Chine
Economie

État des relations sino-américaines après les négociations de Londres

Publié le 17/06/2025
7 min de lecture
Par Raphael Yussourou
Asie de l'est

La Chine prévoit d’acheter massivement des Airbus au détriment des Boeing

À l’occasion de l’anniversaire des cinquante ans de l’établissement des relations diplomatiques entre l’Union Européenne (UE) et la Chine, des informations du journal Bloomberg émettent l’hypothèse d’un passage d’une commande records d’appareils Airbus. D’après Bloomberg, la commande comprendrait entre 200 et 500 appareils, à fuselage étroit et à fuselage large.

La nouvelle fait écho à l’arrêt des commandes de Boeing par la Chine, en réponse aux droits de douane de 145% imposés par Donald Trump à la Chine dans les semaines suivant le début de son second mandat. À cette occasion, le directeur de Boeing, Kelly Ortberg, avait expliqué que «nous avions trois avions en Chine qui étaient prêts à être livrés mais, il me semble, deux sont déjà revenus (aux États-Unis) et nous sommes en train de rapatrier le troisième».

Les décisions prises par Pékin s’inscrivent dans un contexte multiple. Si à première vue il semblerait que les mesures soient prises dans le cadre de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, il apparaît que ce désamour est plus anci

en : l’Empire du milieu mise davantage sur Airbus depuis plusieurs années, au détriment de son concurrent américain, auprès duquel la dernière commande importante remonte à 2017. De plus, la Chine avait également arrêté l’utilisation des Boeing 737 MAX suite à deux accidents en 2018 et 2019, causant la mort de 346 personnes.

La Chine semble capitaliser sur le contexte géopolitique pour poursuivre la restructuration de son économie. Logique économique pure ou tentative stratégique de bénéficier des technologies européennes ? Un article récemment publié par le New York Times évoque les tentatives d’espionnage réalisées par la Chine auprès de son allié russe, interrogeant les potentielles intentions officieuses motivant l’achat d’appareils Airbus.

Favoriser le développement de l’intelligence artificielle grâce à l’énergie verte

Depuis le 27 janvier 2025, la Chine s’est révélée aux yeux du monde comme un pionnier de l’intelligence artificielle grâce à son modèle large de langage (LLM) concurrençant les équivalents américains : Deepseek. Et il s’avère qu’en parallèle du développement de l’intelligence artificielle, la Chine s’efforce de développer son secteur des énergies renouvelables, afin de soutenir sa croissance par l’exportation tout en essayant de contrebalancer ses fortes émissions de gaz à effet de serre.

Uun article publié par le SCMP avance que la Chine tente d’allier la production énergétique et l’alimentation des centres informatiques dédiés à l’intelligence artificielle. En raison de la forte demande énergétique due à l’utilisation des transports, une forte demande industrielle, une population nombreuse et le développement de l’informatique, Pékin tente une nouvelle approche afin de réguler sa consommation électrique.

Mercredi 6 juin, l’administration chinoise a donc annoncé un nouveau plan permettant de relier les centres de données de l’intelligence artificielle aux réseaux des énergies renouvelables. L’Administration nationale de l’énergie de Chine a déclaré vouloir se concentrer sur «les nœuds nationaux et les régions périphériques riches en ressources telles que le Qinghai, le Xinjiang et le Heilongjiang, en coordonnant la demande existante et nouvelle des centres de données en électricité verte avec la capacité locale en énergie renouvelable». De plus, le ministère de l’Industrie et des Technologies de l’information prévoit également de «soutenir les petites entreprises spécialisées» autant que «les grandes entreprises d’IA» et améliorer l’efficacité des entreprises chinoises.

Selon un rapport publié en février 2025 par l’International Data Corporation (IDC) et Inspur Information, la consommation énergétique liée à l’intelligence artificielle devrait croître de 43 % par rapport à l’année 2024. C’est pourquoi la Chine compte lier les deux secteurs pour subvenir à sa demande croissante.

États sur la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine

Si la Chine pouvait se vanter d’une croissance économique positive au premier semestre 2025, les droits de douanes mis en place par les États-Unis ont entraîné la chute des exportations chinoises vers les Etats-Unis de 34,5% en mai glissement annuel. Cette baisse est aussi importante que celle enregistrée en février 2020 pendant l’épidémie de COVID-19.

La Chine connaît au mois de mai par ailleurs le niveau le plus bas niveau de ses exportations sur l’année 2025, malgré une progression de 4,8 % par rapport au mois précédent – Pékin comptait sur une hausse de 8,1% en avril et 12,4% en mars.

L’économiste Xu Tianchen de l’Economist Intelligence Unit pense que «la croissance des exportations a probablement été freinée par les inspections douanières durcies en mai en raison des efforts accrus de contrôle des exportations». En effet, même si Washington et Pékin se sont accordés une trêve de 90 jours en mai dernier à Genève, permettant d’abaisser les droits de douane sur les produits chinois de 145% à 30% et de 125% à 10% pour les produits américains, les deux pays ont maintenu les restrictions sur l’exportation des terres rares du côté chinois, et des puces informatiques du côté américain.

Ces restrictions mutuelles ont représenté le cœur des négociations du lundi 9 juin à Londres, impliquant des représentants américains et chinois. L’Angleterre, qui a accueilli les délégations mais a affirmé ne pas participer aux négociations, a exprimé le souhait défendre un environnement commerciale international propice et viable au plus grand nombre. En amont des négociations Karoline Leavitt, porte-parole de la Maison Blanche, avait déclaré sur FoxNews que le gouvernement américain souhaitant que «la Chine et les États-Unis poursuivent sur la lancée de l’accord signé à Genève», s’alignant donc sur la position de Donald Trump.

Selon Kevin Hassett, conseiller économique de la Maison blanche, les restrictions chinoises sur l’exportation des terres rares, dont la Chine contrôle environ 70% de la production mondiale en 2023, devaient connaître un allègement suite à l’échange téléphonique entre Donald Trump et Xi Jinping la semaine précédent la rencontre. Le président américain avait souligné la crucialité de ces allègements, arguant que ces restrictions impactaient et fragilisaient tout autant l’économie chinoise.

En effet, la tendance déflationniste semble s’aggraver en Chine. Mais l’économie américaine est elle aussi touchée par les politiques de son propre gouvernement : son PIB s’est contracté au premier semestre 2025 en raison de l’augmentation des importations des biens de consommation courants en prévision des hausses de prix liées aux droits de douanes.

Suite aux négociations, les États-Unis et la Chine sont parvenus à trouver un accord pour un « cadre général » à Londres. Le représentant chinois au commerce international, Li Chenggang, a annoncé à la presse que «les deux parties sont parvenues à un accord de principe sur un cadre général […] et vont rendre compte de ce cadre général à leurs dirigeants respectifs». Howard Lutnick, ministre américain du commerce, a pour sa part estimé que l’enjeu des exportations de terres rares «sera résolu grâce à la mise en œuvre de ce cadre général».

Malgré ces progrès, le président américain Donald Trump reconnaissait le premier jour des négociations avoir eu «de bons échos», tout en pensant que «la Chine n’est pas facile. Nous souhaitons ouvrir la Chine et, si nous n’y parvenons pas, nous ne ferons sans doute pas de geste [en leur faveur]». Les négociations qui se sont déroulées à Londres reflètent l’état actuel des relations entre les deux premières puissances économiques mondiales, où les enjeux de souveraineté et de puissance sont plus forts que jamais.

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Raphael Yussourou

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