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Rencontre entre Emmanuel Macron et Kassym-Jomart Tokaïev: la politique étrangère multilatérale du Kazakhstan plus que jamais d’actualité

La rencontre entre le président de la République du Kazakhstan, Kassym-Jomart Tokaïev et son homologue français Emmanuel Macron survenue le mardi 29 novembre 2022 à l’invitation de ce dernier, relance le partenariat franco-kazakh et place la diplomatie multilatérale de la principale puissance d’Asie Centrale sur le devant de la scène.

Le Kazakhstan, pays situé à la croisée des chemins entre Europe et Asie, et entouré par deux géants, la Russie au nord et la Chine à l’est, a, dès la proclamation de son indépendance le 16 décembre 1991, eu à établir une politique étrangère adaptée à sa réalité géographique de pays enclavé entre deux puissances mondiales, mais très riche en ressources naturelles (pétrole brut, gaz, charbon et uranium notamment) afin de s’assurer une place de choix dans le monde post-soviétique.

La politique multivectorielle mise en place par le Kazakhstan s’explique par tous ces facteurs précédemment cités afin de s’ouvrir à l’international et de devenir un acteur clé de la région.

La priorité est pour le pays de maintenir des relations stables avec ses voisins. A ce titre, le Kazakhstan est membre de plusieurs organisations où siègent également ses voisins directs: l’Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC), organisation politico-militaire ayant pour objectif le renforcement de la paix, internationale et régionale, l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), organisation intergouvernementale à caractère politique et économique, ainsi que de l’Union Économique Eurasiatique (UEE) dont l’objectif est de favoriser une intégration plus étroite de ses pays membres, déjà liés depuis 2010 au sein d’une union douanière. Le Kazakhstan fait également partie de la Communauté des Etats Indépendants (CEI), aux côtés de neuf autres anciennes républiques soviétiques.

Afin de faire face aux défis économiques inhérents à la chute de l’URSS, le Kazakhstan se tourne vers les pays occidentaux, et fait intervenir des investisseurs étrangers afin de mettre en place différents types de coopération. Le secteur pétrolier se développe à cette période, et différentes sociétés occidentales, à l’image du français Total en 1992, s’installent dans le pays, permettant au pays de bénéficier d’une rente issue de ses ressources naturelles.

Au début de cette même année, le pays établit ses premières relations diplomatiques avec la République Française, avant que les présidents François Mitterrand et Noursoultan Nazarbaïev ne signent les premiers accords de relation bilatérale en septembre 1993. Plusieurs visites présidentielles et ministérielles ont eu lieu depuis, et les deux pays fêtent cette année le trentième anniversaire de leurs relations.

La visite de Kassym-Jomart Tokaïev à Emmanuel Macron intervient dans un contexte particulier, le lendemain de sa visite à Vladimir Poutine à Moscou, et un peu plus d’une semaine après les élections présidentielles anticipées au Kazakhstan, en pleine période de réforme constitutionnelle; sur fond de guerre en Ukraine et de tensions géopolitiques majeures.

Les deux chefs d’Etat ont d’ailleurs échangé sur leur volonté conjointe de “contribuer à la paix, à la sécurité et à la stabilité aux niveaux mondial et régional. Ils ont souligné leur attachement indéfectible au droit international et aux principes fondamentaux de la Charte des Nations unies, en particulier le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États”, comme le rapporte le communiqué conjoint entre la France et le Kazakhstan, disponible sur le site internet de l’Elysée. Le même communiqué rapporte la préoccupation des deux parties quant à la situation en Ukraine. C’est d’ailleurs à ce titre que la visite du président kazakhstanais à Paris laisse apparaître un potentiel enjeu au niveau des négociations entre les parties ukrainiennes et russes; le Kazakhstan, qui entretient des liens étroits depuis la chute de l’Union Soviétique avec la Russie, au niveau sécuritaire notamment (rappelons que les deux Etats sont fondateurs de l’OTSC), n’a pas pris fait et cause pour cette dernière, ne reconnaissant pas l’annexion de Donetsk, Lougansk, Zaporizhzhia et Kherson, en s’appuyant sur son attachement à la Charte des Nations unies et au respect du droit international.

