mer de Tasman au début du mois. Bien que légaux, ces déploiements interviennent peu après la visite du commandant américain Samuel Paparo

, venu discuter du réengagement stratégique des États-Unis auprès de l’Australie. Face aux évolutions potentielles de l’architecture sécuritaire régionale, Canberra reste vigilante et cherche donc à renforcer sa préparation.

Par ailleurs, l’augmentation des pressions de la Chine en mer de Chine méridionale, vis-à-vis de Taïwan mais également des Philippines, a amené le gouvernement philippin à s’entretenir avec Washington le 5 février 2025. À cette occasion, les États-Unis ont réitéré leur engagement à l’égard du traité bilatéral de défense de 1951. Les deux pays ont également affirmé la nécessité de continuer les efforts conjoints en mer de Chine Méridionale.

Les Philippines font également partie des rares pays ayant été exemptés de l’arrêt total de l’USAID des États-Unis. 336 millions de dollars auraient été versés pour la modernisation de la défense philippine. Cela rejoint l’intérêt des Philippines dans l’acquisition de missiles Typhon, annoncé par le gouvernement en décembre dernier. Le secrétaire de défense américain Pete Hegseth devait justement se rendre cette semaine aux Philippines pour aborder ces sujets plus en détails. Cependant, à l’image de l’Ukraine, il n’est pas impossible que Donald Trump finisse par revenir sur sa décision.

La Thaïlande est, elle aussi, soucieuse de la continuation de l’investissement américain. Là encore, les États-Unis ont réaffirmé leur engagement auprès de leur allié historique. Dans cette logique, les deux pays ont lancé l’exercice militaire conjoint «Cobra Gold». Ces exercices annuels rassemblent une trentaine de pays et près de 8000 hommes, étant donc le plus grand exercice militaire conjoint de la région. Ayant pour but d’améliorer l’interopérabilité, les commandes communes mais aussi le développement de l’aide humanitaire et de la cybersécurité, il permet avant tout aux États-Unis de montrer leur présence et leur implication militaire.

Des manœuvres militaires ont récemment également été réalisées entre le Japon, les Philippines et les États-Unis, impliquant un avion de reconnaissance américain et des navires de guerre japonais et philippins. Cette opération, sur fond de tensions avec Pékin, souligne le renforcement des liens sécuritaires entre Tokyo et Manille, illustré par l’aide japonaise à la modernisation de certains radars philippins. Le Japon se positionne comme un acteur clé du renforcement des capacités de défense des pays d’Asie du Sud-Est, illustrant ainsi la tendance régionale à explorer de nouvelles alliances et à réduire la dépendance à un seul partenaire militaire.

Depuis le début de l’année 2025, la Chine a intensifié ses manœuvres militaires autour de Taïwan, multipliant les incursions dans sa zone d’identification de défense aérienne (ADIZ). Début mars, plus de 30 avions de combat chinois ont été repérés en une seule journée, accompagnés de navires de guerre croisant à proximité du détroit de Taïwan. Pékin justifie ces exercices comme une réponse aux «provocations extérieures», notamment le renforcement des liens entre Taipei et Washington.

Face à cette pression croissante, les États-Unis ont accéléré leurs livraisons d’armes à Taïwan, en particulier des systèmes de défense aérienne et des missiles anti-navires, destinés à dissuader toute tentative de blocus chinois. Par ailleurs, Washington a intensifié la formation des forces taïwanaises, avec l’envoi de conseillers militaires et l’organisation d’exercices conjoints. Cette dynamique, qui s’inscrit dans une volonté américaine de consolider les capacités défensives de l’île, alimente davantage les tensions avec Pékin, qui considère toute aide militaire étrangère à Taïwan comme une ingérence dans ses affaires intérieures.

Cependant, si pour le moment les États-Unis semblent rester engagés dans cette région du monde, les pays de l’Indopacifique préfèrent tout de même diversifier leurs partenariats en matière de défense. Plusieurs États explorent de nouvelles alliances et afin de renforcer leur autonomie en matière de défense. L’Inde a donc choisi de fortifier et consolider ses partenariats en Asie du Sud-Est. Son rapprochement avec le Vietnam, marqué par un accord récent sur les missions de défense, s’inscrit dans une relation historique datant de la guerre froide. Cette dynamique séduit également l’Indonésie, qui envisage un partenariat militaire renforcé avec New Delhi.

Dans un contexte où la montée en puissance de la Chine inquiète la région, notamment avec la récente construction d’une nouvelle flotte navale dévoilée le 13 mars, l’Inde se positionne comme un acteur sécuritaire fiable. En développant ses liens avec les États d’Asie du Sud-Est, elle cherche non seulement à garantir sa propre sécurité mais aussi à asseoir son influence sur la scène internationale.

Ainsi, alors que les incertitudes sur l’engagement des États-Unis en Indopacifique persistent, la région s’adapte en multipliant les initiatives pour diversifier ses alliances et renforcer ses capacités de défense. L’avenir de cette région dépendra autant de la politique étrangère américaine sous la prochaine administration que de la capacité des États asiatiques à structurer des coopérations autonomes et durables. Reste à voir si ces dynamiques aboutiront à une architecture de sécurité plus équilibrée ou à une polarisation encore plus marquée entre Pékin et Washington.

 

À propos de l'auteur

Sidonie Ayroles

Sidonie Ayroles

Diplômée en Relations Internationales, Sécurité et Défense, Sidonie a une forte appétence pour l’analyse géopolitique et les enjeux stratégiques. Spécialisée dans l’évaluation des risques sécuritaires, elle s'intéresse aux dynamiques de défense et aux menaces contemporaines, alliant veille stratégique et réflexion prospective sur les équilibres internationaux.

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