La crise haïtienne, entre espoirs et désillusions

La crise haïtienne, entre espoirs et désillusions
Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021, Haïti est plongée dans une crise politique, sécuritaire et humanitaire sans précédent. L’absence de gouvernance légitime a permis aux gangs de proliférer, contrôlant désormais environ 85 % de la capitale, Port-au-Prince. Cette situation a conduit à une augmentation drastique des violences, avec des milliers de morts et de déplacés internes.
Face à cette détérioration, le gouvernement haïtien a sollicité une assistance internationale. En réponse, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 2699 le 2 octobre 2023, autorisant la création d’une Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) dirigée par le Kenya. lative -mx-px my-[-0.2rem] rounded px-px py-[0.2rem] transition-colors duration-100 ease-in-out">Cette mission vise à soutenir la Police nationale haïtienne (PNH) dans la lutte contre les gangs et à rétablir l’ordre public.
Cependant, malgré l’adoption de cette résolution, la mise en œuvre de la MMAS a été lente et complexe. Les premiers contingents kényans ne sont arrivés en Haïti qu’en juillet 2024, soit huit mois après l’adoption de la résolution. Cette lenteur s’explique par des défis logistiques, juridiques et politiques, tant au Kenya qu’au sein de la communauté internationale. Par ailleurs, la mission souffre d’un sous-financement chronique. Alors que le budget annuel estimé est de 600 millions de dollars, seuls 85 millions avaient été reçus en octobre 2024. Cette insuffisance de ressources compromet l’efficacité de la MMAS et limite sa capacité à répondre aux besoins sécuritaires urgents du pays.
Les ambitions de la mission kenyane confrontée à la réalité du terrain
Le choix du Kenya pour diriger la MMAS s’inscrit dans une volonté de diversifier les acteurs des opérations de maintien de la paix et de renforcer la coopération Sud-Sud. Le président kényan William Ruto a présenté cette mission comme une opportunité pour son pays de jouer un rôle plus actif sur la scène internationale.
Cependant, cette ambition se heurte à des réalités complexes. Les forces kényanes déployées en Haïti sont confrontées à un environnement urbain dense, contrôlé par des gangs bien armés et organisés. De plus, la barrière linguistique et les différences culturelles compliquent les interactions avec la population locale et la coordination avec la PNH. Le contrôle à plus de 85% de la capitale s’ajoute à la perte de tous les axes routiers en direction de Port-au-Prince. Ces derniers sont la cible prioritaire des gangs qui mettent en place des offensives coordonnées pour s’emparer des nouvelles zones comme Kenscoff. Les attaques de prison sont également régulières, avec au moins 5 évasions massives en moins d’un an dues à des attaques de gangs dont la plus récente à vu plus de 500 détenus prendre la fuite.
Une mission policière peu adaptée à la violence généralisée
En outre, la légitimité de la MMAS est remise en question par certains segments de la société haïtienne, qui perçoivent cette intervention comme une ingérence étrangère. Cette perception est renforcée par les antécédents controversés des précédentes missions internationales en Haïti, notamment la MINUSTAH, accusée d’abus et de propagation du choléra.
Malgré ces défis, la MMAS a réussi à établir une présence dans certaines zones stratégiques de Port-au-Prince et à soutenir la PNH dans des opérations ciblées contre les gangs. Néanmoins, ces actions restent limitées et insuffisantes pour inverser la dynamique de violence généralisée qui prévaut dans le pays. Les chiffres qui sont communiqués appuient l’inefficacité latente de la mission avec 1.086 morts et 383 blessés en février et mars. « Les efforts du gouvernement haïtien ne suffiront pas pour réduire significativement l’intensité et la violence des groupes criminels » déclare la représentante spéciale du SG de l’ONU Mme Salvador.
Les réticences des Nations Unies face à l’aggravement de la crise
Face à cette situation, des voix s’élèvent pour appeler à une transformation de la MMAS en une mission de maintien de la paix sous l’égide de l’ONU, avec un mandat plus robuste et des ressources accrues. Le président Ruto s’est déclaré ouvert à cette possibilité, bien que des obstacles diplomatiques subsistent. En effet, le Secrétaire général Antonio Guterres semble préférer renforcer la MMAS avec un appui opérationnel et logistique financé par le budget de maintien de la paix de l’ONU. Malgré l’urgence, le sujet est abordé avec prudence sans rentrer dans les détails de cette aide. La demande d’activer une nouvelle opération de maintien de la paix en Haïti ne semble également pas faire partie de l’équation.
Le Conseil présidentiel de transition en remplacement du président assassiné a réitéré son objectif de tenir des élections d’ici 2026. Cependant, l’aggravement de la situation tend à faire penser que cette initiative vers un retour de l’état de droit n’est pas réaliste. Mme Salvador dans ce même sens tire la sonnette d’alarme en exhortant que « Haïti pourrait être confrontée à un chaos total et tout retard dans votre soutien pourrait être la cause directe d’une telle détérioration« . Bien loin des promesses du Conseil de sécurité et des annonces du président William Russo, la MMAS se retrouve embourbée dans la crise haïtienne.
À propos de l'auteur
Nans AMAIL
Passionné par les relations internationales, la diplomatie multilatérale et la géopolitique, je m’intéresse particulièrement au rôle global des Nations Unies face aux enjeux sécuritaires contemporains. Au sein d’EURASIAPEACE, je travaille sur la thématique : « Les Nations Unies face aux menaces contemporaines et hybrides », en apportant une analyse critique sur l’évolution des formes de conflictualité et la capacité d’adaptation des institutions internationales.