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Les Nations Unies face à la suppression de l’USAID, un cataclysme humanitaire

Publié le 14/04/2025
6 min de lecture
Par Nans AMAIL
Monde

Les Nations Unies face à la suppression de l’USAID, un cataclysme humanitaire

Le retour de l’administration Trump a déjà amorcé de profonds bouleversements géopolitiques, en particulier dans le domaine de l’aide internationale et de la coopération multilatérale. L’un des développements les plus lourds de conséquences est la possible restructuration,voire la dissolution pure et simple de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), une décision qui risque de perturber considérablement les efforts humanitaires mondiaux. Étant donné le rôle historiquement dominant des États-Unis dans le financement des programmes d’aide internationale, de tels changements pourraient gravement nuire à l’efficacité des Nations Unies (ONU) et à leur capacité à répondre aux crises dans le monde entier.

Le gel de l’aide américaine, des conséquences immédiates et mondiales

La décision de l’administration Trump de geler presque tous les programmes d’aide étrangère américaine a déjà entraîné la suspension de services essentiels pour les populations vulnérables, selon les rapports de l’ONU. En Asie du Sud, le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) a averti que l’absence de soutien américain entre 2025 et 2028 pourrait entraîner environ 1 200 décès maternels supplémentaires et 109 000 grossesses non désirées.

En Afghanistan, où l’USAID était un acteur clé des services de santé reproductive, le retrait soudain du financement a laissé d’innombrables femmes sans accès aux soins essentiels. Actuellement, une mère meurt toutes les deux heures de complications liées à la grossesse, souvent évitables, une situation qui risque de s’aggraver sans l’aide américaine. De même, au Pakistan, environ 1,7 million de personnes, dont 1,2 million de réfugiés afghans, pourraient perdre l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive en raison de la fermeture de plus de 60 centres de santé.

Le Bangladesh, qui accueille près de 700 000 réfugiés rohingyas, constitue un autre point chaud. L’arrêt brutal du financement américain a gravement limité les efforts visant à fournir des services de santé maternelle, laissant des milliers de femmes dans des conditions de grande vulnérabilité. Ces chiffres soulignent que le retrait de l’USAID ne relève pas d’une simple réorganisation administrative, mais représente un basculement aux conséquences vitales pour des millions de personnes.

Le déclin institutionnel de l’USAID et ses implications géopolitiques

La décision de l’administration Trump de placer l’USAID sous l’autorité du Secrétaire d’État, tout en restreignant l’accès des employés de l’agence à leurs bureaux, a suscité l’inquiétude des milieux diplomatiques et humanitaires. Ces changements signalent une volonté de réduire l’aide au développement dans la politique étrangère américaine et un possible glissement vers une approche plus transactionnelle des relations internationales. Historiquement, l’USAID bénéficiait d’un certain degré d’autonomie lui permettant de répondre rapidement aux crises humanitaires. Désormais, ses fonctions étant absorbées par le Département d’État, les considérations politiques risquent de prendre le pas sur les impératifs humanitaires.

Une des principales conséquences de ce déclin est la difficulté croissante pour l’ONU de mener à bien ses missions humanitaires à l’échelle mondiale. Les États-Unis ont traditionnellement été le principal donateur d’aide internationale, représentant environ 47 % du financement humanitaire mondial en 2024. La réduction des contributions américaines crée un déficit de financement considérable, contraignant l’ONU à réduire ses opérations, notamment dans les zones touchées par les conflits et les déplacements.

Alessandra Vellucci, directrice du Service de l’information de l’ONU à Genève, a réitéré l’appel du Secrétaire général des Nations Unies à une relation de confiance avec l’administration Trump, indiquant la volonté de l’organisation de maintenir le dialogue. Toutefois, ces démarches diplomatiques pourraient ne pas suffire à infléchir la position américaine, surtout au vu de l’hostilité passée envers les institutions multilatérales.

Quel avenir pour les Etats-Unis et l’ONU ?

Le précédent mandat de Donald Trump a été marqué par une attitude hostile envers l’ONU, ponctuée de réductions de financement, de retraits d’accords clés et de critiques fréquentes sur l’efficacité de l’institution. L’évolution actuelle semble poursuivre cette tendance, le déclin de l’USAID en étant l’un des signes les plus tangibles.

L’ONU, de son côté, tente de s’adapter à ces changements en réaffirmant son engagement en faveur de la coopération. Les agences onusiennes maintiennent un dialogue actif avec les ambassades américaines pour préserver un minimum de continuité dans le financement et la mise en œuvre des programmes. Cependant, sans un changement fondamental de politique aux États-Unis, ces efforts risquent d’avoir un impact limité.

Le démantèlement potentiel de l’USAID et l’abandon plus large du multilatéralisme représentent un tournant pour les efforts humanitaires mondiaux. Si l’administration Trump présente ces décisions comme faisant partie d’une politique « America First », leurs conséquences dépassent largement les frontières américaines. Comme le montrent les rapports de l’OCHA, les populations les plus vulnérables du monde en paieront le prix, alors que des services essentiels de santé et de protection disparaissent du jour au lendemain.

L’appel de l’ONU à un engagement continu des États-Unis dans l’aide internationale souligne l’importance cruciale de maintenir ces programmes vitaux. Néanmoins, l’arrivée du président Donald Trump n’est pas le seul facteur de la baisse des capacités humanitaires des Nations Unies et de ses organes. En effet, le manque de volonté de fournir des financements vitaux des sujets globaux est récurrent et concerne une partie non négligeable des États membres. La fin annoncée de l’USAID par la nouvelle présidence américaine brise le tabou du désintérêt croissant des chefs d’États pour les causes humanitaires et sécuritaires transnationaux.

À propos de l'auteur

Nans AMAIL

Nans AMAIL

Passionné par les relations internationales, la diplomatie multilatérale et la géopolitique, je m’intéresse particulièrement au rôle global des Nations Unies face aux enjeux sécuritaires contemporains. Au sein d’EURASIAPEACE, je travaille sur la thématique : « Les Nations Unies face aux menaces contemporaines et hybrides », en apportant une analyse critique sur l’évolution des formes de conflictualité et la capacité d’adaptation des institutions internationales.

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