La Russie n’en reste pas moins un partenaire stratégique majeur pour Astana, mais sa politique de dialogue multilatéral, aussi bien avec les puissances occidentales qu’asiatiques, sous-entend que le Kazakhstan pourrait avoir un rôle à jouer dans d’éventuelles négociations avec le Kremlin au sujet du conflit entre la Russie et l’Ukraine (à l’image de son rôle de médiateur dans la crise russo-turque de 2015), le président français Emmanuel Macron ayant d’ailleurs toujours prôné le dialogue avec les deux parties de ce conflit dans la recherche d’une éventuelle résolution de ce dernier.

La visite du président Tokaïev en France entre dans le cadre plus global d’un renforcement des échanges entre Chine et Europe, par l’intermédiaire des Nouvelles Routes de la Soie (BRI – Belt and Road Initiative), que le conflit en Ukraine a indirectement favorisé en permettant au Kazakhstan de renforcer son rôle de plateforme logistique majeure par sa position au carrefour entre l’Asie et l’Europe. A ce titre, il semble nécessaire de rappeler que le Kazakhstan est le seul pays de la région à avoir signé avec l’UE un accord de partenariat et de coopération renforcé (APCR), entré en vigueur en 2020, et est donc un partenaire clé pour les pays européens, notamment dans le cadre de ses échanges avec l’Asie; le pays a d’ailleurs accueilli le premier Sommet Union européenne-Asie Centrale à Astana le 27 octobre 2022, marquant le renforcement de l’UE avec son premier partenaire de la région de l’Asie centrale

Le Kazakhstan est un partenaire majeur de la France (deuxième fournisseur de pétrole brut derrière les Etats-Unis, ainsi que d’uranium), et les deux pays sont liés par un partenariat stratégique depuis 2008; la France est l’un des principaux investisseurs au Kazakhstan, et plusieurs grand groupes français opérant dans différents domaines y sont installés, à l’instar de TotalEnergies ou d’Orano dans le secteur énergétique, de Décathlon ou Leroy Merlin pour la distribution, du cimentier Vicat et d’autres.

La visite de Kassym-Jomart Tokaïev à l’invitation d’Emmanuel Macron à ainsi résulté en la signature de plusieurs accords majeurs pour la coopération entre les deux pays notamment dans le domaine des énergies renouvelables, de la production d’hydrogène vert, du nucléaire civil, de la gestion des ressources en eau, du transport ferroviaire et de l’agroalimentaire. TotalEnergies a ainsi engagé la mise en œuvre de sa transition énergétique en signant un accord avec ses partenaires kazakhstanais de Samruk-Kazyna et KazMunayGas en vue du développement du projet Mirny, le plus grand projet éolien jamais initié au Kazakhstan. D’autres accords ont été signés, dans des domaines d’intérêt mutuel comme le rapporte le communiqué conjoint, dans les domaines de l’économie et de l’investissement, de l’éducation (à l’instar de l’institut Sorbonne-Kazakhstan inauguré par François Hollande et Noursoutan Nazarbaïev en 2014, des bourses Bolachak et Abay-Verne), de la santé, de la science et de la culture. Des discussions sur le projet de centrale de production d’énergie nucléaire auraient également eu lieu, Astana souhaitant se doter d’une telle installation. La France, en balance avec la Chine et la Corée du Sud dans l’implantation de cette centrale, pourrait effectivement fournir son expertise en la matière, ce qui donnerait un nouvel élan à la coopération franco-kazakhe.

Cette rencontre bilatérale franco-kazakhstanaise, à Paris, met la lumière sur le Kazakhstan, à un moment où le pays entame une réformation d’ampleur; le 5 juin dernier, un référendum constitutionnel a été organisé par le président Tokaïev afin d’ouvrir la voie à un “Nouveau Kazakhstan”. Une réformation menant à une limitation des mandats présidentiels à un septennat unique et non reconductible, à des mesures sociales de soutien à la jeunesse, de réforme des retraites et du domaine de la santé, ainsi qu’à une libéralisation économique en vue de favoriser l’entrepreneuriat et les investissements étrangers. Un élan de réformes très encourageant dans ce pays – dont l’ancien chef d’état Noursoultan Nazarbaïev, resté 29 ans au pouvoir a été déchu de ses fonctions après de violentes manifestations en janvier 2022 – qui met en place, depuis son indépendance, une politique visant à en faire l’une des 30 économies mondiales les plus développées d’ici à 2050.

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