États-Unis et Indopacifique : la stratégie américaine pour la stabilité de l’Indopacifique, entre alliances et manoeuvres

Malgré les incertitudes économiques qui pèsent sur la région Indopacifique, alimentées par les récentes annonces du gouvernement américain, le volet sécuritaire semble, quant à lui, résilient. Alors que certains craignaient un désengagement des États-Unis dans le domaine de la défense en raison du contexte économique, la reprise de nombreuses manœuvres militaires démontre au contraire une volonté de maintenir, voire de renforcer, leur présence stratégique dans la région.
L’amiral Samuel Paparo a déclaré lors d’un discours devant le Sénat américain que l’Indopacifique restait la priorité numéro une du ministère de la Défense sous l’administration Trump. Il a ensuite établi un état des lieux du contexte stratégique régional et des potentielles menaces qui pourraient survenir, avec incontestablement la Chine en tant qu’acteur principal.
En effet, les tensions s’accentuent dans la région avec une augmentation de 300% des actions à l’encontre de Taïwan depuis 2024. Ces opérations militaires, guerre cognitive, cyberattaques et coercition économique envers Taïwan se combinent à une modernisation de la flotte chinoise, comptant 7 nouveaux sous-marins, ou encore le développement de missiles balistiques et d’armes de destruction massive. Mais Taïwan n’est pas l’unique point de tension en mer de Chine Méridionale. Les flottes philippine et vietnamienne, notamment, sont régulièrement prises pour cibles. Par ailleurs, la présence de la Russie
L’amiral Paparo donne ainsi les grands axes de sa vision politique pour l’USINDOPACOM, le commandement américain en Indopacifique. L’objectif défini est de dissuader et gérer les crises ainsi que d’être prêt au combat dans la région. Cela passe inévitablement par une présence visible et crédible, notamment en démontrant la force d’action rapide que les États-Unis peuvent déployer. Ainsi, en 2024, de nombreux exercices conjoints avaient été menés dans la zone afin de démontrer la capacité opérationnelle et la coopération alliée. À ce même titre, plusieurs exercices militaires conjoints ont débuté en mars et avril 2025.
En mars 2025, l’exercice Sea Dragon, s’est tenu à la base aérienne d’Andersen, à Guam, réunissant les forces des États-Unis, de l’Australie, de l’Inde, du Japon et de la Corée du Sud. Cet exercice visait à renforcer les capacités de guerre anti-sous-marine et à améliorer la coopération multinationale et l’interopérabilité.
Le projet Capston 5, pour sa part lancé en avril 2025, implique des manœuvres à Hawaï, Guam, aux Philippines, au Japon et en Australie. Mené par l’armée américaine, cet exercice représente une étape majeure dans la modernisation des capacités de commandement et de contrôle interarmées. Il s’inscrit dans l’initiative Combined Joint All-Domain Command and Control (CJADC2), visant à intégrer les systèmes de tous les domaines opérationnels (terre, air, mer, espace, cyber) pour fournir des données précises et en temps réel aux commandants.
Enfin, l’exercice Balikatan, lancé le 21 avril 2025, implique environ 9 000 soldats américains, 5 000 soldats philippins, ainsi que des participants australiens et japonais. Se déroulant sur 3 semaines, il prévoit une simulation à grande échelle sur les plans maritime et aérien. L’objectif étant de renforcer la préparation au combat conjoint et la sécurité régionale, notamment relative aux questions de la mer de Chine Méridionale.
D’autres exercices conjoints de plus petites envergures ont également eu lieu. Les États-Unis ont déployé une unité de la Bomber Task Force de l’U.S Air Force, ainsi que des aviateurs et d’autres équipements sur la base aérienne japonaise de Misawa le 15 avril 2025.
En parallèle de ce contexte opérationnel, les États-Unis ont réaffirmé leur engagement auprès de la Nouvelle-Zélande, de l’Australie, de Taïwan ou encore de l’Inde au cours de d’entrevues récentes. L’Inde a justement reçu la visite du vice-président James David Vance dans l’idée de renforcer les relations bilatérales et faire progresser les négociations commerciales, tout en abordant les thématiques de coopération en matière de défense et de technologies. Il a notamment été question de l’intégration d’équipements militaires américains et des opportunités d’investissement.
Le sénateur américain Pete Ricketts a également réaffirmé le 18 avril 2025, l’engagement des États-Unis à aider Taïwan dans sa défense et à maintenir la paix dans le détroit de Taïwan. Il a souligné le soutien bipartisan du Congrès américain à Taïwan et a exprimé l’espoir d’une résolution pacifique des différends sans recours à la coercition ou à la force.
De plus, lors du salon aéronautique international d’Avalon, les forces américaines et australiennes ont démontré leur engagement commun en matière de coopération spatiale, d’efficacité au combat et de létalité dans le domaine spatial indopacifique. Cet événement a mis en évidence les priorités actuelles et futures des deux nations dans le domaine spatial, chacun soulignant l’importance des exercices partenaires annuels comme Cobra Gold ou Talisman Sabre. La participation des US à ce salon démontre une intention particulière pour les alliances.
Ainsi, avec 24 bases militaires permanentes et un accès à 20 autres sites dans la région, les États-Unis maintiennent une présence stratégique significative dans l’Indopacifique. La multiplication des exercices conjoints reflète à la fois la fragilité croissante de cet espace géopolitique et l’importance qu’accordent les États-Unis à leurs engagements de défense. Pour l’instant, Washington semble reste fidèle à sa ligne diplomatique, visant à préserver la stabilité régionale tout en affirmant sa position face aux menaces émergentes.
À propos de l'auteur
Sidonie Ayroles
Diplômée en Relations Internationales, Sécurité et Défense, Sidonie a une forte appétence pour l’analyse géopolitique et les enjeux stratégiques. Spécialisée dans l’évaluation des risques sécuritaires, elle s'intéresse aux dynamiques de défense et aux menaces contemporaines, alliant veille stratégique et réflexion prospective sur les équilibres internationaux.