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Acteurs armés non étatiques : Pouvoirs et Contre-pouvoirs

Publié le 25/11/2025
6 min de lecture
Par Eurasia Peace
Dossier thématique
Acteurs armés non étatiques : Pouvoirs et Contre-pouvoirs

Acteurs armés non étatiques : Pouvoirs et Contre-pouvoirs

Questionner le rapport entre les acteurs armés non étatiques et l’État est probablement une manière d’approcher au plus près les fondements socio-anthropologiques du pouvoir, et un objet d’étude par excellence de la politologie internationale, discipline désormais amenée à penser la remise en cause du modèle westphalien né en Europe et qui s’est imposé au monde durant plus de trois siècles.

Au delà de l’étude des dynamiques circonstancielles internes ou externes qui peuvent expliquer la perdurance ou l’érosion d’un acteur armé non étatique, qu’on pense à la différence de taille qui peut exister en la matière entre le Front Polisario ou le Hezbollah, des situations disséquées de façon claires et très instructives, respectivement par Ishak Benhizia et Thomas Sarthou, ce dossier entend donc questionner le « politique en dehors de l’État ».

Souvent présentés comme des stigmates de l’échec d’un Etat dit « failli », « proxy », fruit des manipulations perverses d’un ennemi extérieur, ou encore « Etat dans l’État », ces acteurs armés non étatiques recouvrent des réalités très différentes et plus complexes qui toutes interrogent une conception de l’État nation naturalisée et seule reconnue par les normes du droit international, désormais bousculée par la vague des pays dits du « Sud global ».

Comment les mythes, les récits et les symboles structurent un imaginaire légitimateur et concurrent de celui de l’État et quels sont les rapports d’instrumentalisation réciproques et à double tranchant qui peuvent s’instaurer entre ces deux acteurs, comme dans le cas de Wagner brillamment analysé par Lucie Fayoux ? Comment les mouvements révolutionnaires et contre-révolutionnaires qui ne sont pas seulement destructeurs d’ordre, mais aussi créateurs de normes, de récits et d’institutions, comme nous le démontre Gilles Bataillon par voie d’entretien, nous disent de la nature même du pouvoir politique en Amérique centrale ? Une large gamme typologique de ces mouvements et de leurs rapports à l’État pourra être observée de Wagner au Hezbollah en passant par le Front Polisario ou les Forces de mobilisation populaire irakiennes, qui brouillent la distinction entre institutions publiques et milices armées et dont l’analyse du fonctionnement sur le terrain irakien va jusqu’à remettre en cause le concept même d’hybridité, comme le montre Carole Massalsky. Ou un acteur tel que le M23 dans la région des Grands Lacs dont l’étude pointe, comme le montre Enzo Padovan, la nécessité de relocaliser la réflexion autour de la question de la souveraineté et de promouvoir une africanisation du processus de paix et de la construction étatique.

La dimension armée de ces acteurs contestataires autorise aussi un questionnement de la notion weberienne de l’État doté traditionnellement du monopole de l’exercice de la violence légitime, en raison du fait, notamment, que ce dernier peut coexister avec des groupes armés dans le partage ou la délégation de l’exercice de cette violence. Cela peut être le cas en Birmanie dont la mosaïque ethno-linguistique, décryptée pour nous par Constant Courtin, ne saurait pourtant être « normalisée » et instrumentalisée selon un modèle régionalisé d’agrégation ethnique, au risque d’une essentialisation et d’une vision exclusivement communautariste du politique.

Par ailleurs, on ne saurait faire l’impasse sur des dynamiques transversales favorisant l’émergence et le développement de ces acteurs armés non étatiques, que sont les différentes techniques et outils désormais mis à leur disposition par la sphère techno-scientifique : le cyber-espace fournit un nouveau théâtre de confrontation pour l’État islamique, les cartels, ou encore l’hacktivisme prorusse, un décuplement des moyens d’actions et de nouvelles structurations en réseau, bien que ce ne puisse se substituer à un ancrage socio-culturel et politique, ce qui est pertinemment décrit par Matteo Mevellec. L’hacktivisme, forme dématérialisée de la lutte des ces groupes armés non étatiques à la frontière du militantisme numérique et de la guerre hybride, révélant l’émergence d’une conflictualité diffuse et déterritorialisée, procède de moyens relevant autant de la contestation civile que de l’action militaire, et justifierait l’adaptation du cadre juridique international pour limiter l’instrumentalisation de ces groupes par les États, comme nous l’explique Anna Balawender.

Tous les auteurs et chercheurs ici mentionnés ont apporté chacun à leur manière des éléments de compréhension cruciaux des interactions qui se nouent entre Etat et acteurs armés non étatiques, et des enjeux qu’elles soulèvent.

Ce dossier fournit matière à réflexion sur l’ensemble de ces problématiques se recoupant d’une note d’analyse à une autre, en apportant des éclairages majeurs, une mine d’informations précieuses et des références théoriques solides à toutes celles et ceux qui souhaitent faire de la prospective géopolitique à partir de l’observation des marges du système de gouvernance internationale.

Propos introductifs

La reconnaissance érodée du Front Polisario sur la scène internationale : entre mutations globales et vulnérabilités internes – Ishak Benhizia

L’imaginaire Wagner : outil de cohésion, levier de déstabilisation ou source de rébellion  – Lucie Fayoux

Entretien avec Gilles Bataillon : Pouvoir, violence et démocratie en Amérique centrale  

Penser le désarmement du Hezbollah à l’épreuve de la souveraineté libanaise – Thomas Sarthou

Hacktivisme et cyberespace : la guerre partout et pour tous ?  Anna Balawender

Entretien avec Constant Courtin : Les groupes armés non-étatiques en Birmanie 

Les Forces de mobilisation populaire irakiennes (FMP) : acteur étatique de droit, acteur non étatique de fait – Carole Massalsky

Repenser le M23 à l’aune des limites de l’État westphalien : moderniser la souveraineté pour réguler les conflits au Kivu – Enzo Padovan

Guérillas et contre-pouvoirs à l’ère numérique : l’essor stratégique des acteurs armés non étatiques dans le cyberespace – Matteo Mevellec

Propos conclusifs

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